NUCLEAIRE : L’énergie nucléaire, une industrie hautement stratégique pour la France

Posté le lundi 14 février 2022
NUCLEAIRE : L’énergie nucléaire, une industrie hautement stratégique pour la France

"Dans quelle autre démocratie un tel aveu d’erreurs successives pourrait-il avoir lieu sans que l’on interroge les responsabilités ?"

Olivier Marleix (député d’Eure-et-Loir et vice-Président des Républicains) a présidé la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la vente d'Alstom à General Electric en 2015. Il explique dans une tribune qu'Emmanuel Macron « réalise en urgence une opération de communication » en se rendant à Belfort pour acter le rachat des turbines Arabelle, dont il avait avalisé la vente à General Electric en tant que ministre de l'Économie.

En 2016, un ministre répondant au nom d'Emmanuel Macron autorisait par sa signature la vente de la branche énergie d’Alstom à l’américain General Electric (GE). « On n’est pas au Venezuela » moquait-il auprès de ceux qui contestaient le laisser-faire ; la souveraineté industrielle était un concept encore inconnu en Macronie, et, de toute façon, le nucléaire était une énergie du passé. Emmanuel Macron souscrivait à son extinction. Le Tout-Paris de la finance applaudissait cette opération à 12,3 milliards dont on découvrira plus tard qu’elle avait généré environ 500 millions d’euros d’honoraires ; de quoi susciter bien des enthousiasmes.

Pourtant, cette vente avait une dimension tragique. Elle signait le démantèlement d’un des derniers conglomérats industriels français, dans des secteurs aussi essentiels pour la croissance verte que le nucléaire, les barrages hydroélectriques, et le ferroviaire. Désormais la France n’était plus capable d’entretenir elle-même ses réacteurs nucléaires, désormais la France ne pouvait plus vendre de centrales 100 % françaises, désormais il nous faudrait l’autorisation des Américains pour équiper un second porte-avions d’une turbine Alstom…

« Emmanuel Macron reconnaît que cette vente était une faute. »

Là où certains milieux d’affaires avaient été euphoriques, la totalité des groupes politiques de l’Assemblée nationale (à l’exception de LREM) étaient suffisamment ébranlés pour consacrer à cette vente la première Commission d’enquête du quinquennat. J’ai eu l’honneur de la présider et n’avais pu, en conclusion de ses travaux, que dénoncer l’incroyable légèreté de l’État dans ce dossier, faisant si peu de cas de nos intérêts nationaux, stratégiques, industriels et humains.

Cinq ans après, en demandant à EDF de racheter une partie de ces activités, le Président Emmanuel Macron reconnaît que cette vente était une faute. Sa faute. Et tente de la réparer avant la Présidentielle. Une fois n’est pas coutume, une commission d’enquête de l’Assemblée nationale aura servi à quelque chose.

Il n’en reste pas moins que cette affaire aura été un naufrage : naufrage industriel avec le choix d’un acquéreur surendetté (115 milliards d’euros de dette !), incapable de tenir ses promesses et aujourd’hui acculé à céder ses actifs dans de nombreux secteurs pour rester à la surface. Entre-temps de nombreuses activités ont été délocalisées. Les syndicats ont même dû mettre le ministre de l’Économie en demeure de faire respecter par GE ses engagements. Entre-temps, plus de 4 000 salariés ex-Alstom auront été licenciés dont 1 200 à Belfort.

Le périmètre du rachat annoncé n’est évidemment plus le même : les activités hydroélectriques, première énergie renouvelable en France (turbines pour nos barrages) resteront américaines comme tout le « renouvelable ». Au sein même des activités nucléaires regroupées dans l’entité GEAST, le périmètre aura donné lieu à d’âpres discussions : les turbines Arabelle reviendront bien dans le giron Français, ainsi que les activités de maintenance en France et pour les nouveaux projets, mais l’ingénierie (activités d’intégration, commandes systèmes…) sera l’objet d’un savant partage. Et quid des brevets et des licences d’exploitation ? Le prix du rachat pose aussi question. L’Élysée fait répéter que l’on ferait le coup du siècle en rachetant pour une bouchée de pain ce que l’on avait réussi à fourguer très cher à General Electric il y a 5 ans. La vérité est toute autre : valorisée 588 millions d’euros en 2016, GEAST serait rachetée en apparence 270 millions mais en laissant GE repartir avec 900 millions de trésorerie constituée d’avances client qu’EDF devra bien reconstituer.

