MÉMOIRE : A nos pères ! Ceux de Corée… 1950-1953.

Posté le lundi 28 mars 2016
MÉMOIRE : A nos pères ! Ceux de Corée… 1950-1953.

Les relations diplomatiques entre la France et la Corée ont 130 ans d’existence. La France et la Corée ont décidé de célébrer cet événement par une année de la Corée en France de septembre 2015 à août 2016 et par une année de la France en Corée de mars à décembre 2016.


On ne peut que se réjouir d’un pareil événement international avec un pays ami, moderne et prospère qui est devenu la dixième puissance économique mondiale. Pour autant, ce pays est toujours techniquement en guerre avec la Corée du Nord depuis l’armistice signé à Panmunjom le 27 juillet 1953.

Le souvenir de la guerre de Corée n’évoque plus grand-chose pour la plupart des Français. C’est une guerre oubliée. Cette amnésie collective est coupable. Notre République est particulièrement fautive. Pourtant, le bataillon français de Corée avec 21 autres Nations a participé de 1950 à 1953 à la défense de la Liberté du peuple coréen en répondant à l’appel de l’ONU. Sous l’égide de cette organisation, 3 421 soldats français de l’armée de terre ont combattu en Corée avec bravoure pour le prestige de la France. Notre pays doit sans aucun doute beaucoup à ses glorieux soldats les excellentes relations diplomatiques dont il jouit avec ce pays ami.

 

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Le bataillon français a eu 269 tués (7,86% de ses effectifs) et 18 soldats coréens intégrés au bataillon ont également été tués au combat. 1350 combattants français ont été blessés dont certains à plusieurs reprises. 12 ont été prisonniers de guerre et 7 sont portés disparus.

Il y a maintenant 65 ans des soldats français combattaient sous les ordres de chefs prestigieux tels que Monclar, Borreill et de Germigny. Pendant cette année de célébration des 130 ans de relations diplomatiques, culturelles et commerciales avec la Corée, combien de manifestations patriotiques présidées par les plus hautes autorités de notre pays auront lieu pour honorer la mémoire des valeureux combattants du bataillon de Corée ? On n’ose y apporter une réponse. Pourtant, jamais aussi peu d’hommes en auront fait autant pour la France en se battant pour la liberté et la démocratie d’un peuple ami.

 

La première phase du combat était celle du débarquement réussi d’Inchon, près de Séoul, le 15 septembre 1950 avec l’engagement de l’escorteur Lagrandière de la Marine Nationale. Cette opération amphibie audacieuse appelée opération Chromite avait été imaginée par le général Mac Arthur. Elle permit de couper les lignes de ravitaillement des forces communistes de Corée du Nord.

 

Puis vinrent trois années de durs combats terrestres. Le bataillon, rattaché au 23ème régiment d’infanterie de l’US Army, a été engagé dans une suite de batailles décisives qui ont toutes été gagnées ! Les soldats français se battaient comme des lions pour défendre la Liberté de ce pays. Le bataillon comptait dans ses rangs des soldats coréens, les R.O.K (Républic of Korea), qui étaient encadrés par des français.

 

Depuis cette époque glorieuse les coréens n’ont cessé d’éprouver une immense gratitude à l’égard des soldats alliés qui ont combattu vaillamment sous l’égide de l’ONU, mais aussi à l’égard de leurs frères d’armes français. Les batailles où ont combattu les soldats français au sein de la seconde division d’infanterie américaine portent des noms qui sont entrés dans l’histoire. Toutes ces nombreuses batailles gagnées méritent d’être rappelées :

 

Wonju – Twin Tunnels – Chipyong Ni et la côte 1037 – Soyang Ni – Inje – Crèvecœur (Heartbreak Ridge) – Triangle de fer dont les sommets des villes en ruine sont Chorwon, Kumhwa, Pyonggang – T Bone – Putchaetul – Arrow Head et la côte 281 – Cheval blanc (White Horse) – Song Kok – Majon Ni et Chungasan.

