SOCIETE : Bon sens, conscience et …impatience

Posté le jeudi 24 septembre 2020
SOCIETE : Bon sens, conscience et …impatience

« J’ai fait tout ce que les soldats ont coutume de faire et, pour le reste, j’ai fait ce que j’ai pu ».  Etienne Vignoles de La Hire (1390-1443).

Le  22 avril 1915, dans les Flandres et le secteur d’Ypres, l’Allemagne lance sa première attaque au gaz en déversant plus de cent-cinquante tonnes de chlore sous pression. L’effet fut dévastateur et, dans les tranchées, on dénombra plus de mille morts dans les troupes françaises. La guerre avait changé de nature. Elle devenait non seulement meurtrière mais aussi insidieuse.  Fournir un masque à gaz à tous les soldats devient alors une priorité. Aussitôt les politiques, les militaires, les scientifiques et industriels se lancent dans une course pour concevoir et réaliser des protections respiratoires étanches, ajustables, efficaces. Les premiers « baillons » sont développés et, dès les premiers jours décembre 1916, chaque combattant français avait à sa disposition un masque efficace qui assurait sa survie face au danger mortel.
L’effort de guerre avait ainsi démontré son efficacité et sa supériorité sur l’innovation allemande. Dans les moments de crise soudaine les vertus de chef sont indispensables pour surmonter les heures tragiques. Le vrai tribunal est celui de l’Histoire qui démontre que le niveau d’exigence et de préparation permet d’agir ou de se donner les moyens d’agir sur tout le spectre des modes d’action de l’adversaire connu ou inconnu. C’est dans ces moments que le chef, et non la seule communication, est indispensable pour définir les conditions de l’action et entrainer derrière lui des millions de français.  Le fil de l’épée que  publia, en 1932, le général de Gaulle, alors capitaine, balaie avec audace les vertus du commandement dans une approche de philosophie politique et militaire. Il y fait l’éloge de l’empirisme. Peut-être pensait-il au« bon sens » dont on parle aujourd’hui.

En effet, si on en croit Descartes, « le bon sens est la chose la mieux partagée ». Et pourtant, ce n’est pas ce que l’on constate dans la crise sanitaire qui secoue la France et le monde entier depuis mars 2020. Chacun pense qu’il est pourvu de bon sens, tandis que d’autres appellent à ce que l’on distingue le vrai du faux. D’un point de vue philosophique, le bon sens est universel et chaque homme est pourvu de raison. 
Néanmoins, certains voudraient postuler que les élites détiendraient la connaissance et le peuple des préjugés ou des croyances toutes faites.  La crise sanitaire remet en cause l’autorité de l’Etat et  de ceux qui gouvernent ou qui sont détenteurs de la science. Le chemin décisionnel est contesté ou incompris, au point que le scepticisme domine et fait douter de l’expertise. Le projet politique qui se voulait cartésien ne résiste pas à la critique et peut donner l’impression que la gouvernance est dans l’erreur. Avoir raison c’est, pour le gouvernement, aussi détenir le levier d’explication et de communication, donc de convaincre l’autre, voire de dénoncer ses préjugés. La diversité des opinions fait un mauvais usage de la raison donc peut, in fine, conduire à l’erreur. La science et le bon sens, ouvrage  publié par Robert Oppenheimer en 1953, expose le conflit entre  la conciliation des idées générales, sur lesquelles vit l’humanité depuis des millénaires, et les vérités découvertes par la science depuis Descartes et Newton. Détenir la raison et la conscience serait posséder la certitude qui s’impose à tous.

La crise nous oblige à répondre aux menaces sanitaires mais aussi aux défis sociaux et sociétaux.  Parfois, l’expérience des gouvernants est remise en cause ainsi que les attitudes et comportements individuels. « L’incohérence absolue est la cause première des maux de notre pays » disait le président Georges Pompidou. Pour autant, chacun de nos jours se pare d’un brevet de civisme…. Il ne manque plus qu’à revenir au Certificat de civisme, cette « attestation délivrée aux citoyens dévoués à la cause de la révolution » décrite par George Sand dans Histoire de ma vie (1855). Aujourd’hui, il s’agirait sans doute davantage de la « cause républicaine », puisqu’on évite de parler de celle de la France. Les citoyens français sont suffisamment responsables et ont du recul pour ne pas se laisser berner par les agitations. La gestion de crise est un engagement citoyen depuis la loi de 2004  qui fixe les orientations de la politique de sécurité civile  et de la protection des populations. Cela suppose  de mobiliser les moyens et de garantir un continuum de défense et sécurité. En outre, la planification pourvoie à la réunion des personnes, des ressources, des expertises sans omettre l’information et le cadre juridique.

Pour conclure avec optimisme, allons chercher l’exigence souhaitée par de Gaulle, à nouveau dans Le fil de l’épée : « mais que chacun à son échelon veuille agir par lui-même d’après les faits plutôt que d’après les textes, s’efforcer de réaliser avant que de plaire … que du haut en bas l’on s’en remettre au caractère, qu’on le distingue, qu’on l’exhorte, qu’on l’exige on verra bientôt l’ordre naître et triompher ». A ce sujet, il y a aujourd’hui une certaine impatience chez les Français de bon sens !

 

Dominique BAUDRY
Membre ASAF

Rediffusé sur le site de l'ASAF : https://www.asafrance.fr/

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Source : www.asafrance.fr