POUVOIR : La Jauge, la toise ou les attributs du pouvoir  

Posté le lundi 30 novembre 2020
POUVOIR : La Jauge, la toise ou les attributs du pouvoir   

« Nous sommes en guerre ».  Le virus a forcé le pouvoir politique à envisager une forme nouvelle de combat aux modalités inédites et mondialisées. Faire face à une armée invisible qui ne s’attaque pas à d’autres soldats mais, aveuglément, à des civils, aux personnes à risques, à celles qui soignent, transportent, nourrissent et protègent…  Le conflit sanitaire est marqué par la brutalité et l’inattendu, car ceux qui sont touchés ne demandaient qu’à vivre. Il faut peut-être remonter à Machiavel et au XVème siècle pour aborder cet art de la guerre qui est, et demeure, inventif et adaptatif davantage que scientifique, ou vérifié par des lois invariables. Doit-on s’étonner de l’étonnement actuel de ceux qui découvrent que la guerre est constitutive d’un Etat de droit qui a obligation de penser la guerre pour devoir, et pouvoir, défendre son peuple et son territoire. Et Machiavel de nous mettre en garde : « Qui dédaigne les institutions militaires est indifférent à son autorité s’il est monarque et pour sa patrie s’il est citoyen ». Certes chacun pensera qu’il ne s’agit pas aujourd’hui avec le virus de guerre et d’emploi des armes mais plutôt de science et de mise en œuvre des lois et des règles découvertes par la recherche médicale. Pour autant nombre de Français auront pu douter de de la bonne gouvernance de l’Etat dans l’anticipation des moyens pour faire face à ce conflit sanitaire, planétaire certes, mais bien présent en France. Bref, pour que les Français retrouvent, à la fin de la pandémie, confiance en leurs dirigeant et dans l’hôpital, « il faudra simplifier drastiquement les circuits de décision, mettre fin aux dispositifs qui permettent d’abuser de la gratuité du service public, et investir les moyens ainsi dégagés dans les soins et la recherche » écrit lucidement Michaël Peyromaure ancien élève du professeur Bernard Debré (†) auquel il a succédé à la tête du service d’urologie de l’hôpital Cochin à Paris.

Certains Français, en octobre 2020, ont soudain découvert avec stupeur et appréhension ne pas faire partie des citoyens à part entière puisque leur activité n’était pas jugée « essentielle » à la vie entrepreneuriale et productive du pays. Les voici jaugés, toisés comme au « bon vieux temps » de la conscription il y a un siècle et demi. Arrive le jour tant redouté où le conscrit se présente devant le conseil de recrutement. Ce dernier est présidé par le préfet et il est composé de l'officier général commandant le département, du sous-inspecteur aux revues ou d'un commissaire des guerres, de l'officier commandant la gendarmerie du département et du capitaine de recrutement. L'examen des conscrits se fait en présence du maire de la commune et d'un officier de Santé. Chaque conscrit passe d'abord sous la toise : il doit mesurer au moins 1,544 m. S'il mesure moins, on porte dans les registres la mention : « Incapable, à cause de sa taille de soutenir les fatigues de la guerre ». Si le conscrit est déclaré bon pour la taille, on procède à l'examen de ses qualités physiques. On pourrait se croire sur le marché aux bestiaux ! Les plus anciens des lecteurs se souviendront de leur service militaire et peut-être d’avoir été transportés à bord du fameux camion américain GMC, fabriqué entre 1941 et 1945, rustique, puissant, inusable, mais un gouffre de consommation en essence avec 37 litres au 100 kilomètres. Le conducteur et le chef de bord avaient l’œil rivé sur la jauge afin  d’éviter le risque de la panne sèche en zone d’opérations, et on les comprend ! Aujourd’hui la jauge reste « un instrument à prendre des mesures, ou à fixer le contenu ou la capacité d'un récipient. Jauge d'épaisseur, de niveau, de profondeur ». Nos Français « non essentiels » pourront assurément désormais faire référence à la phrase de Publius Syrus, poëte à Rome au temps de César : « La prospérité fait abonder les amis, l'adversité les jauge et les passe au tamis. »

Il peut être révélateur qu’à notre époque de grande confusion cette jauge, qui fut l’outil essentiel des bâtisseurs de cathédrale, surgisse à nouveau, explique Xavier Tacchella dans Maison de Vie Editeur, spécialiste de la franc-maçonnerie. Dans les anciens rituels, la règle est appelée « jauge de 24 pouces ». Elle correspond au temps immuable, à la Grande Règle de l’Ordre Universel. Le sens général que l'on donne à la règle est : précision dans l'exécution. Le souci de précision réduit la probabilité d'échec et permet d'atteindre exactement le résultat escompté de l'action. Mesurer, tracer, limiter…Mais, pour le chef d’état et chef de guerre d’hier comme d’aujourd’hui, il s’agit avant tout de décider si ses actes ont un sens ou n’en ont pas! A cet égard, Machiavel rappelle que « le seul moyen pour le décideur politique de se prémunir des dangers de la flatterie provenant de sa cour, c’est de bien faire comprendre qu’on ne peut lui déplaire en lui disant la vérité. Il doit alors choisir directement quelques hommes sages et leur donner, mais à eux seuls, entière liberté de lui dire la vérité. Il doit donc se garder de ne vouloir entendre aucune autre personne, agir selon la détermination prise, et s’y tenir avec fermeté. » Tels sont les vrais attributs d’un pouvoir qui vise à vaincre l’adversaire.

Dominique BAUDRY
Membre ASAF

 

 

 

Source : www.asafrance.fr