LIBRE OPINION : La crise ukrainienne : qui gagne et qui perd ?

Posté le mardi 14 octobre 2014
LIBRE OPINION : La crise ukrainienne : qui gagne et qui perd ?

L’Ukraine

Pour avoir écouté le chant des sirènes UE et OTAN, l’Ukraine a tout perdu. Le conflit déclenché par les émeutiers de la place Maidan soudoyés par les USA et la Pologne va lui faire perdre la partie la plus riche de son territoire et mettre à mal son économie.

Les républiques séparatistes de Donetsk et de Lougansk représentent 10% du territoire ukrainien et 15 % de sa population. Elles en sont la partie le plus riche. Avant le début des troubles ces régions assuraient un quart de la production industrielle du pays, elles exportaient 16 milliards de dollars par an, et contribuaient largement à l’équilibre de la balance commerciale.

La chute des exportations vers Russie, non compensée par une augmentation des exportations vers l’UE, provoquera inéluctablement l'effondrement de l'économie ukrainienne.

L’industrie de l’Ukraine, en particulier l’industrie d’armement,  a été organisée à l’époque soviétique en symbiose avec l’ensemble de l’industrie russe. La Russie en est le plus important marché et le principal fournisseur. Comment fabriquer des Antonov, comment les vendre, si le cordon ombilical avec la Russie est coupé ?

L’Ukraine n’a de passé que russe, elle n’a d’avenir qu’en renouant ses liens  avec la Russie. Il est criminel d’avoir fait croire aux Ukrainiens que l’UE allait leur apporter la prospérité.

La France

Depuis le début de la crise ukrainienne, les dirigeants français ont pris leurs ordres à Washington. Sans égard au coût des sanctions prises envers la Russie et des mesures de rétorsion qu’elles entraînent. La France est riche ! Le contre embargo russe est un désastre pour notre agriculture. Il va lui coûter plus d’un milliard d’euros. Les élevages porcins, les arboriculteurs, les producteurs de lait … sont mis à mal.

Peu importe à notre gouvernement de ruiner la crédibilité de notre industrie d’armement en retenant les « Mistral ». La France doit être fière d’affirmer sa solidarité avec l’Amérique et surtout de punir l’affreux Poutine, qui refuse de marier les homosexuels, qui construit des églises plutôt que des mosquées, et qui n’est pas démocrate puisque il recueille 76% d’opinions favorables dans son pays.

Une France se considérant indépendante  quitterait l’OTAN, alliance de soumission aux USA, comme jadis  la Ligue de Délos qui soumettait à Athènes les autres Cités grecques.

En l’absence d’une vision géostratégique et d’une analyse des conséquences de leurs décisions, nos dirigeants comme ceux des autres états européens et de l’UE servent  les intérêts américains, sans aucun profit. Après le général de Gaulle, le dernier chef d'État à avoir compris la nécessité d’amarrer la Russie à l’Europe est François Mitterrand. Son idée de confédération européenne fut torpillée par les États-Unis qui n’acceptaient pas une initiative réduisant leur influence. Nos dirigeants actuels préfèrent la soumission aux USA à une association naturelle et fructueuse  avec la Russie

La Russie

Sur le terrain la Russie est en passe de gagner. D’une façon ou d’une autre le sud-est de l’Ukraine va revenir dans sa mouvance. Le président russe va sans doute tenter de tracer une ceinture de sécurité vers Odessa et la Transnistrie.  La Russie  retrouvera ainsi sa position dominante sur la Mer Noire et par là accroitra son influence en Méditerranée. 

En prenant le contrôle du sud est de l’Ukraine  la Russie reconstituera le complexe industriel et militaro-industriel de l’ex-URSS. Les sanctions économiques prises à son égard  n’ont affectés que ceux qui les ont prises. L’économie russe s’est vite adaptée. Les marchés se réorientent vers la consommation de marchandises russes et biélorusses, aussi bien pour les produits alimentaires que ceux de l'industrie légère.

L’intransigeance du président Poutine augmente sa popularité en Russie et renforce le régime.

Mais la Russie est tombée dans le piège de la provocation américaine et elle s’est éloignée de l’Europe occidentale. Victime du matraquage médiatique orchestré par les USA elle a perdu la guerre psychologique et se trouve ainsi privée d’une coopération  avec des pays, frères par leur culture, et dont les économies sont complémentaires de la sienne.

Les USA

Nos professeurs d’histoire nous apprenaient jadis à distinguer les causes des conflits de leurs prétextes. La cause de la crise ukrainienne ressort de la volonté américaine d’affaiblir la Russie, de relancer une nouvelle guerre froide pour briser  la perspective d’une dynamique  euro-russe. Le premier prétexte est le respect de frontières, d’ailleurs parfaitement arbitraires et qui, en d’autres lieux, ont été violées sans état d’âme, au Kosovo par exemple. Le second est la défense d’une démocratie  dont les pays occidentaux donnent une piètre image.

Depuis la dissolution du pacte de Varsovie et la fin de l’URSS, l’OTAN qui a perdu sa raison d’être, est devenu l’outil docile d’une politique américaine antirusse. Aux gestes d’apaisement  de Gorbatchev et d’Eltsine l’OTAN a répondu par des agressions, poussant toujours plus loin  son emprise, jusqu’aux marches de la Russie.

L’Amérique a gagné, elle a réussi à dresser l’une contre l’autre la Russie et l’Europe et à tuer dans l’œuf  leurs tentatives de rapprochement.  Elle a démontré sa capacité à manipuler l’opinion de l’Europe, à abuser ses dirigeants et les opinions publiques. Les sanctions économiques prises à l’encontre de la Russie ne lui ont quasiment rien coûté.

Mais l’Amérique commet une dramatique erreur géostratégique. Son président afro-américain n’a rien compris, ou ne veut pas comprendre les réalités contemporaines. Notre monde indo-européen et chrétien, réalité historique et humaine, enraciné dans nos cœurs, pèse de moins en moins lourd sur l’échiquier international. Ne devrait-il pas s’unir plutôt que se déchirer ? L’alliance de l’avenir est celle qui rassemblera les peuples de San Francisco à Vladivostok. La doctrine US antirusse a une guerre de retard. A court terme les USA ont gagné mais ils mettent à mal l’avenir de l’Occident.

Jean du VERDIER, Officier général Air (2S)

Source : Auteur : Jean du VERDIER, Officier général Air (2S)