RÉACTION du Général (2s) Jean Paul SALINI aux propos de M MACRON.

Posté le samedi 25 février 2017
RÉACTION du Général (2s) Jean Paul SALINI aux propos de M MACRON.

 

Reynes, le 16 février 2017

Jean Paul SALINI
Général de l'Armée de l'Air
Commandeur de la Légion d'Honneur

à

Monsieur Emmanuel MACRON
Candidat à la Présidence de la République


 

Monsieur le Candidat,

 

Je viens d'entendre à la télévision que vous avez assimilé à un crime contre l'humanité la colonisation de l'Algérie par la France.

Je suis général en deuxième section. Ce qui veut dire que j'ai quitté le service. Je n'appartiens à aucun parti, je ne suis inscrit à aucun réseau social. Je ne fais pas de politique mais je la suis avec attention. Je contemple les manœuvres, les déclarations et les querelles des hommes politiques avec des sentiments divers qui vont de l'admiration (très rare) à l'étonnement, la perplexité ou quelquefois le mépris. Je n'ai écrit qu'une seule fois à un homme politique pour lui signifier mon désaccord. Mais je ne peux pas m'empêcher de réagir à votre propos et de vous écrire cette lettre.

Je ne crois pas que votre déclaration grandisse l'image de notre pays. Je ne crois pas qu'elle vous grandisse. Je ne crois pas qu'elle soit de nature à améliorer les rapports entre nous et nos anciens colonisés. Et je ne crois pas non plus qu'elle corresponde à la réalité.

Mais je pense qu'elle s'inscrit dans une ligne politique qui est à la mode depuis quelques années et qui est propre à notre pays et à notre pays seulement. Il est admis que, quel que soit le grief invoqué,  la France, et la France seule, est responsable. A intervalles réguliers s'élèvent les lamentations des rampants de la repentance. Et quelques-uns d'entre eux en font  leur pain quotidien. Oui, c'est vrai que l'histoire de notre pays n'est pas toujours très  belle. Mais c'est le cas de tous les pays. Et eux,  ils oublient. Peu de gens évoquent aux Etats Unis le massacre des Indiens. Peu de dirigeants mauritaniens ou saoudiens perdent le sommeil en évoquant l'esclavage qu'ils pratiquent depuis des centaines d'années. Et peu d'Algériens sans doute se souviennent que les Sarrazins ont écumé les côtes de la Méditerranée et ont réduit à l'esclavage cinq millions d'Européens.

Tout le monde a oublié ou feint d'oublier ces vieilles histoires. Sauf nous! C'est ainsi, par exemple, que monsieur le président Hollande est allé à Dakar battre sa coulpe en évoquant les horreurs de l'esclavage. On aurait pu s'attendre à ce que monsieur Macky Sall, président de la République du Sénégal, se mette à genoux à ses côtés et répande avec lui les larmes de la contrition. Parce que, dans cette entreprise répugnante, ce sont les Sénégalais qui allaient à l'intérieur de l'Afrique capturer les victimes qu'ils vendaient ensuite aux Européens. Mais monsieur Macky Sall avait oublié sans doute cette péripétie de l'histoire et il a laissé Monsieur Hollande se livrer seul à ses démonstrations de repentir.

Je me vois, comme tous les Français, engagé dans un contentieux qui ne me concerne pas. Je me vois, comme tous les Français, désigné à la haine et à la réprobation du monde entier par la repentance répugnante de nos chefs et de nos élites autoproclamées. Ils versent avec constance de l'huile sur un feu qu'on aurait pu espérer éteindre sous les stratifications du temps. Tout dernièrement on a érigé en Guadeloupe un monument destiné à perpétuer le souvenir de notre faute. Pourquoi ne pas  élever aussi un monument en souvenir des Corses qui ont été les victimes de la répression sans nuances qui a suivi la prise de possession de la Corse par les Français. Cela inclinerait-il les militants du FLNC à plus de modération?  Pourquoi ne pas rappeler aux Vendéens la déclaration du général Westermann à la Convention : "Citoyens! La Vendée n'est plus!". On peut continuer mais j'arrête. On peut remplir des volumes avec la liste de nos erreurs. Le sang! Le sang! Ce ciment que l'Histoire utilise pour ses desseins obscurs!

Quant à l'aventure coloniale elle a eu ses bons et ses mauvais côtés. Le mauvais côté c'est la domination d'une population sur une autre. Cette domination engendre des injustices et un sentiment d'humiliation dont les souvenirs ne s'effacent que difficilement. Cela est détestable et justifie pleinement la révolte de ceux que l'on appelait autrefois les indigènes.

Par contre nous avons apporté à ces pays des aspects de notre civilisation dont ils ont plus ou moins bénéficié. Qu'est-ce que c'était l'Algérie avant 1830? Rien! Lorsque nous en sommes partis nous avons laissé derrière nous une infrastructure considérable, une agriculture en pleine expansion et, je l'espère, quelques idées qui pourront, peut-être, avec le temps, donner des fruits. De cette Algérie là qu'est-ce que les gouvernements successifs en ont fait? Pas grand-chose, je le crains!

Il faudrait, je crois, élever le débat et comprendre que certains évènements regrettables de l'Histoire sont dus à l'Histoire elle-même. Il est logique que les peuples suivent dans leur expansion les voies les plus faciles qui s'offrent à eux. A l'époque coloniale il était facile aux Européens de dominer  les peuples les plus faibles.  Cela ne l'est plus aujourd'hui. C'est même le contraire qui se passe. Un Islamisme conquérant et fort de ses certitudes s'apprête à s'emparer des zones de basses pressions démographiques européennes. C'est dans la logique de l'Histoire. Le malheur c'est que, contrairement à nous, qui étions porteur d'une certaine civilisation, il n'apporte rien que le fanatisme et le retour au moyen âge.

La France a semé la Terre de cimetières lointains. Dans ses entreprises coloniales il y avait des saints et des fous, des salauds et des illuminés, des bâtisseurs et des cupides. Une bonne partie d'entre eux repose là-bas, sur ces espaces qu'ils ont voulu, chacun à sa manière, posséder. Mais saints ou fous, soldats ou bandits, calculateurs ou idéalistes, tous n'ont été que l'instrument du destin. Dans un monde qui se rétrécissait sans cesse, il était logique que les civilisations se rencontrent. Il n'était pas légitime, mais il était inévitable que les plus fortes prennent provisoirement le pas sur les plus faibles. Qui peut dire que de nos jours les choses ont changé? Ce que la France a fait, si elle ne l'avait pas fait, d'autres l'auraient fait. Elle n'a été dans cette affaire que l'un des instruments que l'Histoire utilise pour ses desseins obscurs. Elle a été le levain d'un avenir qui va. Et toutes ces tombes du bout du monde ne sont que ce qui reste des graines d'autrefois dispersées par le vent.

 

Je vous assure, Monsieur le Candidat, de ma haute considération

 

Source : ASAF