« Monsieur Macron réalise en urgence une opération de communication. »

Comment ne pas s’étonner que dans sa précipitation électoraliste le Président de la République n’hésite pas à annoncer un rachat qui n’est pas encore totalement finalisé au risque évident de faire monter les enchères ?

Le choix d’EDF lui-même pour conduire ce rachat est un pis-aller. En intégrant les activités nucléaires d’Alstom/GE à leur client EDF, on risque de lui fermer d’autres marchés. La question de la relation avec le Russe Rosatom – aujourd’hui présent dans une joint-venture – qui assure à lui seul la moitié des commandes nouvelles de turbines Arabelle est cruciale pour l’avenir. Pas certain qu’il apprécie de devoir se fournir désormais chez un concurrent ! Une solution indépendante – associant EDF, Framatome et Orano – et véritablement industrielle aurait été nettement préférable. Plusieurs projets étaient sur la table, l’un à l’initiative de Frédéric Pierucci, ancien cadre d’Alstom, mais l’Élysée avait imaginé lier cette opération au projet « Hercule » en espérant que cet écran de vapeur masquerait le démantèlement d’EDF. Monsieur Macron réalise en urgence une opération de communication, il faudra après 2022, reconstruire un vrai projet industriel.

Au-delà de cette vente Alstom-GE, c’est le revirement d’Emmanuel Macron sur le nucléaire qui laisse pantois. Non, Monsieur Macron, le choix de tourner le dos au nucléaire n’a pas été un choix international ! Ni la Chine, ni la Russie, ni les États-Unis n’ont fait ce choix ! C’était un choix Français, singulièrement le vôtre depuis 5 ans !

Après avoir décidé la fermeture de Fessenheim, après avoir annoncé en novembre 2018 la fermeture de 14 réacteurs nucléaires, après avoir renoncé au projet Astrid, bref, après avoir condamné la France à 10 ans de retard dans le secteur nucléaire, le Président Macron, à moins de 60 jours de l’élection présidentielle, s’improvise un rôle de défenseur du nucléaire.

« Les annonces de ce jour sont avant tout une gigantesque opération de communication dont les lendemains sont loin d’être assurés. »

À ces dix ans de retard, répondraient 15 années de cavalcade ! La France qui n’a pas été capable de mettre en service l’EPR de Flamanville et qui a connu les déboires que l’on sait à Hinkley Point, à Taïshan ou en Finlande, serait soudain capable de construire 6 EPR nouvelle génération d’ici 2035, c’est-à-dire dans 13 ans ? Qui peut y croire ? Les seuls sites d’implantation possibles étant les sites de nos centrales actuelles, ne faudra-t-il pas d’abord démolir pour reconstruire ? Tout cela est malheureusement invraisemblable dans un tel calendrier.

Et quelles sont les capacités financières des acteurs pour porter ces projets ? EDF supporte déjà un endettement colossal (plus de 40 milliards d'euros) et doit faire face au grand carénage évalué à 100 milliards pour prolonger la durée de vie de nos centrales. Ce n’est pas en commençant par lui ponctionner 8 milliards pour subventionner ses concurrents que l’on va y parvenir ! Bref, les annonces de ce jour sont avant tout une gigantesque opération de communication dont les lendemains sont loin d’être assurés.

Dans quelle autre démocratie un tel aveu d’erreurs successives pourrait-il avoir lieu sans que l’on interroge les responsabilités ? Comment des activités aussi stratégiques ont-elles pu subir à ce point les errements du politique ? Comment croire celui qui s’est à ce point tromper ?

Macron à Belfort aujourd’hui, c’est un peu Judas célébrant la messe de Pâques.

 

Olivier MARLEIX
Source : Marianne.net
Date : 10/02/2022

 

 

Eléments apportés par l’ASAF

  • Le rachat annoncé des turbines Arabelle, par EDF permet à la France de retrouver un élément important de son autonomie stratégique qui avait été abandonné il y a quelques années.
  • Il était indispensable et urgent que le président de la République répare la grave faute commise par la vente de cette pépite industrielle qui fabrique un élément essentiel de notre filière nucléaire civile mais aussi de notre dissuasion nucléaire (SNLE) et conventionnelle (SNA et Porte-avions)

 

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Source : www.asafrance.fr