OPERATION Barkhane : La question cruciale des hélicoptères

Posté le lundi 28 décembre 2020
OPERATION Barkhane : La question cruciale des hélicoptères

Extrait du compte rendu de l’audition du général de division Marc Conruyt, commandant de la force Barkhane,  devant la commission de la Défense nationale le 25 novembre 2020.
La France déploie seulement 16 hélicoptères sur un théâtre d’opération vaste comme l’Europe et ses alliés (Britanniques et Danois) 5 de plus.

Question de M. Jean-Jacques Ferrara (député et membre de la Commission)

…« Lors de notre déplacement au début du mois avec la présidente et les co-rapporteures de la mission d’information sur l’opération Barkhane, nous avons pu mesurer combien les moyens aéromobiles étaient indispensables, compte tenu des élongations du théâtre et des besoins de mobilité opérationnelle. Ce qui confirmait les constats que j’avais établis il y a deux ans dans mon rapport sur le transport aérien. Nos moyens sont comptés et ils le seront davantage demain, après le retrait programmé des deux hélicoptères danois Merlin et la probable reconfiguration de l’engagement des Chinooks CH-47 britanniques à la suite du déploiement de 250 soldats britanniques au sein de la MINUSMA.
Bien que l’emploi de ces hélicoptères de transport lourd soit soumis à de lourdes contraintes, ils ont assuré de nombreuses heures de vol et de nombreuses missions au profit de Barkhane. Nous sommes quasiment les seuls en Europe à ne pas disposer d’une telle capacité. Nos alliés européens peuvent-ils combler ce trou ?
Quelles pistes explorer pour renforcer nos moyens en hélicoptères ?

 

Réponse de M. le général Marc Conruyt (commandant de la force Barkhane)

…«  Avant de répondre à la question sur les hélicoptères, je soulignerai que le succès de nos opérations dépend de notre capacité à combiner les différentes composantes qui nous sont confiées : on n’obtient des résultats que si l’on est capable d’utiliser le plus efficacement possible et en parfaite combinaison nos moyens aériens, chasseurs, avions de renseignement, drones, nos unités au sol dans leurs différentes spécialités, nos hélicoptères et nos forces spéciales. Le résultat de chacun dépend des résultats de tous. Je me garde toujours de dire que tel résultat a été obtenu grâce à telle composante ou à tel outil, car il n’est pas une opération dans laquelle des résultats n’aient été obtenus par la combinaison des composantes. On parle beaucoup des drones et des forces spéciales. Mais c’est passer sous silence nombre de réalités tactiques. Sur un théâtre comme le Sahel, la fulgurance et l’ubiquité ne sont possibles que grâce à l’emploi de toute la panoplie des autres moyens. Il serait illusoire de croire que les résultats obtenus pourraient l’être en l’absence de ceux-ci.

Cela étant, les hélicoptères jouent un rôle très important dans le fonctionnement d’ensemble, ne serait-ce qu’en permettant d’aller chercher très rapidement nos blessés. Le seul fait de savoir qu’à bref délai, un médecin peut être auprès de vous et qu’un hélicoptère peut vous emmener à l’hôpital, a un effet considérable sur le moral de nos soldats. Leur assurer cette bulle d’évacuation médicale (EVM) est un impératif. Pour nos partenaires locaux, les moyens d’évacuation médicale (EVM) sont aussi souvent le soutien le plus important de Barkhane.

Toutes les composantes de notre groupement d’hélicoptères, qu’il s’agisse du transport, de la reconnaissance avec les Gazelle, de l’appui au sol avec nos Tigre ou du transport des blessés jouent un rôle fondamental. Tout cela, je le fais avec seize hélicoptères français, auxquels s’ajoutent trois hélicoptères britanniques et deux hélicoptères danois, sur toute la BSS, autrement dit sur un théâtre vaste comme l’Europe, ce qui impose une gestion dynamique d’une très grande complexité. Le colonel qui commande le groupement d’hélicoptères doit quotidiennement résoudre un véritable Tetris pour déterminer comment à la fois appuyer telle opération, assurer l’évacuation sanitaire de telle autre ou réagir à toute demande d’opération d’opportunité car à chaque fois qu’arrive un renseignement estimé pertinent, il faut l’exploiter au plus vite pour obtenir un résultat face à l’ennemi.

Vous avez parlé du départ des Merlin. L’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) consent un effort considérable pour offrir en permanence ces seize hélicoptères à Barkhane, et je sais combien cela pèse sur l’entraînement de nos pilotes en France. Il faut continuer à plaider auprès de nos alliés européens afin qu’ils viennent nous aider non seulement pour le remplacement des deux hélicoptères danois, mais aussi pour tout ce qui pourrait être fait dans le domaine de l’aéromobilité. Vous avez dit que l’emploi des Chinook pourrait être perturbé par l’arrivée d’unités britanniques au sein de la MINUSMA. Le sujet est toujours en cours d’examen avec nos amis britanniques. Je ne peux encore vous dire quelle réponse sera apportée.

À travers la Task Force Takuba, nous attendons une contribution en hélicoptères de la part des Suédois et des Italiens ; ces derniers seront plus centrés sur l’évacuation militaire par voie aérienne (MEDEVAC), les Suédois davantage sur l’appui des troupes au sol : ce sera également pour Barkhane un apport très intéressant. Le message à retenir est l’importance cruciale de l’hélicoptère pour le succès des opérations ; tout apport extérieur de nos partenaires européens en contribution directe à Barkhane serait d’une grande utilité. Je n’ai pas connaissance du lien éventuel entre la future adaptation de Barkhane et une participation britannique. Des travaux sur l’adaptation sont en cours, mais les arbitrages ne sont pas rendus. S’il devait y avoir une participation britannique supérieure à celle existante ou annoncée, cela serait traité au niveau de l’état-major des armées.

Source photo : Ministère des Armées

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr
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