NAPOLEON BONAPARTE : Le déclic libérateur de la Révolution

Posté le dimanche 25 août 2019
NAPOLEON BONAPARTE : Le déclic libérateur de la Révolution

L’ÉCLOSION  DE  L' 'AIGLE AIGLE  DANS  LA  TOURMENTE
(1769-1793)

5e partie

Le déclic libérateur de la Révolution

 

Avoir vingt ans en 1789, être pétri de génie et se sentir protégé par une étoile infaillible !  Les ingrédients d'une prodigieuse alchimie existentielle sont rassemblés. Napoléon perçoit immédiatement que la Révolution marque la naissance d'une ère nouvelle. Il ressent d'abord une libération intérieure. La fondation de la valeur sur le mérite par l'abolition des privilèges met fin à une souffrance intime d'infériorité sociale bridant son avenir. Le décret Ségur réservant aux Nobles les hauts commandements militaires est aboli.
L'âme tourmentée du jeune officier reçoit la révélation que les idées nouvelles vont lui permettre de concilier harmonieusement son patriotisme corse démodé avec l'amour du pays des droits de l'homme. Jusque là marâtre honnie, la France devient d'un coup une mère sincèrement vénérée. Napoléon exprime spontanément son choix irréversible à ses compatriotes : « Ceux qui nous donnaient la mort comme à des rebelles sont aujourd'hui nos protecteurs. Ils sont animés par nos sentiments (…) La France nous a ouvert son sein. Désormais, nous avons les mêmes intérêts, les mêmes sollicitudes. Il n'est plus de mer qui nous sépare ».

En garnison à Auxonne, Napoléon exprime sans retenue son enthousiasme révolutionnaire. Il se démarque nettement des autres officiers de son régiment, pour la plupart royalistes. Il adhère spontanément à la « Société des Amis de la Constitution », club révolutionnaire de la cité. Prosélyte des idées nouvelles, il s'attire l'hostilité de la bourgeoisie locale  et du corps des officiers. La fièvre révolutionnaire se révèle bien plus contagieuse dans le corps des « bas officiers » (sous-officiers) et surtout dans la troupe, où prend naissance sa popularité appelée au plus bel avenir. Mais il ne s'abaisse à aucune démagogie, ne tolérant aucune indiscipline, a fortiori les mutineries ou les désordres populaires. Appelé avec son unité à réprimer localement quelques débordements de foules, il se montre intraitable, déjà homme d'ordre intransigeant.
Mais dans l'immédiat, c'est la Corse qui retient toute son attention. Soulagés de voir s'éloigner un insupportable trublion, ses supérieurs ne lui mesurent pas les permissions. Il séjourne dans son île natale de septembre 1789 à janvier 1791. Dès son arrivée à Ajaccio, il s'offusque de trouver la Corse à la traîne du mouvement révolutionnaire. Le gouverneur de Barrin s'abstient de publier les nouveaux décrets. Les soldats continuent de porter la cocarde blanche et non la nouvelle, tricolore. Le 31 octobre 1789, il rassemble des patriotes ajacciens en l'église Saint-François. Il leur fait signer en pétition une adresse aux députés corses du Tiers-état, Saliceti et Colonna de Cesari Rocca. Il se rend ensuite à Bastia, alors capitale de la Corse. Le 5 novembre, il y décide la formation d'une milice. Il exhorte les patriotes à s'enrôler à l'intérieur de l'église Saint-Jean. Un affrontement sanglant se produit avec la troupe dans les rues adjacentes. Devant la tournure dramatique des événements, le gouverneur de Barrin renonce à son opposition. Le commandant des troupes est limogé. Napoléon triomphe : « Nos frères de Bastia ont brisé leurs chaînes en mille morceaux » s'exclame-t-il.

A la nouvelle des événements de Bastia, le député Saliceti sollicite de l'Assemblée Constituante, au nom de ses collègues insulaires, l'intégration totale de la Corse à « l'Empire Français ». Ardemment défendue par Mirabeau, la proposition est adoptée à l'unanimité et dans l'enthousiasme le 30 novembre 1789, date fondatrice de la Corse française. Dans les églises de l'île, on chante des Te Deum. Sur sa maison d'Ajaccio, Napoléon accroche une banderole portant ces mots : « Vive la Nation, vive Paoli, vive Mirabeau ». C'est l'expression de sa libératrice synthèse patriotique. Mais en néophyte exalté, il commet quelques excès de zèle. Il s'inscrit sur les rôles de la Garde Nationale comme simple soldat et tient à monter la garde comme tout le monde.

Le 25 juin 1790, il se laisse entraîner dans une échauffourée opposant la municipalité d'Ajaccio aux autorités militaires de la garnison, accusées de froideur révolutionnaire. Le commandant de la place demande son retour anticipé sur le continent, mais ne peut l'obtenir. L'activisme révolutionnaire effréné de Napoléon lui attire aussi l'animosité d'un certain nombre d'insulaires, ataviquement divisés, et pour l'heure partagés en trois tendances: les Royalistes, quelques partisans nostalgiques de Paoli, et les partisans de la Révolution. De retour à Auxonne, Napoléon prête le « serment civique » au Champ de Mars de la ville le 14 juillet 1791. Mais en Corse, la situation ne va pas évoluer selon ses vœux.

 

Michel FRANCESCHI
Officier général (2s)
Membre du comité de rédaction de l’ASAF

 

Diffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr