OTAN, G7, Versailles : TRUMP confirme, POUTINE vient voir.

Que reste-t-il, au-delà des images, des grandes rencontres de l’OTAN et du G7 qui ont occupé la presse la semaine passée ? Une certitude au moins : le président américain a tenu sa ligne, telle qu’il l’avait définie comme candidat.
« Nos alliés doivent contribuer au coût financier, politique et humain qu’exige notre énorme fardeau sécuritaire. Mais nombre d’entre eux ne le font tout simplement pas » avait-il dit en avril 2016. Ils « ne ressentent aucune obligation à honorer les accords qu’ils ont passés avec nous. A l’OTAN par exemple, quatre seulement des vingt-huit membres, outre l’Amérique, dépensent le minimum requis de 2% de leur PIB pour la défense. Nous avons dépensé au fil du temps des milliards de dollars – en avions, missiles, vaisseaux, équipements – configurant nos forces armées afin qu’elles assurent une défense solide pour l’Europe et pour l’Asie. Les pays que nous défendons doivent payer pour le coût de leur défense – et s’il n’en est pas ainsi les Etats-Unis doivent être préparés à les laisser assumer seuls leur défense » (1).
Et s’il n’a pas répété que les structures de l’OTAN sont obsolètes, (« anciennes », disait-il « nées de la guerre froide »), il n’a pas répondu à l’attente de ses partenaires européens, qui espéraient une confirmation de l’importance de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord – une attaque contre un ou plusieurs des alliés concernerait l’ensemble de ses membres. Il s’est contenté de rappeler que l’article 5 avait été évoqué « pour la première fois » lors des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.
Il avait aussi annoncé que la « lutte contre le terrorisme » était une de ses priorités :
« Au Moyen-Orient, notre objectif doit être de vaincre les terroristes et de promouvoir la stabilité de la région, pas un changement radical. Nous devons être clairvoyants à propos des groupes qui ne seront jamais rien d’autre que des ennemis ». Il l’a répété : « Tous ceux qui chérissent la vie doivent rechercher, dénoncer, se débarrasser de ses tueurs et extrémistes (…). Mes déplacements et rencontres m’ont redonné l’espoir que de nombreuses nations, quelle que soit leur foi, peuvent s’unir pour vaincre le terrorisme, menace commune à l’ensemble de l’humanité » (2). Comme il a repris son antienne sur les risques de l’immigration : « vous avez des milliers et des milliers de personnes qui se déversés dans nos pays, et dans bien des cas, nous ne savons pas qui ils sont (…). Nous devons être vigilants ».
Rien de neuf donc, mais rien pour adoucir sa position. En revanche, il n’a pas, dans son discours à l’OTAN, fait référence à l’Ukraine et à la Crimée, comme l’avait fait le président Obama depuis le sommet de l’OTAN au pays de Galles en 2014 (« Nous condamnons en les termes les plus forts l’escalade de l’intervention militaire illégale russe en Ukraine et demandons que la Russie y mette un terme et retire ses forces des frontières ukrainiennes (…) Nous ne reconnaissons pas et ne reconnaîtrons pas l’annexion illégitime et illégale de la Crimée » (3)).
Remarquons que le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, observait la même réserve lors de sa conférence de presse du 24 mai avant la rencontre des chefs d’Etat (« Nous devons assurer notre engagement à dialoguer avec la Russie. Avec quatre rencontres OTAN-Russie l’année dernière, nous assurons à la fois notre défense et le dialogue » (4)). Et qu’il confirmait après la rencontre que les priorités étaient à la fois « notre lutte commune contre le terrorisme », « le partage des charges » financières et quant aux relations avec la Russie, une « approche duale : une défense forte combinée avec un dialogue sensé » destiné à éviter les conflits) (5). Si l’OTAN s’engage à renforcer son rôle dans la lutte contre le terrorisme (en se penchant sur ses racines, et en continuant d’entraîner les forces locales), l’organisation ne participera pas en tant que telle aux combats.
L’ancien ambassadeur indien MK Bhadrakumar, qui a suivi de très près les réunions de l’OTAN et du G7, comme les déclarations russes, remarquait encore que la question afghane elle-même n’était pas absente : si « Trump avait encore à prendre une décision finale sur le niveau de ses troupes en Afghanistan et/ou sa stratégie en regard de la guerre », l’ambassadeur notait que le Secrétaire général de l’OTAN, « qui s’inspire généralement directement de Washington », a pris ses distances avec les « allégations des médias américains (attribuées à de hauts responsables du Pentagone) » comme quoi « la Russie aurait apporté un soutien caché aux Taliban pour nuire aux opérations de l’OTAN : ’nous avons vu des rapports sur le sujet, mais nous n’avons aucune preuve concluante d’un soutien direct des Russes aux Taliban’ ». Au contraire, Jens Stoltenberg incitait Moscou à « prendre part au processus de paix conduit par les Afghans » (6). MK Bhadrakumar rapprochait cette modération d'une déclaration du ministre de la Défense russe Sergueï Choïgou le 24 mai: « Nous n’avons pas arrêté contacts et coopération avec eux (les Américains), ce qui est vrai presque 24 heures sur 24, nous parlons avec eux le jour comme la nuit, et nous nous rencontrons en différents endroits. Un grand travail est en cours. Nous aimerions qu’il soit complété et présenté comme un projet prêt à être mis en œuvre ».