 

Dans le cimetière militaire des Nations-Unies à Busan en Corée du Sud demeurent les tombes de 44 soldats français qui n’ont pas été rapatriés. Sur le mur du souvenir une plaque est dédiée à la France. On peut y lire les noms des 269 soldats qui sont morts en Corée. Parmi tous ces héros figure le nom de Jules Jean-Louis. Le médecin-commandant Jules Jean-Louis est l’un des seuls occidentaux à avoir sa statue en Corée, l’autre étant celle du général Mac Arthur qui fut le premier commandant en chef des Force des Nations Unies en Corée. Souvenons-nous plus que jamais aujourd’hui que la statue du médecin-commandant Jean-Louis du bataillon de Corée fut érigée par les coréens lors des célébrations du centième anniversaire de nos excellentes relations diplomatiques avec la Corée !

 

Le médecin-commandant Jean-Louis est mort le 8 mai 1951 à l’âge de 34 ans. Il tombait au champ d’honneur en sauvant la vie de soldats coréens blessés dans les durs combats de Jang Ang Nam Ri sur la route d’Inje où combattait le bataillon. Sa statue en bronze a été édifiée à l’endroit même de sa mort à une trentaine de kilomètres au nord-est de Hongcheon   La résistance du bataillon français a profondément impressionné nos chefs et nos amis coréens et américains de l’époque. Le bataillon de Corée a gagné quatre citations françaises à l’Ordre de l’Armée, trois citations présidentielles américaines, et deux citations présidentielles de la république de Corée sanctionnant ainsi ses victoires, ses pertes et ses sacrifices. 1898 citations individuelles témoignent de la bravoure de nos soldats. Notre république n’a pas le droit de l’ignorer et de ne pas les mettre à l’honneur alors que les plus anciens de ce bataillon sont nonagénaires !

 

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J’ai participé récemment à l’assemblée annuelle de l’Association Nationale des Anciens et Amis des Forces Françaises de l’ONU, du Bataillon et du Régiment de Corée et du 156ème régiment d’infanterie (ANAAFF/ONU/B&RC/156ème RI) à Saint-Mandé. Ils étaient dix anciens combattants du bataillon de Corée. Le plus jeune avait 84 ans et le plus âgé avait 88 ans. J’ai assisté à leurs retrouvailles joyeuses et chaleureuses. Ils retrouvaient en un instant leurs vingt ans. Après quelques embrassades fraternelles, ils entonnaient  tous ensemble en langue coréenne le magnifique chant coréen « Arirang ». Ce  chant qu’ils entonnaient régulièrement sur le front avec leurs soldats coréens, les R.O.K. qui servaient avec eux en première ligne au sein du bataillon français pour combler les pertes françaises.

Il est temps d’honorer ces braves comme la France sait tellement bien le faire pour honorer les anciens combattants alliés de la seconde guerre mondiale.

Le souvenir, la mémoire et le sacrifice de ces valeureux combattants se perpétuent à travers son association déclinante d’anciens du bataillon, mais aussi fort heureusement à travers des promotions d’officiers des écoles de Saint Cyr Coëtquidan qui immortalisent la mémoire du bataillon de Corée. Il s’agit de la promotion Monclar de l’école spéciale militaire de Saint Cyr, de la promotion bataillon de Corée de l’école militaire interarmes, et de la promotion capitaine Barrés également de l’école militaire interarmes. Trois sous-officiers morts pour la France en Corée ont donné leurs noms à des promotions de sous-officiers d’active de l’armée de terre. Une promotion de l’école nationale des sous-officiers d’active de Saint Maixent (1968) et une promotion de l’école du génie d’Angers (1980) ont le même parrain, celui de 

l’adjudant Roland Gavriloff, tué à la bataille d’Arrow-Head le 06/10/1952. Une promotion de l’école du génie d’Angers (1991) porte le nom du sergent Joseph Falconetti, tué à la bataille de Crèvecœur le 25/09/1951. Une promotion de l’école nationale des sous-officiers d’active de Saint Maixent (1999) porte le nom du sergent-chef Joannes Petit Male, tué également à la bataille de Crèvecœur le 26/09/1951.

