ACTIONS EXTÉRIEURES : G5 Sahel et frappes des missiles de croisière en Syrie. EXTRAIT de l'audition du général François LECOINTRE.

Bastien Lachaud, député et membre de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale
Je reviens d’un déplacement dans la bande sahélo-saharienne (BSS) et, après échange avec les militaires, j’ai constaté que le premier des piliers de l’opération Barkhane est un succès et que, en effet, nos troupes tiennent le territoire et remplissent leurs missions. En revanche, sur le deuxième pilier, qui comprend notamment le développement du G5 Sahel, je m’interroge sur le financement et le déblocage du financement de cette structure. Quels sont les critères retenus pour débloquer les fonds ? Ces critères sont-ils réellement atteignables par les forces du G5 Sahel ? Ces critères sont-ils crédibles ? Enfin, sur le troisième pilier, le pilier « développement », j’aimerais savoir quelles sont vos perspectives, notamment en termes de recrutement, parce que j’ai l’impression qu’il s’agit de l’oublié du moment.
J’aimerais également vous interroger sur les frappes en Syrie comme j’ai interrogé la ministre lors de sa dernière audition par la commission. Où en êtes-vous du retour d’expérience (RETEX) sur cette opération et en particulier sur ce qui a défrayé la chronique dans la presse, notamment les ratés du missile de croisière naval ?
Général François Lecointre, chef d’état-major des Français
Sur le financement du G5 Sahel
M. Lachaud, je vous remercie pour le satisfecit que vous nous faites du travail de l’opération Barkhane. Effectivement, les soldats occupent le terrain. Vous avez jugé vous-même des distances et de la difficulté d’y vivre. Dans ces conditions, ce qui est extraordinaire, c’est que nous gênons aujourd’hui l’ennemi là où nous sommes. Encore une fois, cela ne se compte pas en nombre de morts. Cela se compte en présence, en suprématie que nous exerçons sur cet ennemi qui, par conséquent, ne peut plus terroriser les populations et qui n’a plus autant de liberté pour se mouvoir dans un espace et pour se substituer à l’État comme il le faisait auparavant. C’est ce rapport de force inversé qui est le gage du succès.
Pour le reste, parvenons-nous à faire venir les forces de police ainsi que les autres facteurs de développement autant que nous le souhaitons ? C’est objectivement compliqué. Il y a d’abord une partie qui ne dépend pas de moi. Je sais néanmoins que, lors des divers conseils de défense où nous travaillons sur ces sujets, le président de la République est très incisif et demande aux autres ministères de faire les efforts nécessaires. Je n’imagine pas que nous n’allons pas progresser dans ce domaine.
Par ailleurs, il s’agit d’un domaine qui demande de la prédictibilité. Nous faisons, pour notre part, des actions de développement, qui sont des actions d’accompagnement de l’action militaire, qui ne constituent pas des grands plans de développement en tant que tel. Les « développeurs » nous expliquent que les plans de développement de long-terme doivent pouvoir être anticipés de façon à produire des effets au bon moment. Nous donnons au Quai d’Orsay et à l’Agence française pour le développement (AFD) les moyens de cette anticipation, en les alertant sur les zones où nous allons nous déployer dans les mois et les années qui viennent. Je pense que cela permettra de donner les délais suffisants pour lancer les projets de développement au bon moment, c’est-à-dire aux moments où nous aurons produit nos effets de sécurité et où, enfin, arriveront, selon le bon tempo et le bon chaînage, les effets de développements qui doivent être produits. Je fais tout ce que je peux pour qu’on avance le mieux possible.
Sur les frappes de missiles de croisière français en Syrie
Je ne dispose pas encore du RETEX complet des frappes en Syrie. En revanche, j’ai un RETEX opérationnel sur ce que nous avons détruit, et c’est ce qui m’importe. Lors de ces frappes, j’ai expliqué que tout système militaire fonctionnait sur la redondance. Nous tirons plus de munitions qu’il n’en faut pour détruire les cibles que nous visons. Nous avons atteint les objectifs que nous nous étions fixés et nous les avons détruits.
Ensuite, je veux simplement relever que la mise en œuvre d’équipements aussi modernes que les systèmes d’armes que constituent un missile SCALP et une frégate multi-missions est en soi un tour de force. La mise en œuvre de ces systèmes par une puissance comme la France, qui les maitrise du début jusqu’à la fin, qui a un outil industriel qui permet de les concevoir et de les bâtir avec les grands industriels que sont MBDA ou Naval Group, qui arrivent à faire cette intégration de systèmes, est exceptionnelle. Je ne connais pas d’autres nations européennes capables de faire cela. Cela nécessite évidemment, par ailleurs, de la part des armées, une formation, un entraînement et une préparation opérationnelle extrêmement sophistiqués et exigeants.
Cela pose, malgré tout, une question de fond. Ces systèmes d’armes sont extrêmement sophistiqués, ils produisent des effets redoutables lorsqu’ils atteignent leur cible, mais ils coûtent extrêmement cher et donc, de facto, nous conduisent à réduire le nombre de tirs réels à l’entraînement et à faire des efforts considérables de développement de simulateurs de tirs. Cela ne doit pas nous exonérer d’essais à tir réel, lesquels ne nous garantiront d’ailleurs eux-mêmes jamais d’un défaut au tir d’une munition, quelle qu’elle soit. Cela pose à nouveau la question des stocks objectifs et des tirs de préparation à l’entraînement.
Extrait de l’audition du général François Lecointre
(Réponse aux questions)
Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr