OFFICIEL : Compte rendu d’audition du général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées

Posté le vendredi 19 juin 2015
OFFICIEL : Compte rendu d’audition du général Pierre de Villiers,  chef d'état-major des armées

Compte rendu d’audition du général Pierre de Villiers,
chef d'état-major des armées
sur le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.
(Extraits)

(…) Renforcer le budget de la défense est strictement nécessaire : sans les ajustements proposés dans cette actualisation de la LPM, nous ne serions bientôt plus en mesure d'assurer correctement la totalité de nos missions, ni de conserver notre modèle d'armée, aujourd'hui et demain, notamment sur la période 2016-2019.

(…) Sur le territoire national, jusqu'à 10 000 hommes ont été déployés en quelques jours en janvier dernier après les attentats parisiens. Ce déploiement sans précédent s'inscrit désormais dans la durée avec les 7 000 soldats de l'opération Sentinelle.
Ce volume de troupes déséquilibre actuellement les armées, et singulièrement l'armée de terre. La préparation opérationnelle a été réduite, des engagements internationaux ont été annulés, des relèves modifiées.
Des soldats ont eu leurs permissions diminuées, voire supprimées ; certains entament en ce moment leur troisième rotation, ce qui correspond parfois à 12 semaines d'engagement depuis la mi-janvier : 12 semaines sur 19. C'est considérable ! Qui assumerait cette charge sans faire valoir ses droits individuels ? Nos militaires, ces jeunes Françaises et Français que vous croisez dans Paris et dans vos circonscriptions, le font sans se plaindre.
C'est mon devoir de vous le dire : ils méritent la reconnaissance de la Nation ; ils méritent en tout cas les moyens de leurs missions ; c'est un minimum. Les armées n'ont pas de syndicat ; leur seul syndicat, c'est la voix de leurs chefs ... et la mienne aujourd'hui devant vous !

(…) Sur l'emploi des armées sur le territoire national en protection de la population, une nécessaire réflexion doit être poursuivie : quel cadre, quelles missions, quelle coopération avec les forces de sécurité intérieure ? Un rapport sous l'autorité du Premier ministre a été demandé par le Président de la République sur ce sujet. Il permettra, je l'espère, de préciser l'emploi des forces déployées à l'intérieur de nos frontières.

(…) Plus de 8 000 hommes et femmes de nos armées sont actuellement déployés en opérations extérieures. Ils remportent d'indéniables succès opérationnels. L'actualité du mois dernier le montre encore avec le bilan de l'opération qui a conduit, lundi 18 mai, au Nord Mali, à mettre hors de combat le principal chef opérationnel touareg d'AQMI au Nord Mali, Adelkrim le touareg, ainsi que l'adjoint d'Iyad Al Ghali en charge de la police religieuse et des éliminations ciblées d'opposants, Ibrahim Ag Inawalen.

(…) Les opérations se déroulent sur des zones aux dimensions très importantes qui mettent sous tension nos moyens de transport aériens avec une surconsommation de leurs potentiels. La zone d'opération au Sahel représente, à elle seule, près de 8 fois la superficie de la France, ce qui implique des temps de vol importants pour que nos avions arrivent sur leurs objectifs ; et nécessite deux fois plus de moyens de commandement qu'un autre théâtre.

(…) Les conditions d'engagement sont extrêmes pour le personnel comme pour les équipements. Au Nord Mali, du fait des 45° de chaleur, chaque homme consomme chaque jour plus de 12 litres d'eau. Le caractère abrasif des sables du Sahel et du Levant, de la rocaille des massifs du Nord Mali et de la latérite centrafricaine, conjugués aux vents violents, à la chaleur et aux amplitudes de températures de ces théâtres, provoquent également une usure accélérée de nos matériels. Pour les vecteurs aériens, notamment les hélicoptères, ces conditions extrêmes provoquent une dégradation accélérée des ensembles mécaniques. Pour les matériels terrestres, 20 % d'entre eux qui rentrent en panne de retour de l'opération Barkhane sont irréparables.
Sans moyens financiers supplémentaires pour régénérer ces matériels, et considérant leur âge, le maintien du niveau d'engagement actuel se traduirait à court terme par une diminution rapide de plusieurs parcs, dont les avions de transport tactique et de patrouille maritime, les hélicoptères de manœuvre et les véhicules blindés. Sans moyens financiers supplémentaires pour l'entretien des matériels, nous mettons en danger notre personnel.

Il faut avoir en tête l'état réel de nos équipements : lors de mon dernier déplacement à Tessalit, j'ai embarqué dans un véhicule de l'avant blindé - un VAB - livré en 1983 !(32 ans)

(…) Vous le savez, le Président de la République a décidé de réduire de 18 750 la déflation des effectifs du ministère d'ici 2019. Je rappelle d'ailleurs que ce n'est pas une augmentation des effectifs, mais bien une moindre baisse ; nous aurons en 2019 moins de militaires professionnels qu'en 1996 avant la professionnalisation. Ce n'est donc pas une inversion, mais une moindre déflation.

(…) Le moral de nos armées est un sujet majeur, car ce sont les forces morales qui font la différence sur le terrain. Nous avons de formidables soldats. Ces femmes et ces hommes font preuve d'un courage, d'un sens du devoir et d'une générosité incroyables, alors que leurs conditions de vie et de travail sont souvent rudimentaires. Ils ne demandent que les moyens nécessaires pour remplir décemment les missions qui leur sont confiées. Depuis des années ils acceptent, ils endurent, ils risquent leurs vies et avec des rémunérations modestes. Nous leur devons une attention à la hauteur des sacrifices personnels, familiaux et financiers qu'ils consentent au quotidien pour protéger la France et les Français.

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Source : Sénat