MEMOIRE : La guerre de tranchées.

Posté le mardi 11 novembre 2014
MEMOIRE : La guerre de tranchées.

À partir d’octobre 1914 et jusqu’aux dernières semaines de la guerre, tous les fronts européens, et en particulier le front de l’Ouest, se transformèrent en une série de lignes de tranchées, lorsqu’il devint clair que toute offensive serait anéantie par l’artillerie et les mitrailleuses adverses.

 Les tranchées ne sont pas une nouveauté dans l’histoire militaire quand, sur le front de l’Ouest, les Alliés comme les Allemands s’y installent sur 800 km, de la mer du Nord à la frontière suisse en octobre 1914. La guerre de mouvement, qui a marqué le début du conflit, n’a pas conduit à la victoire rapide espérée par chacun des protagonistes. Au contraire, les attaques frontales, menées souvent en terrain découvert, ont provoqué des pertes massives, les assaillants se faisant faucher par l’artillerie et les mitrailleuses. On déploie donc, le long du front, un dispositif constitué généralement de deux ou trois tranchées parallèles, reliées entre elles par des «boyaux» de communications. Avec, en moyenne, 1,30 mètre de large et deux de profondeur, elles sont creusées en zigzag pour limiter les effets de l’artillerie, responsable, au final, de trois-quarts des tués de la guerre. Les Allemands, installés en défensive en territoire ennemi, construisent parfois en dur, avec de profonds abris servant de dortoirs, de postes de commandement, etc. Les tranchées françaises, quant à elles, sont souvent plus sommaires et inconfortables car l’état-major espère toujours repousser l’envahisseur, ce qui ne se produira qu’à partir de juillet 1918.

 EXPÉRIENCE ÉPROUVANTE

Les belligérants se font face, parfois à quelques dizaines de mètres de distance. Entre les deux camps, s’étend le no-man’s land, théâtre d’une succession d’offensives et de contre-offensives. La nuit, des patrouilles tentent d’y récupérer des blessés ou des morts tombés dans la journée. C’est de nuit également que sont réalisés des coups de main contre les postes avancés ennemis, afin de capturer des prisonniers pour recueillir des renseignements. En première ligne, le risque est omniprésent. Les combats et les bombardements constituent une expérience très éprouvante, accentuée par l’effet démoralisant de la présence des blessés et des morts. « J’ai comme abri le corps d’un camarade. Mon fusil est brisé par un éclat d’obus. Je prends le fusil d’un camarade tombé mort devant moi. Les Boches avancent, je n’ai plus de munitions. Un sergent qui est blessé à côté de moi a le courage de chercher des cartouches sur nos morts et de me les passer une à une ; chaque Boche qui se présente a son sort réglé », raconte un caporal du 66ème régiment d’infanterie1.

 Les conditions d’hygiène sont déplorables, le confort inexistant, les soldats manquent de sommeil et le ravitaillement peut s’avérer chaotique. Les témoignages des combattants sur leur quotidien sont édifiants : « Une puanteur extrême nous prend à la gorge dès notre arrivée. Les parois de terre s’effritent sur des cadavres, écrit Jean Droit, du 226ème régiment d’infanterie, dans ses souvenirs de guerre2. Nous nous allongeons, serrés l’un contre l’autre, sur une litière noirâtre. Le poids de nos corps en fait aussitôt sortir un liquide sombre et malodorant qui s’insinue lentement à travers nos vêtements. Quand la pluie dure plus d’une heure, l’abri est rapidement envahi par les eaux et à peu près inhabitable. Alors, on se repose debout, accoté au parapet, en priant tous les saints du Paradis de lui garder sa verticalité. » Un siècle plus tard, la question se pose encore : comment ont-ils réussi à vivre et à combattre ainsi pendant trois ans et demi ?

 DEVOIR MILITAIRE

Car, malgré ces conditions, les Poilus essaient de garder le moral et le sens de l’humour. Dans un des nombreux journaux de tranchées, par exemple, on peut lire cette parodie d’annonce immobilière : « Villa des Pieds humides à louer, vue sur le ciel, eau à tous les étages, conviendrait à personnes aimant la bombe. » Ils s’accrochent aussi à la perspective de la relève, car on ne restait en principe en première ligne que quelques jours, avant de basculer en deuxième puis en troisième ligne. Il y avait ensuite un court temps de repos puis une période de préparation avant de remonter au front.

Pour Mathilde Benoistel et Laetitia Desserrières, historiennes au Musée de l’armée à Paris, plusieurs facteurs expliquent l’endurance et la ténacité de ces héros anonymes. Elles citent en premier le consentement de ces millions de soldats-citoyens à une « culture de guerre élaborée dans les sociétés européennes dès avant 1914 »3. Elles soulignent également le sens du devoir dans une société très patriote : « Faire son devoir militaire est un idéal valorisé par les soldats comme par la société de l’arrière. »4

Enfin, la discipline, le lien avec l’arrière (en témoigne le nombre de lettres échangées quotidiennement) et la sacro-sainte camaraderie au combat ont aussi joué leur rôle.

 1914 Guerre tranchee 02 ECPAD

 Intérieur aménagé d'une tranchée.

 

Texte : Bernard EDINGER.
Photos : ECPAD.

 

1 In Mourir à Verdun, Pierre Miquel. Ed. Tallandier, 2002.

2 In Témoin d’outre-guerre, Jean Droit. Ed. Du Rocher, 1991.

3 In La guerre des tranchées, Mathilde Benoistel et Laetitia Desserières. Editions Ouest-France, 2014.

4 Ibid.

 

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Source : Bernard EDINGER in Terre Information Magazine n°258 - Octobre 2014