SOUS-MARIN : Le Suffren dévoile ses entrailles

Posté le dimanche 17 octobre 2021
SOUS-MARIN : Le Suffren dévoile ses entrailles

Le nouveau sous-marin nucléaire d’attaque sera admis au service actif dans les prochains mois.

Le Suffren revient de l’équateur. Depuis le quai de la base navale de Toulon, on distingue sous la surface de l’eau la boue - en réalité des algues et des micro-organismes - qui colle encore aux parois de la coque. Elle témoigne du voyage. Depuis un an et sa « réception » par la marine, le nouveau sous-marin nucléaire d’attaque enchaîne les tests et les essais : tir d’arme, discrétion acoustique, escale dans un port Otan… Pour son premier déploiement, de juillet à début octobre, le SNA a « éprouvé son endurance en eaux chaudes et sa capacité à durer à la mer », explique le capitaine de vaisseau Jérôme Colonna d’Istria, commandant de l’escadrille des SNA.

Pouvoir naviguer longtemps dans une mer chaude n’a rien d’anecdotique. « Le sous-marin a besoin d’être constamment réfrigéré  », poursuit l’officier. La température a une incidence sur le fonctionnement du réacteur nucléaire, la vie à bord ou la conservation des denrées alimentaires : « La limite d’endurance d’un sous-marin, c’est sa capacité à emporter des vivres », insiste-t-il. Elle détermine le nombre de jours que l’équipage pourra passer sous l’eau pour mener ses missions. Avec le Suffren, les réserves augmentent de 50 %. Elles permettront de tenir soixante-quinze jours.

Le nouveau sous-marin, le premier de la classe Barracuda, sera admis au service actif « dans les prochains mois », dit-on au ministère des Armées. Au fur et à mesure des livraisons, les six sous-marins  (de la classe) Rubis  seront remplacés avec la promesse d’un bond technologique et qualitatif. « Le Suffren est plus discret et il dispose de plus de capacités opérationnelles », assure le « pacha » de « l’équipage bleu », le commandant Laurent Coggia. D’une longueur de 99 mètres et d’un poids de 5 100 tonnes, le Suffren surclasse ses prédécesseurs qui mesurent seulement 70 mètres de long pour 2 600 tonnes. Pourtant l’écoutille pour descendre à bord paraît bien étroite.

À l’intérieur, il ne reste que peu de place aux individus. La coursive qui traverse le bâtiment de bout en bout permet à peine de se croiser. Chaque espace est utilisé. Des filets suspendus permettent d’entreposer des équipements d’urgence. Les « postes » du rondier, la cuisine ou la buanderie, ressemblent chacun à des réduits minuscules. À intervalle régulier, des relais d’oxygène au plafond assurent qu’en cas d’incendie, les marins pourront respirer. Dans le carré des officiers supérieurs, la photo d’une banale fenêtre ouverte sur un port rappelle l’existence de la lumière du jour.

En mer, ils sont 63 à se relayer pour faire fonctionner le bateau au rythme des quarts. À bord, certains ne se croisent jamais. Dans leurs lieux de vie , les marins dorment à six dans de sommaires couchettes. L’ergonomie et les teintes boisées ont été pensées pour rendre l’endroit moins spartiate. Le Suffren a aussi été conçu pour accueillir des femmes. Les « hygiènes », les sanitaires, permettent un minimum d’intimité. La mixité n’est cependant pas pour demain. Pour l’instant, les équipages ont été constitués de sous-mariniers expérimentés . Dans la coursive, des smileys rappellent les consignes de silence. Vert : le sport est autorisé ; les claquements de porte doivent être évités. Orange : la musique s’écoute sur écouteurs et les portes sont bloquées. Rouge : la discrétion doit être absolue. La survie d’un sous-marin dépend de sa signature acoustique.

Mât optronique 

Celle du Suffren est minimale, promet-on. « Pour améliorer la discrétion, on peut jouer sur la forme, celle d’un thon albacore », raconte un officier supérieur. « Mais le plus important se trouve à l’intérieur , poursuit-il,  les machines sont suspendues sur des plots pour absorber les sons, on évite les coudes dans les canalisations… ». Pour échapper aux sonars, la coque est recouverte d’un revêtement anéchoïque.

« Les sous-mariniers sont naturellement discrets, ils ont la culture du silence », explique le commandant Laurent Coggia au sein du « central opérations », le centre névralgique du sous-marin. Le fauteuil du commandant surplombe « la table tactique ». Pour scruter la surface, il n’a plus de périscope mais un mât optronique  : une fibre optique renvoyant sur un écran des images extérieures. À sa gauche se trouvent les systèmes de combat, à droite les sonars, à l’avant le poste de pilotage. La barre en X des safrans à l’arrière accroît la manœuvrabilité du navire et permet si besoin de se fondre dans les couches d’eau et disparaître des écrans adverses.

Au maximum, 75 personnes peuvent embarquer à bord du Suffren. Les derniers couchages (démontables en deux heures) sont situés à l’avant, dans la soute des armes tactiques, à côté des torpilles F21 et des missiles de croisière maritime MdCM, une des ruptures technologiques du Suffren. Ces missiles permettent de frapper une cible à terre. Avec 20 armes embarquées, le Suffren double la puissance de feu des sous-marins français. Mais c’est encore deux fois moins qu’un sous-marin nucléaire américain. Les autres innovations serviront les commandos embarqués. Les plongeurs de combat pourront être plusieurs à sortir en même temps en mission via un sas situé à l’arrière (qui peut aussi servir en cas d’évacuation d’urgence). Auparavant, ils devaient passer par les lance-torpilles… Le Suffren pourra aussi installer sur son toit un « Dry Deck Shelter », comprenant un mini-propulseur sous-marin grâce auquel les forces spéciales pourront agir de plus loin. La force du Suffren tient dans sa longue discrétion.

Nicolas BAROTTE
Source site : Le Figaro
6 octobre 2021

Source photo : Ministère des Armées

 

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Source : www.asafrance.fr