US NAVY.  Atlantique : L’US Navy réactive la IIe Flotte. LIBRE OPINION de Matthias ESPERANDIEU

Posté le lundi 03 septembre 2018
US NAVY.  Atlantique : L’US Navy réactive la IIe Flotte. LIBRE OPINION de Matthias ESPERANDIEU

 

 

Le 24 août, les Etats-Unis ont envoyé un signal politique fort, destiné notamment à la Russie et à la Chine, avec la cérémonie de réactivation de la IIe  Flotte, dévolue aux opérations dans l'Atlantique. Elle s’est tenue à bord du porte-avions USS George H.W. Bush dans la base navale de Norfolk, où est installé son quartier général, comme c'était le cas jusqu'à sa mise en sommeil il y a 8 ans. La IIe flotte est dorénavant commandée par le vice-amiral Andrew "Woody" Lewis.

 

 

 

 

 

ceremonie us navy

Le nouveau patron de la IIe  flotte lors de la cérémonie du 24 août à bord du Bush (© US NAVY)


 Cette entité de l'US Navy a vu officiellement le jour en 1950. Pendant la Guerre froide, elle a eu pour tâche de coordonner l’action navale américaine dans la zone atlantique, soit des Caraïbes à l’Arctique et de la côte Est américaine au milieu de l’océan Atlantique. La IIe Flotte avait directement autorité sur les navires, sous-marins, avions et personnels qui lui étaient attribués par l’United States Fleet Forces Command, le grand commandement en charge des moyens navals américains de la zone atlantique (dont ceux de la IVe  Flotte).

Chargée notamment de protéger les accès maritimes du pays, la flotte avait été très sollicitée au moment du blocus de Cuba en 1962 suite à la crise des missiles. Toutefois, depuis la fin de la Guerre froide, l’ennemi soviétique n’était plus et les faibles moyens de la Russie post-1991 avaient rendu moins utile le rôle d’une « numbered fleet ». De plus, l’administration Obama avait entériné une réorientation stratégique des moyens militaires américains vers le Pacifique. Si bien qu’au moment de faire des économies budgétaires, il fut décidé de désactiver la IIe Flotte, ce qui intervint le 30 septembre 2011.

Une nouvelle donne géostratégique

Mais depuis bientôt une décennie, de l’eau a coulé sous les ponts. Conflit en Syrie, annexion du Dombass ukrainien par la Russie, tensions en Mer du nord et en Baltique, enjeux stratégiques autour de l'Arctique...  Les relations se sont de nouveaux tendues entre les USA et l'Europe d'un côté, et de l'autre la Russie. Il est vrai, que les moyens navals dont dispose Moscou n’ont pas été fondamentalement revalorisés. Les programmes de construction de bâtiments neufs, hors sous-marins, sont assez lents à voir le jour. Mais, ils se multiplient et, surtout, l’activité de la marine russe s'est sensiblement accrue. Par exemple, les approches de sites stratégiques ou de grandes villes par des sous-marins ont été régulièrement détectées ces dernières années, comme au large de Brest ou en Suède. Les nombreux déploiements de navires, sous-marins et avions russes, en mer du Nord, océan Atlantique et Méditerranée font peser un poids sur l’équilibre géostratégique. D'autant que les plateformes se modernisent progressivement et offrent des capacités militaires nettement plus importantes qu'autrefois, à l'image des missiles de croisière Kalibr mis en œuvre par un nombre de plus en plus important de bâtiments de surface et de sous-marins. Les USA, en tant que superpuissance et pièce maîtresse de l'OTAN, se retrouvent par conséquent obligés d'agir.

D'autant que la Russie n'est pas la seule à susciter des inquiétudes dans la zone. La Chine, et c'est une grande nouveauté, y est aussi très présente depuis plusieurs années, ses task groups évoluant désormais en Méditerranée, en Atlantique et jusqu'en Europe du nord. Le pays le plus peuplé du monde a décidé de devenir une puissance océanique et peut compter sur une prodigieuse machine industrielle. La marine chinoise est en plein boom et se développe à une vitesse inédite, ayant dépassé en tonnage la Russie pour devenir la seconde flotte du monde avec manifestement la volonté de venir contester la toute puissance de l'US Navy. D'autant qu'elle réduit incontestablement son retard sur le plan qualitatif. Les nouveaux bâtiments de combat chinois semblent de mieux en mieux équipés et sont probablement capables de faire peser une menace sérieuse face à des moyens militaires occidentaux. Mais, même sans parler d'une éventuelle confrontation ouverte, le simple renforcement de leur présence dans la zone, qui parait devoir finir par être permanente, pose d’évidents problèmes d'espionnage et de positionnement stratégique.

Un geste politique

De fait, la réactivation de la IIe  Flotte apparaît comme une volonté politique des États-Unis de réinvestir de manière visible la zone atlantique. Pour l’instant, on ne sait pas quels moyens lui seront attribués. Il faudra donc suivre sa remontée en puissance pour juger de son réel potentiel militaire.

 

Matthias ESPERANDIEU
Mer et Marine

 

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr