Le nouveau camouflage des blindés de l’armée de Terre dix fois plus efficace que l’actuel

Posté le lundi 14 octobre 2019
Le nouveau camouflage des blindés de l’armée de Terre  dix fois plus efficace que l’actuel

Pendant longtemps, l’idée de passer inaperçu aux yeux de l’adversaire était loin d’être une évidence. En témoigne, par exemple, la tunique rouge portée par les soldats britanniques jusqu’à la Seconde guerre des Boers, pendant laquelle l’état-major de sa très gracieuse majesté se rendit compte qu’une tenue plus discrète (en kaki) serait plus appropriée.

En France, où, au début du XXe siècle, on continuait à discuter de l’esthétisme de l’uniforme aux dépens de l’efficacité opérationnelle (voir l’histoire du pantalon rouge garance, pendant que les soldats allemands adoptaient la tenue « feldgrau »), l’idée de « camoufler » les canons aux yeux de l’ennemi germa dans l’esprit de deux artistes, à savoir le peintre Lucien-Victor Guirand de Scevola et le décorateur Louis Guingot, alors mobilisés au 6e régiment d’artillerie.

En effet, les deux hommes imaginèrent de recouvrir les canons avec de la toile peinte aux couleurs de l’environnement dans lequel ils étaient installés. Et Louis Guingot alla encore plus loin en inventant la première tenue « léopard » * pour les soldats. Mais sans doute était-il trop en avance sur son temps, les services du ministère des Armées préférant alors s’en tenir au « Bleu horizon ».

Toutefois, ces derniers furent séduits par l’idée de ces artistes. Comme le furent aussi les généraux de Castelnau, qui vit tout de suite la « valeur stratégique » de cette innovation, et Joffre. Une équipe dédiée au camouflage fut ainsi créée en août 1915.

« J’avais, pour déformer totalement l’objet, employé les moyens que les cubistes utilisent pour le représenter, ce qui me permit par la suite d’engager dans ma section quelques peintres aptes à dénaturer n’importe quelle forme », expliquera Lucien-Victor Guirand de Scevola.

Depuis, les techniques ont un (peu) évolué. Ainsi, cela fait maintenant plus de 30 ans que le camouflage des blindés de l’armée de Terre n’a pas changé…

Pour autant, Georges Braque et Pablo Picasso verraient sans doute une influence de leur courant artistique dans la livrée qu’arboreront bientôt les blindés du programme SCORPION, tant elle semble inspirée du cubisme, avec ses formes… qui donnent l’impression de voir en 3D.

Ce nouveau camouflage, élaboré par un adjudant-chef de la Section technique de l’armée de Terre (STAT), a été officiellement présenté lors de l’édition 2018 du salon Eurosatory. Mais on a pu en savoir un peu plus à l’occasion de la journée de présentation des capacités de l’armée de Terre, organisée le 10 octobre.

Ainsi, selon franceinfo, qui a pu recueillir quelques informations, ce camouflage, assez déroutant, serait beaucoup plus efficace que l’actuel.

« Un haut gradé est venu au camp de Mourmelon, et à 1.000 mètres, il n’a pas pu déceler le char », a confié la STAT a franceinfo. Avec l’ancien camouflage, il fallait seulement 8 secondes pour repérer un blindé. Avec le nouveau, il faut plus d’une minute.

« Le camouflage actuel était rendu obsolète par les capteurs de détection et d’observation de plus en plus nombreux et performants », a expliqué un officier de la STAT, qui étudie également un moyen adapter les couleurs d’un blindé à son environnement en moins de deux heures.

À noter que des solutions plus « technologiques » font actuellement l’objet de travaux. Tel est le cas du projet Caméléon, qui consiste à recouvrir un blindé de tuiles connectés et divisées en pixels. Pouvant afficher jusqu’à 8 couleurs différentes, elles s’adapteront automatiquement à l’environnement du véhicules grâce à des capteurs et à un calculateur, chargé de trouver le camouflage le mieux adapté.

Le projet Caméléon fait appel à trois innovations : le camouflage dans les bandes spectrales du visible et de l’infrarouge thermique, l’analyse de l’environnement par senseurs et l’adaptation automatique du camouflage par algorithme de type Deep Learning.

Par ailleurs, le camouflage ne concerne pas seulement les blindés… Dans un autre registre, la jeune pousse MIM&Tech, créée par Julien Saccone, un ancien sous-officier du 13e régiment de dragons parachutistes, reprend les techniques utilisées pour les décors de théâtre pour dissimuler des équipements comme des capteurs et des caméras.

[*] Exposée au Musée historique de Nancy

 

Source photo : © armée de Terre

Laurent LAGNEAU
Opex360

 

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

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