TCHAD : Avec la mort d'Idriss DEBY, la France perd un allié

Posté le mercredi 21 avril 2021
TCHAD : Avec la mort d'Idriss DEBY, la France perd un allié

Au Sahel, la force Barkhane perd un de ses alliés les plus solides

BARKHANE vient de perdre un allié de premier plan. Deux mois après le sommet de N’Djamena, qui avait marqué en février une nouvelle étape pour l’opération française, la mort du président tchadien, Idriss Déby, annonce de prochaines turbulences dans la lutte contre les groupes armés qui sévissent au Sahel. Des cinq pays du G5 Sahel impliqués dans la lutte contre les djihadistes aux côtés de Paris, le Tchad figurait parmi les plus solides militairement. Barkhane avait d’ailleurs installé son commandement dans la capitale tchadienne.

Dans une zone sahélienne caractérisée par l’instabilité politique et les menaces sécuritaires, le Tchad possède quelques atouts pour la France. La coopération militaire franco-tchadienne est ancienne, symbolisée par l’opération Épervier lancée en 1986 et à laquelle Barkhane a succédé. Paris avait appuyé la prise du pouvoir d’Idriss Déby en 1990. Depuis lors, le soutien face aux opposants du président n’a pas faibli. Pour la France, le Tchad est un verrou de stabilité essentiel au cœur de l’Afrique.

Si les armées maliennes, nigériennes ou burkinabées affichent des faiblesses structurelles majeures, les forces tchadiennes sont « robustes et aguerries », reconnaît-on chez les militaires français. Elles ont démontré des capacités de combat dès le lancement de Serval en 2013. Un bataillon tchadien de 1 400 hommes s’était rendu rapidement à Menaka dès le début du conflit. L’arrivée d’un autre bataillon, qui devait devenir le huitième de la force conjointe du G5 Sahel, qui compte 5 000 soldats, était, lui aussi, particulièrement attendu par Barkhane. Les 1 200 soldats sont arrivés près de la frontière malienne fin mars.

Avec les bataillons maliens, nigériens et burkinabés, ils devraient pouvoir mener des opérations militaires dans la région des Trois Frontières, là où sévit l’État islamique au Grand Sahara, affilié à Daech au Sahel. Armé avec le 8e RPIMa, le bataillon doit former le « GTD Chimère », c’est-à-dire une nouvelle force combattante. Contrairement aux forces armées maliennes plus statiques, Chimère devrait être mobile dans le Liptako-Gourma. Mais ce plan initial va devoir maintenant être confirmé. La « sahélisation » de Barkhane est pourtant l’un des piliers de son évolution, prélude à une réduction des effectifs.

Menace terroriste 

Arlésienne de Barkhane, le bataillon tchadien avait été attendu pendant plus d’un an par l’opération française. Engagement du président Déby, la force avait été retardée par la menace de Boko Haram, à l’est. Le chef de l’État tchadien avait alors réorienté ses hommes pour faire face à cette menace plus ardente. Car si la Mauritanie et le Tchad semblent apparemment plus épargnés par le terrorisme, « le Tchad fait également face à une recrudescence de l’activité de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap), auquel est rallié l’Eigs, dans la région du lac Tchad, tandis que les zones frontalières avec la Libye ont été déclarées « zones d’opérations militaires »  en janvier 2017 », notent les députées Sereine Mauborgne et Nathalie Serre dans leur rapport sur l’opération Barkhane rendu public la semaine dernière. La situation humanitaire et sécuritaire autour du lac Tchad est préoccupante.

Le décès d’Idriss Déby risque d’avoir des retentissements pour Barkhane à un moment où l’opération cherche à sortir de l’ornière. L’intervention militaire a montré ses capacités mais aussi ses limites, tant que politiquement aucune solution n’est proposée au Sahel. Au sommet de N’Djamena, les chefs d’État et de gouvernement réunis autour d’Emmanuel Macron avaient décidé de la nomination comme nouveau haut représentant de la coalition pour le Sahel du Tchadien Djimé Adoum. Il est censé s’installer à Bruxelles en juin.


Nicolas BAROTTE
Le Figaro - mercredi 21 avril 2021

Source : www.asafrance.fr