LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE : Réponse à Florence PARLY

Posté le mardi 29 juin 2021
LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE : Réponse à Florence PARLY

Rapporteur spécial des crédits de la défense à la commission des finances de l’Assemblée, le député du groupe Les Républicains et onze de ses collègues* répondent à la tribune de Florence Parly, ministre des Armées, parue dans nos colonnes le 26 juin.

 

La semaine dernière, les groupes d’opposition de l’Assemblée et du Sénat se sont abstenus ou ont voté contre la déclaration du premier ministre sur la loi de programmation militaire (LPM). Mme Florence Parly voit dans ce vote le résultat d’un sombre complot politique qui méconnaîtrait l’intérêt supérieur de nos armées. Après des débats au cours desquels le gouvernement ne s’était pas montré à son avantage, était-il utile d’insister et d’en remettre une louche avec une tribune ? Car la vérité impose de dire que c’est plutôt l’attitude du gouvernement qui ne fut ni claire ni à la hauteur.

Rappelons le contexte dans lequel est intervenu le vote dénoncé par la ministre.
Adoptée en 2018, la LPM engage notre effort de défense jusqu’en 2025. Pour tenir compte de l’évolution de la conjoncture, le gouvernement avait lui-même inscrit dans la loi le principe d’une révision en 2021. Ce qui s’avère aujourd’hui particulièrement nécessaire dans le climat économique incertain post-Covid.

L’émotion fut donc grande lorsque la ministre vint annoncer discrètement à l’Assemblée nationale que le gouvernement ne respecterait pas son engagement solennel. Ce revirement était incompréhensible. Devant les protestations unanimes, y compris au sein de la majorité, le gouvernement persista dans son refus, mais finit par octroyer au Parlement - en somme à titre de dédommagement - une simple déclaration du Premier ministre sans conséquence budgétaire.

Aussi, contrairement à ce que laisse entendre Mme Parly dans sa tribune, les parlementaires ne se sont nullement opposés à l’adoption des crédits de la défense (car ce n’était pas l’objet), mais seulement à la petite manœuvre du gouvernement. Sans prendre aucun engagement sur l’avenir, celui-ci demandait une sorte de vote de confiance. Un comble, alors qu’il était justement en train de bafouer sa propre loi !

Voilà pour les faits. Ajoutons deux mots sur les circonstances.

À l’Assemblée nationale et au Sénat, on vit des parlementaires de tous bords faire leur travail, c’est-à-dire interroger le gouvernement. Aucune agressivité, mais des questions pressantes. Leur but n’était pas d’accabler le gouvernement mais de comprendre où nous en étions. En effet, les sujets de préoccupation ne manquent pas. Ils sont graves. Selon la commission des Affaires étrangères du Sénat, la dérive financière sur la LPM est déjà de 3 milliards d’euros et pourrait par la suite dépasser 8 milliards. Et que dire du mur budgétaire futur qui se rapproche dangereusement, alors que l’état de nos finances publiques se dégrade à grande vitesse ?

Enfin, si les crédits sont en hausse, ne sont-ils pas très insuffisants par rapport à l’ambition affichée ? Une telle situation est-elle durablement tenable ? À entendre le gouvernement, l’État n’aura aucune difficulté pour financer « en même temps » le futur avion de chasse SCAF, le prochain porte-avions, le successeur du char Leclerc et le renouvellement de nos composantes nucléaires, sous-marin compris. Nul doute n’est permis ?

Chacun peut en convenir : les questions qui furent abordées ne sont ni négligeables ni politiciennes. Elles sont devant nous et méritent un véritable débat. Le gouvernement a tout loisir de contester les chiffres avancés par le Parlement. Du moins, doit-il répondre.

Or, il n’en fut rien. Dans son intervention, rédigée à l’avance, Mme Parly vanta avec emphase son bilan mais ne daigna pas répondre aux parlementaires. Certains y virent la marque du mépris, alors que d’autres estimèrent simplement que la ministre n’avait pas les éléments de réponse, ce qui était encore plus inquiétant. Dans toutes les hypothèses, il fallait proposer au Parlement un travail en commun pour faire le point. Silence.

Ce mutisme face à la représentation nationale qui accomplissait sa mission, était déjà très singulier. Mais le plus étrange était à venir. Les parlementaires furent invités par la tribune de Florence Parly - tels des garnements irresponsables - à se ressaisir ! Contre toute évidence, ils furent également dénoncés comme étant secrètement favorables à une réduction des crédits de la défense. Le gouvernement, qui s’était jusque-là refusé à toute argumentation, achevait ce naufrage en ayant recours à un niveau d’invective affligeant.
L’exécutif pris d’une crise d’autoritarisme oublie que le Parlement n’est pas aux ordres. Il questionne, il débat puis il vote. Tel est le propre d’une démocratie parlementaire, fût-elle rationalisée.

Mme Parly avait la réputation d’être une ministre technicienne. Aussi, quelle mouche l’a-t-elle piquée de se lancer dans des envolées politiciennes hors de propos ? Et quelle soudaine angoisse la poussa-t-elle à dilapider son capital de sérieux, sinon d’autorité ? Le gouvernement et nos armées n’ont rien à y gagner. Surtout, une tâche bien plus urgente devrait mobiliser toute son énergie. Alors que le paquebot LPM vogue majestueusement vers la zone où dérivent les icebergs, la ministre n’a-t-elle pas beaucoup mieux à faire ?

Car la ministre se trompe de cible. Sa sortie inutilement polémique n’est pas seulement choquante du point de vue du respect de nos institutions ; elle est surtout contreproductive pour nos armées : lorsque viendra bientôt le temps des arbitrages difficiles, l’aide du Parlement lui sera nécessaire pour défendre la LPM.

François CORNUT-GENTILLE
source : Figaro –
Date : 29 juin 2021

* Le texte de François Cornut-Gentille est cosigné par onze députés LR membres de la commission de la défense de l’Assemblée nationale : Charles de La Verpillière (vice-président), Marianne Dubois (secrétaire), Bernard Bouley, Jean-Jacques Ferrara, Claude de Ganay, Philippe Meyer, Jean-François Parigi, Bernard Reynès, Nathalie Serre, Jean-Louis Thiériot et Laurence Trastour-Isnart (membres de la commission).

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Source : www.asafrance.fr