ACTIVITE : Wagner, de la scène au Sahel

Posté le jeudi 23 décembre 2021
ACTIVITE : Wagner, de la scène au Sahel

Wagner, le mot résonne dans l’actualité internationale de 2021, comme il l’a fait sur les scènes d’opéra, depuis 1870, avec la célèbre chevauchée des Walkyries. Dans la mythologie nordique ces guerrières sont des divinités qui servaient le dieu Odin. Le rôle des Walkyries est de combattre, de diriger des batailles, de distribuer la mort parmi les guerriers et d'emmener l'âme des héros au paradis. Wagner, le nom aujourd’hui donné à une société de sécurité qui agite les instances diplomatiques françaises et plus largement européenne. En effet comment ne pas s’interroger sur l’action russe en Afrique au moment où la France re-déploie à la baisse son dispositif Barkhane au Sahel, alors que le Mali vient de connaître un coup d’Etat. Assurément, le phénomène des mercenaires n’est pas nouveau et, sans remonter à l’antiquité ou aux premiers gardes suisses, ces organisations ne sont pas rares. Il suffit de citer la plus grande d’entre elles, américaine, Blackwater très active lors de la guerre en Irak, qui a compté jusqu’à 50 000 mercenaires, dont les agissements ont été parfois contestés en justice. Pensons aussi à la Société privée Executive Outcome des sud-africains qui est intervenue activement, quelquefois rudement, en Sierra Léone ou en Côte d’Ivoire. Enfin, n’oublions pas l’étrange « affreux » français Bob Denard, écumant entre autres les côtes de l’Est africain et des Comores dans les années 1970 à 1985. « Désormais le monde contemporain ne laisse plus guère de place aux aventuriers solitaires, imprévisibles, naviguant pour quelques valises de billets de coups d’état en coups de force, entre rébellions et troupes gouvernementales, selon le bon vouloir et les ambitions de certains services secrets ». Depuis 1977, cent soixante-sept états ont ratifié le premier protocole additionnel de la Convention de Genève de 1949. Ce traité fournit dans son article 47 la définition d'un mercenaire « la plus reconnue » sur le plan international. Le mercenaire ne bénéficie cependant, ni du statut de combattant, ni de celui de prisonnier de guerre.

 

En cette fin d’année, le Président de la République française a annulé son déplacement au Mali, prévu ce 20 décembre 2021, pour des raisons officiellement sanitaires. Il devait y rencontrer pour la première fois, depuis le putsch de mai 2021, le président de la transition, le colonel Assimi Goïta. Certains soulignent que ce dernier aurait engagé des négociations avec la société russe Wagner pour recourir à ses services et envisagerait en outre un dialogue politique avec la mouvance Djihadiste. Parallèlement, ce 8 décembre 2021, l’Union Européenne a sanctionné les agissements de la Société russe. « La décision prise aujourd’hui a pour but de mettre un terme aux activités subversives du groupe Wagner. Elle témoigne de la ferme détermination de l’Union Européenne à défendre ses intérêts et ses valeurs dans son voisinage et au-delà, et à prendre des mesures concrètes contre ceux qui menacent la paix et la sécurité internationales et violent le droit international », explique le communiqué. « Wagner est une société militaire privée russe utilisée pour déstabiliser la sécurité en Europe et dans des pays tiers de son voisinage, notamment en Afrique ». A cet égard, il faut souligner la déclaration du ministre des affaires Etrangères français début mi-octobre à propos de la République Centrafricaine où intervient également le groupe Wagner qui, dit-il, « fait la guerre par procuration pour le compte de la Russie ». L’ONU ajoute « lorsque ses agents pénètrent dans un pays, ils multiplient les violations, les exactions, les prédations pour se substituer parfois même à l'autorité du pays ».  

 

Dans les conditions actuelles de tensions, lorsqu’au langage de la diplomatie s’est commué en celui de l’intimidation réciproque, il faut craindre que l’on approche de l’inacceptable et de la provocation armée dans la bande sahélo-saharienne comme au-delà. Alors que les forces françaises quittent Tombouctou, nous sommes loin des spectacles d’opéras dans lesquels un Verdi fait sonner les trompettes de la renommée. En ce début de nouvelle année, il est de notre devoir, avec émotion et tristesse, de respecter une minute de silence en mémoire des cinquante-sept militaires « morts pour la France » au Mali et au Sahel depuis janvier 2013.

 

Dominique BAUDRY colonel (h)
Membre de l’ASAF

Source : Site ASAF

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Source : asafrance.fr