Le chef d’état-major de l’armée de Terre appelle l’arme blindée cavalerie à se réinventer

Le chef d’état-major de l’armée de Terre appelle l’arme blindée cavalerie à se réinventer

lynx leclercSi sa « mort » a été maintes fois annoncée par ceux qui le considèrent comme étant une « relique » de la Guerre froide, le char de combat n’est pas près de disparaître, au regard des commandes de Leopard 2A8, de KF-51 Panther et de K-2 « Black Panther » récemment passées par plusieurs pays, des modèles en cours de modernisation ou encore des projets visant à en développer de nouveaux.

« Non, le char n’est pas mort, mais il faut bien l’utiliser. Il est très vulnérable à l’arrêt […] ou s’il n’est pas accompagné de son rideau d’infanterie. […] Sa force, c’est d’être très mobile et de permettre de concentrer les efforts au bon endroit pour rompre le front », avait ainsi souligné le colonel Frédéric Jordan, du Centre de doctrine et de l’enseignement du commandement [CDEC], lors d’une audition parlementaire, en novembre 2022.

Et d’insister : « Le char reste donc un atout, à condition d’être utilisé dans le cadre d’un combat interarmes bien mené. Cela suppose une logistique efficace, en particulier une logistique de l’avant, avec des équipes légères et des véhicules capables de tracter les matériels en panne ou endommagés pour les réparer très vite, au plus près de la ligne de front ». Ce que les forces russes n’ont pas su faire, d’où leurs pertes élevées en Ukraine.

Dans un ordre du jour publié à l’occasion de la Saint-Georges [23 avril], fête de l’arme blindée cavalerie [ABC] qui, cette année, avait un relief particulier car cela fait maintenant 200 ans que sa « maison mère », c’est-à-dire l’École de cavalerie, a pris ses quartiers à Saumur, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill, a d’abord fait le constat que le char est encore « présent sur tous les champs de bataille ». 

 
« La cavalerie offre aux brigades et divisions qui l’emploient le renseignement, la vitesse, l’allonge et le choc au contact. Elle incarne la détermination sur le champ de bataille. Elle est un élément de la grammaire stratégique : un critère objectif dans l’évaluation de la puissance d’une composante terrestre. C’est un fait », a continué le CEMAT.

Mais ce dernier a également estimé que l’analyse des conflits en cours [Ukraine, Gaza, Sud-Liban] « révèle des tendances qui pourraient relativiser le rôle de la force blindée, voire la disqualifier » étant donné que les « fronts sont figés », que les « manœuvres sont lentes » et que les « concentrations de force sont frappées ».

Puis, le général Schill a souligné le « fossé » toujours plus grand entre la « sophistication » coûteuse des véhicules de combat et les moyens bon marché utilisés pour les détruire. Et cela dans un contexte marqué par la « transparence du champ de bataille », qui est une « nouvelle donne tactique », susceptible d’affecter les « principes de la manœuvre ».

« Dans une frange de vingt à trente kilomètres de part et d’autre des contacts, tout regroupement d’unités blindées ou mécanisées est la cible d’attaques de frappes menées par la combinaison des feux les plus variés, jusqu’aux drones à faibles coûts » tandis que la « transparence et la précision des feux semblent avoir eu raison du mouvement dans la guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine », a relevé le CEMAT.

Cela est en grande partie dû à l’usage intensif de différents modèles de drones, associé aux moyens satellitaires d’observation, à la guerre électronique, aux capacités de frappe dans la profondeur et à l’accélération de la prise de décision.

Dans ces conditions, a expliqué le général Schill, « l’infanterie tient davantage qu’elle ne conquiert, l’artillerie conquiert davantage qu’elle n’appuie, les hélicoptères d’attaque arrêtent les offensives adverses davantage qu’ils ne mènent de raids »… et la « cavalerie appuie et défend davantage qu’elle ne perce ou n’exploite »… alors que c’est sa raison d’être.

D’où ses interrogations sur l’avenir de l’arme blindée cavalerie, dont les capacités ne reposent pas sur le seul char Leclerc mais aussi sur les blindés AMX-10RC et Jaguar… « Quel sera son emploi dans dix ans, dans vingt ans ? Quel nouvel équilibre sera atteint entre le glaive et la cuirasse ? Quel est le char dont l’armée de Terre aura besoin ? Quelles seront ses missions ? Que doit être le cavalier de demain ? », a demandé le CEMAT.

Pour lui, les « cavaliers » n’ont pas d’autre choix que de réinventer le « combat de reconnaissance comme le combat blindé », d’élaborer de nouvelles tactiques « sans carcan doctrinal ni esprit de clocher » et d’innover pour « redécouvrir les moyens de la mobilité pour peser dans la bataille » ainsi que pour trouver les « clés pour dépasser les blocages tactiques ».

« Prenez exemple sur l’esprit d’innovation de ceux qui vous ont précédés. Faites preuve d’audace à l’image de ceux qui percent les lignes adverses. Encouragez l’initiative à l’image de ceux qui éclairent. Soyez au résultat à l’image de ceux font coup au but », a exhorté le général Schill.

« L’armée de Terre a besoin d’unités de cavalerie qui escadronnent pour apporter vitesse, choc et profondeur au corps de bataille. Elle a besoin de soldats aguerris et fougueux ayant le culte de la mission. Elle a besoin de chefs indépendants d’esprit à la foi chevillée au corps », a conclu le CEMAT.

Laurent LAGNEAU

Source : Opex360
27/04/2025