MALI : La France veut tout faire pour empêcher l’alliance avec Wagner

Posté le vendredi 15 octobre 2021
MALI : La France veut tout faire pour empêcher l’alliance avec Wagner

Le pouvoir russe et ses mercenaires menacent l’ensemble du pré carré français en Afrique.

Déclaré « incompatible » avec le partenariat français, le projet d’alliance entre le gouvernement malien et la société russe Wagner, proche du Kremlin, mobilise depuis plusieurs semaines toutes les énergies de la diplomatie française. Paris essaie d’abord de faire pression sur les autorités russes. Christophe Bigot, le Monsieur Afrique du Quai d’Orsay, s’est rendu à Moscou le mois dernier. Emmanuel Bonne, le conseiller diplomatique du président, y était cette semaine. Des contacts ont aussi été établis avec les services de renseignements, notamment militaires (le GRU). La France demande aux Russes de renoncer ou à défaut, au moins de ralentir leur projet d’alliance avec le gouvernement de transition malien, issu d’un double putsch. Pour l’instant sans véritable succès. À Moscou, les canaux officiels prétendent n’avoir aucune influence sur Wagner. Quant aux canaux officieux, ils préparent le déploiement des mercenaires pour combler le vide laissé par l’allégement de la force militaire française Barkhane, décidé l’été dernier par Emmanuel Macron.

Les pressions de la France, qui a décidé « de tout faire » pour empêcher ce partenariat, s’exercent également vis-à-vis du Mali. Elles se font en coopération avec l’Union européenne. Et avec les pays de la région, qui voient la menace djihadiste s’étendre dans toute la zone et redoutent un effondrement du Mali. Mais pour l’instant, la junte a refusé d’abandonner son projet de rapprochement avec Wagner. Les relations entre Paris et Bamako sont au plus bas. Le premier ministre Choguel Kokalla Maïga a récemment accusé la France d’« abandon en plein vol ». À Bamako, on considère que le redéploiement de la force Barkhane, qui s’accompagne d’une réduction du nombre de soldats français dans le pays, crée un vide sécuritaire dangereux pour le pays. Alors que les défaillances et la corruption de l’état malien sont indirectement à l’origine des échecs de l’intervention…

Si le vide est comblé par des mercenaires russes, le pacte qui lie le Mali à la France pourrait être rompu. « Ce sera un choix de défiance. La France est présente là-bas à l’invitation du Mali. Si la confiance est rompue, il sera difficile de continuer à coopérer » affirme une source proche du dossier. Un tel choix aurait des conséquences sur le dispositif militaire français, notamment sur la force Takuba qui ne manquerait pas d’être désertée par les pays d’Europe centrale et orientale, très sensibles à la menace russe. « Le tournant russe de Bamako pourrait entraîner le recentrage de l’opération Barkhane sur le Niger, où les États-Unis disposent d’un important QG et fragiliser l’engagement de l’Union européenne et de ses États membres » écrit le spécialiste Jean Sylvestre Mongrenier dans un article pour le site Desk Russie. L’arrivée de Wagner au Mali pourrait aussi entraîner des sanctions.

Un instrument de prédation économique  


Pour convaincre les pays de la région, Paris rappelle que Wagner est d’abord un instrument de prédation économique qui pille les ressources locales avec la complicité de l’État russe, ne s’engage pas pour la stabilité et se livre à de nombreuses exactions. La France interroge aussi l’efficacité de la société de mercenaires, qui a par exemple échoué à lutter contre la filiale locale de Daech au Mozambique, qui devait être sa mission.

« Le Mali est-il prêt à se couper du soutien international ? », interroge une source diplomatique. Arrivés au pouvoir par effraction, les patrons de la junte malienne tenteront-ils de le garder avec l’aide de Wagner ? À ce stade, rien ne peut être exclu. Car au-delà d’un accord ponctuel entre deux pays, l’alliance entre Wagner et le Mali, si elle se concrétise, sert un projet géopolitique bien plus large. Depuis plusieurs années, la Russie consolide son influence en Afrique. Pressée par la communauté internationale de retirer ses forces de Libye, et notamment ses mercenaires, elle pourrait faire du Mali son nouveau point d’entrée au Sahel. De la Syrie à la Libye puis de la Libye au Mali : les mercenaires russes de Wagner se déplacent au fur et à mesure des fronts géopolitiques. Avec une grande souplesse et une forte capacité d’adaptation.

Les Russes avaient déjà chassé la France de la République centrafricaine. Aujourd’hui ils menacent l’ensemble de son pré carré en Afrique. Au fur et à mesure que la Russie, mais aussi la Chine, consolident leur emprise sur le continent africain, Paris voit son influence s’y réduire. C’est aussi l’une des conséquences de l’échec des printemps arabes. Dix ans après, une vague russe s’est jetée sur la région pour s’en emparer. Elle projette aujourd’hui des métastases partout, encouragée par les revers et les retraits américains, notamment le dernier, celui d’Afghanistan.



Auteur : Isabelle Lasserre
Source : Le Figaro
Date : 14 octobre 2021

 Retour à la page actualité

Source : www.asafrance.fr