TEMPS DE TRAVAIL des militaires : Paris vent debout avant une décision européenne

Posté le samedi 10 avril 2021
TEMPS DE TRAVAIL des militaires : Paris vent debout avant une décision européenne

C’est une affaire peu ébruitée mais qui provoque des sueurs froides au ministère des Armées : la justice européenne pourrait bientôt exiger que les militaires soient soumis à la directive encadrant le temps de travail, au risque, selon Paris, de mettre en péril le modèle français d’armée.

 

Cette directive, adoptée en 2003, fixe pour les travailleurs des seuils à ne pas dépasser, notamment un repos minimal de 11 heures consécutives par tranches de 24 heures et une durée hebdomadaire maximale de travail de 48 heures.

Confrontée à un litige entre un ancien sous-officier et sa hiérarchie au sujet du paiement de tours de garde, la République slovène a saisi la Cour de justice européenne (CJUE) afin qu’elle précise si les militaires des États membres sont assujettis au même droit du travail que n’importe quel travailleur.

Or, pour l’avocat général près la CJUE, la réponse est oui. « Les militaires relèvent du champ d’application de la directive 2003/88 », estime-t-il dans ses conclusions rendues fin janvier, en prenant toutefois soin d’exclure les temps d’« activités spécifiques » des forces armées : opérations militaires, formation et préparation opérationnelle.

Pour Me Aïda Moumni, avocate spécialiste du droit des militaires, l’avocat général de la CJUE « développe avec pertinence la nécessité d’assurer des droits minimums aux travailleurs (…) mais également de respecter les nécessités des forces armées et le souci de ne pas entraver les missions qui sont les leurs ».

L’Allemagne, elle, a fait le choix d’appliquer ces règles dans ses armées. Une option inenvisageable pour le gouvernement français qui juge cette directive incompatible avec le statut de ses forces armées, organisées selon le principe de « disponibilité en tous temps et en tous lieux ».

La ministre des Armées, Florence Parly, s’est dite « farouchement opposée » aux conclusions du magistrat, en évoquant un « enjeu essentiel de notre défense nationale comme de la sécurité européenne ».

Question de souveraineté

« Imaginerait-on que l’ultima ratio de la Nation ne puisse agir pour des raisons liées au temps de travail ? », s’est-elle indignée, début février, au Sénat, en appelant la Cour à « réaffirmer l’importance de la compétence des États membres en matière de sécurité nationale », inscrite dans l’article 4 du traité sur l’Union européenne.

Au sein du ministère des Armées, on fait, par ailleurs, valoir que la disponibilité exigée des militaires, est compensée par un nombre élevé de jours de permission et un droit à une retraite pleine après 17 ans de carrière.

« Nous serons intransigeants sur le sujet », a, quant à lui, prévenu le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, en écho à l’engagement pris en 2017 par le président français Emmanuel Macron « pour que la Gendarmerie et le ministère des Armées ne soient pas concernés par la directive bien connue ».

Les inquiétudes de l’exécutif sont partagées par certains parlementaires. « Une telle fragilisation de nos forces armées serait inacceptable au regard des responsabilités majeures exercées par la France en matière de défense et de sécurité », juge la députée socialiste, Valérie Rabault.

« La continuité, la permanence et l’efficacité dans l’action de nos militaires imposent un mode d’organisation incompatible avec le système prévu par la directive, notamment parce que son engagement est bien plus élevé que celui de n’importe quel autre État européen », renchérit le sénateur, Cédric Perrin (LR), en référence aux multiples opérations menées par les armées françaises, du Sahel au Levant en passant par la mission anti-terroriste « Sentinelle » sur le territoire national.

D’après lui, aménager le temps de travail des militaires français aurait des « conséquences catastrophiques » sur le plan budgétaire, entraînant « une augmentation considérable des effectifs de 20 000 à 30 000 personnes et une hausse de près de 1,5 milliard d’euros du budget de la défense ». La décision de la CJUE est attendue cet été.


Source : Le Télégramme de Brest

 
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Source : Ministère des Armées

 

 

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