M. Macron se dit prêt à discuter du déploiement d’armes nucléaires françaises dans d’autres pays européens

M. Macron se dit prêt à discuter du déploiement d’armes nucléaires françaises dans d’autres pays européens

armes nucleairesLe 9 mai, à Nancy, la France et la Pologne ont signé un « traité d’amitié et de coopération renforcée », lequel stipule que, « en cas d’agression armée sur leurs territoires », les deux pays s’assisteront « mutuellement, y compris par des moyens militaires », conformément « aux engagements découlant de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord et du paragraphe 7 de l’article 42 du Traité sur l’Union européenne ».

Le rôle que pourrait éventuellement tenir la dissuasion nucléaire française n’a pas été explicitement précisé dans ce texte, ce dernier évoquant un « dialogue stratégique » ainsi qu’un « programme de coopération dans les domaines pertinents » relevant de la défense et de la sécurité.
Le mot « dissuasion » ne figure qu’une seule fois dans ce traité.

« Les Parties contribuent à renforcer la capacité de l’Otan à remplir sa mission de défense collective en s’engageant, en tant qu’Alliés, dans des initiatives qui améliorent sa posture de dissuasion et de défense et en développant la coopération bilatérale et multilatérale pour renforcer les capacités de défense collective des forces armées, en utilisant les processus de l’Otan et les instruments de l’UE », y lit-on. 
Pourtant, avant de s’envoler vers Nancy, le Premier ministre polonais, Donald Tusk, avait affirmé que la clause de défense mutuelle prévue dans ce traité allait « ouvrir la possibilité d’une coopération » en matière de dissuasion nucléaire. Ce que le président Macron n’a pas explicitement confirmé.

« La dissuasion nucléaire française a une composante européenne et, dans ce traité, c’est une solidarité plus forte que nous scellons, qui permet de rendre opérationnel ce qu’il y a déjà dans l’article 5 de l’Otan », s’est-il borné à rappeler.

Quoi qu’il en soit, le 13 mai, à l’antenne de TF1, le locataire de l’Élysée a affirmé que la France était prête à discuter du déploiement d’armes nucléaire sur le sol de ses alliés européens.

« Depuis le général de Gaulle, il y a toujours eu une dimension européenne dans la prise en compte de ce que l’on appelle les intérêts vitaux. On ne le détaille pas parce que l’ambiguïté va avec la dissuasion. Je l’ai confirmée, comme tous mes prédécesseurs. Au-delà de ça, compte tenu du moment que nous vivons, j’ai souhaité qu’on puisse engager, avec tous les partenaires qui le souhaitent, un exercice pour regarder si l’on pouvait aller plus loin », a d’abord dit M. Macron.

En réalité, cette offre de dialogue sur la dissuasion nucléaire française n’est pas récente : il l’avait faite en février 2020, à l’occasion d’un discours prononcé à l’École militaire. Seulement, elle n’avait pas eu le succès escompté…

Reste que M. Macron a « borné » les contours de cet « exercice ». Ainsi, a-t-il détaillé, « la France ne paiera pas la sécurité des autres, ça peut être un effort européen ou un effort de chaque nation », « ça ne viendra pas en soustraction de ce dont on a besoin pour nous » et « la décision finale reviendra toujours au président de la République, chef des armées ».

Cela étant, à la question de savoir si la France pourrait déployer des armes nucléaires chez certains pays européens comme le font les États-Unis selon un principe dit de doublé clé et dans le cadre de l’Otan, M. Macron s’est dit prêt « à ouvrir cette discussion ».

« J’en définirai le cadre de manière très officielle dans les semaines et les mois qui viennent mais on a déjà engagé les choses avec ces réserves que j’évoquais : ce n’est pas nous qui finançons, ça ne vient pas en soustraction de ce qu’on a et on ne partage pas le pouvoir et la décision finale », a-t-il précisé.

C’est la première fois que le président Macron parle aussi explicitement de l’éventualité de déployer des armes nucléaires sur le sol de pays européens qui en feraient la demande. Et cela pose quelques questions…

Pour rappel, à l’exception de la Turquie, les quatre autres pays de l’Otan qui accueillent des bombes nucléaires tactiques B-61 américaines sur leur sol doivent fournir les chasseurs-bombardiers susceptibles de les mettre en œuvre [d’où l’achat de F-35 par les Pays-Bas, l’Italie, la Belgique et l’Allemagne].

Un tel schéma ne pourrait sans doute pas convenir dans le cas évoqué par M. Macron, sauf à faire en sorte que les F-35 commandés par la Pologne, par exemple, soient certifiés pour emporter le missile ASMPA-R ou le futur ASN4G.

Une autre interrogation porte sur la taille de l’arsenal nucléaire français [limité à moins de 300 têtes, selon le principe de « stricte suffisance] ainsi que sur le format des Forces aériennes stratégiques [FAS], qui ne comptent actuellement que deux escadrons de Rafale B capables d’emporter l’ASMPA-R. L’annonce sur le retour de la dissuasion nucléaire à Luxeuil, faite en mars, suggère que ce dernier sera revu à la hausse.

Laurent LAGNEAU

Source : Opex360
14/05/2025