LPM : Sans être financée, la loi de programmation militaire va être révisée à la hausse

Posté le jeudi 19 mars 2015
LPM : Sans être financée,  la loi de programmation militaire va être révisée à la hausse

Plus d'hommes, plus d'armes, mais pas plus d'argent. Parce que la «situation internationale est extrêmement grave» et que «les menaces terroristes restent fortes», de l'aveu même du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, la loi de programmation militaire (LPM) va être révisée à la hausse.

Mais on ignore comment les nouvelles mesures seront financées...

Peut-être le saura-t-on avant l'«actualisation» de la LPM 2014-19 «courant juin», selon une clause dite de revoyure prévue dans le texte voté au printemps 2013 ? Le ministre espère en tout cas obtenir une «crédibilisation de ses ressources financières». Une chose est certaine : dans la longue histoire des douze lois de programmation militaire depuis leur création en 1960, elles n'ont qu'exceptionnellement été revues à la hausse en cours de route. La multiplication des conflits (Sahel, Centrafrique, Irak) et les attentats de janvier ont changé la donne. «En matière de projection extérieure, nous sommes au taquet alors que notre engagement pour la protection intérieure dépasse les contrats opérationnels» des armées, a déclaré Jean-Yves Le Drian dans un entretien avec quelques journalistes spécialisés.

L'opération intérieure Sentinelle mobilise à elle seule 7000 hommes pour la protection de 682 sites en France. C'est moins l'importance des effectifs que la durée de leur engagement qui pose problème aux états-majors. Le «contrat opérationnel» prévoyait bien une forte mobilisation mais pour une dizaine de jours, voire un mois... Elle dure depuis déjà deux mois et, lors d'un conseil de défense mercredi à l'Elysée, le chef de l'Etat a «décidé de maintenir l'engagement des armées sur le territoire national» au niveau actuel. Au moins jusqu'en juillet – ce qui ne signifie pas que la décrue sera ensuite rapide. Principale conséquence : les effectifs militaires seront moins réduits que prévu. Le 21 janvier, François Hollande avait déjà annoncé que les suppressions de postes planifiées (7500 postes en 2015) seraient finalement moins nombreuses. «Ce chiffre peut encore évoluer» affirme Jean-Yves Le Drian, qui espère «du moins en plus».

L'armée de terre sera la première bénéficiaire de ce coup de frein à la déflation et son nouveau modèle, baptisé «Au contact» devrait être présenté «dans les prochains jours» au président de la République. Au sein des armées, «les forces spéciales, la cyberdéfense, les drones et le renseignement seront renforcés». Ainsi un troisième drone américain Reaper sera livré «dans les semaines qui viennent» et «trois autres commandés à l'été». Un effort «spécifique» sera consacré aux hélicoptères de transport, l'un des principaux outils des armées, aujourd'hui en nombre insuffisant.

Reste à trouver l'argent. La vente de Rafale à l'Egypte est, à cet égard, une bonne nouvelle car les commandes du Caire permettent de faire fonctionner la chaîne de montage pendant plus de deux ans, sans que le ministère de la Défense soit contraint d'acheter les appareils qui en sortent. Mais cela ne suffira pas. Le budget de la défense est de 31,4 milliards et, pour l'instant, pas un sou de plus : dans ses vœux aux armées, le 21 janvier, François Hollande a parlé d'un budget «sanctuarisé» et de ressources «strictement maintenues». Qui plus est, il manque toujours 2,2 milliards aux 31,4 promis, faute de «recettes exceptionnelles» provenant de la vente de fréquences. D'où l'idée des «sociétés de projet», qui permettrait à la Défense de louer certains de ses matériels majeurs, comme les frégates ou l'avion de transport A400M, voire les hélicoptères, ce qui coûte moins cher dans l'immédiat que de les acheter. Le président de la République a tranché en faveur de ce système, malgré l'opposition acharnée du ministère des finances. «Nous continuons à travailler activement avec Emmanuel Macron», le ministre de l'Economie plus favorable à l'idée que Michel Sapin, «pour une mise en œuvre à l'été», assure Jean-Yves Le Drian. «Je ne suis pas arc-bouté sur cette idée, mais il n'y pas d'autres solution» confie-t-il.

En présentant son programme de travail pour 2015, Jean-Yves Le Drian ne s'en cache plus : il restera à l'Hôtel de Brienne jusqu'en décembre au moins. Il mènera de front ses affaires à la Défense et la campagne pour les régionales en Bretagne à la fin de l'année. Il trouve d'ailleurs une raison de se rendre en visite dans sa région dès que possible. Le 27 février, il était ainsi dans les établissements Hénaff à Pouldreuzic. Normal puisque les produits du charcutier breton se retrouvent dans les rations militaires !

Entre deux sauts en Bretagne et d'incessantes conversations téléphoniques avec des dirigeants africains, le ministre de la Défense, de l'Afrique et de la Bretagne annoncera à l'automne le lancement de «Source Solde», le nouveau système de paiement des soldes qui viendra remplacer Louvois – dont l'échec est total. Source Solde est un logiciel développé par l'allemand SAP à partir des logiciels de ressources humaines des armées. Enfin, le ministre inaugurera, sans doute en octobre, le nouveau ministère de la Défense à Balard, sans doute avec le président de la République. Mais le ministre et son cabinet devraient rester à l'Hôtel de Brienne, un charmant bâtiment du XVIIIe siècle, rue Saint-Dominique. Pour combien de temps ? Cela dépendra un peu du résultat des régionales de décembre. Au pays du pâté Hénaff.

Source : L'Opinion