L’ambassadeur conclut que si l’OTAN a snobé la Russie ces dernières années, « Trump est parfaitement capable de décider que l’aide de la Russie est utile et nécessaire en Afghanistan dans le combat contre l’Etat islamique et de mettre fin à la guerre en négociant un accord avec les Taliban ».
Trop optimiste, notre ambassadeur ?
En évoquant la rencontre entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron le 29 mai à Versailles, il écrit pourtant : « La politique étrangère russe a porté beaucoup trop d’attention à l’administration Trump. Une correction est nécessaire. Dans tous les cas, dans les conditions de guerre civile à Washington, une normalisation russo-américaine ne pourra se faire qu’au rythme d’un dégel, quoi que Moscou désire ou que Trump cherche » (7). Il voyait donc du côté européen une opportunité de rapprochement entre la France et la Russie sur de nombreux dossiers – dont l’Ukraine en reprenant les négociations dans le format Normandie (Ukraine, Russie, Allemagne, France). Mais aussi sur la Syrie : « Poutine va convaincre Macron de jouer le rôle qu’elle doit tenir pour ramener la paix en Syrie ».
On peut aussi penser, après la diatribe de Donald Trump contre l’Iran, que le sujet a été abordé. Néanmoins, une remarque du président russe pendant la conférence de presse à Versailles marque les limites de l’exercice : à la question d’une journaliste Poutine répondait : « La France apporte bien sûr sa contribution à la lutte contre le terrorisme en Syrie en tant que partie de la coalition conduite par les Etats-Unis. Nous ne savons pas à quel point la France est autonome quand on en vient aux questions de caractère opératif parce qu’il s’agit là d’accords entre alliés et nous n’en sommes pas informés » (8). Comme il paraît logique, Vladimir Poutine demande à voir.
Au G7 aussi, Donald Trump a confirmé sa ligne : ses alliés n’ont pas obtenu de lui de réponse positive sur l’accord de Paris sur le climat – il prendra sa décision, comme il l’avait annoncé, à son retour aux Etats-Unis. La brièveté du communiqué final est au fond éloquente : le sommet est un échec. Ce qui explique les propos de la chancelière allemande (« L’époque où nous pouvions compter les uns sur les autres est quasiment révolue »). En conséquence ? « Nous, Européens, devons prendre notre destin en main. Nous devons nous battre pour notre propre destin » (9).
Avec ou sans la Russie ? L’attitude de Donald Trump, qui révulse les Européens comme une partie des Américains, ouvre d’intéressantes perspectives de recomposition de forces de ce côté de l’Atlantique.
Hélène NOUAILLE
Notes :
(1) Voir Léosthène n° 1109/2016, du 30 avril 2016, Donald Trump à contre-courant du globalisme
Qu’est-ce qui déplaît autant aux éditorialistes dans le discours donné par Donald Trump le 27 avril à l’hôtel Mayflower de Washington, sur la politique étrangère qu’il se propose de mener s’il est élu président en novembre prochain pour les Républicains ? Une chose tout d’abord. Sans surprise, Donald Trump affirme la primauté de son pays, exactement comme les autres candidats et comme ses prédécesseurs. Mais il y a quelque chose n’inacceptable, de bouleversant presque, pour les rédactions, une majorité des politiques des partis dominants – et d’ailleurs pour les instances européennes elles-mêmes : dans le chapitre de ses objectifs s’il est élu président, Donald Trump bouscule en quelques mots le politiquement correct tacite de l’entre soi : « Nous ne livrerons plus ce pays, ou sa population, aux sirènes trompeuses du globalisme ». Autre péché grave : il met une croix sur la politique interventionniste américaine. En mettant les points sur les i. « Tout a commencé », dit-il « avec l’idée dangereuse que nous pourrions transformer en démocraties à l’occidentale des pays qui n’avaient ni expérience ni intérêt à devenir des démocraties occidentales »…
A suivre. Quel que soit le vainqueur de la course présidentielle, gageons que rien ne saurait rester inchangé.
Avec le discours de Donald Trump sur la politique étrangère américaine (traduction en français non officielle) le 27 avril 2016 à l’hôtel Mayflower, Washington.
(2) White House, le 25 mai 2017, Remarks by president Trump at NATO Unveilling on the article 5 and Berlin Wall Memorials – Brussels, Belgium
(3) NATO, le 5 septembre 2014, Wales Summit Declaration
http://www.nato.int/cps/ic/natohq/official_texts_112964.htm
(4) NATO, le 24 mai 2017, Press conference by NATO General Secretary Jens Stoltenberg ahead of the Meeting of NATO Heads of States and Government
http://www.nato.int/cps/en/natohq/opinions_144081.htm?selectedLocale=en
(5) NATO, le 25 mai 2017, Press conference by NATO General Secretary Jens Stoltenberg following the meeting of NATO Heads of States and/or Government in Brussels on 25 May
http://www.nato.int/cps/en/natohq/opinions_144098.htm?selectedLocale=en
(6) Indian Punchline, le 24 ami 2017, MK Bhadrakumar, A NATO summit for the Donald Trump era
http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/2017/05/24/a-nato-summit-for-the-donald-trump-era/
(7) Indian Punchline, le 23 mai 2017, MK Bhadrakumar, A Franco-Russian ’thaw’ in the offing
http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/2017/05/23/a-franco-russian-thaw-is-in-the-offing/
(8) Kremlin.ru, le 29 mai 2017, Joint news conference with president of France Emmanuel Macron
http://en.kremlin.ru/events/president/news/54618
(9) BFMTV, le 28 mai 2017, « L’époque où nous pouvions compter les uns sur les autres est quasiment révolue »