 

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L’Amérique avait oublié pendant longtemps ses anciens combattants de la guerre de Corée. Cette guerre était devenue « The Forgotten War »-« La guerre oubliée ».

Lors des commémorations du 50ème anniversaire de la guerre de Corée, le président Clinton déclara dans un de ses discours : 

« ... Nos soldats répondirent sans hésitation à l'appel de leur  Patrie pour voler au secours d'un pays qu'ils ne connaissaient même pas et défendre au prix de terribles souffrances un peuple qu'ils n'avaient jamais rencontré... La Liberté a un prix. Celui du sang. « Freedom is Not Free » !

Le mémorial de la guerre de Corée à Washington D.C. proche du mémorial de Lincoln et qui fait face au mémorial des vétérans de la guerre du Vietnam est particulièrement émouvant. Sur une végétation qui rappelle celle de la Corée dix-neuf statues de fantassins en situation de combat progressent sous les intempéries pour l’éternité. Ce mémorial ne laisse pas indifférent les anciens combattants du bataillon français de Corée. Ils se reconnaissent dans ces statues, car ils disposaient du même équipement et du même armement que les unités américaines auxquelles leur bataillon était rattaché. En l’occurrence le 23ème régiment d’infanterie de la 2ème division d’infanterie américaine « Indian-Head »

Les Américains apprécièrent que leurs camarades français fussent venus combattre à leurs côtés pour libérer un petit pays asiatique. Le général Ridgway, qui succéda au général Mac Arthur s’adressant au Congrès américain, leur rendit hommage : « Je parlerai brièvement du 23e régiment américain d’infanterie, commandé par le colonel Paul L. Freeman, et du bataillon français de Corée. Isolés loin devant la principale ligne de front, totalement encerclés sous une température glaciale, ils repoussèrent les assauts répétés tant de jour comme de nuit par des troupes nord coréennes et chinoises largement plus nombreuses. Ils ont finalement été relevés sur leurs positions. Je veux préciser, qu’à tous niveaux, ces combattants américains, et leurs frères d’armes français se sont montrés à la hauteur des meilleures forces que l’Amérique et la France ont déployées au cours de leur histoire  ».

 

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Aux Etats-Unis la formule choc qui répond désormais à la « Forgotten War » est « Forgotten No More »-« N’oublions plus jamais ».  La France doit savoir s’en inspirer pour rendre dignement hommage à ceux du bataillon de Corée à l’occasion des manifestations de la Corée en France et de la France en Corée. En célébrant dignement le passé, surtout lorsqu’il est glorieux, on prépare aussi l’avenir !

 

 

 

Lieutenant-colonel (er) Vincent FAUVELL-CHAMPION

(EMIA promotion centenaire 1981-1982)

 

 

 

[1] Le médecin-commandant Jean-Louis a été inhumé dans sa ville natale à Sanary-sur-Mer. En 1986, le général Barthélémy, ancien commandant du bataillon de Corée sous les ordres de Monclar, rapporta au Maire de Sanary le souhait des autorités sud-coréennes de voir un jumelage se réaliser avec la ville de Hongcheon où le médecin militaire français faisait l’objet d’une véritable vénération. Ainsi, en souvenir de l’acte courageux de ce médecin militaire natif de la ville le 26 mars 1986 le conseil municipal de Sanary-sur-Mer donna son accord unanime à un jumelage avec Hongcheon.

 

 

 

Légende photo :  Statue du Médecin Commandant Jules Jean-Louis à Hongcheon en Corée

 

 

 

Source : Revue L’Epaulette n°192 de mars 2016