ACTIVITE. L'Ukraine est en train de sauver l'OTAN et donc la défense de l'Europe

Posté le mercredi 20 avril 2022
ACTIVITE. L'Ukraine est en train de sauver l'OTAN et donc la défense de l'Europe

Au prix d'un sacrifice dont on ne mesure pas encore le véritable impact, en particulier en et pour l'Europe, l'Ukraine se trouve bien involontairement à l'origine d'une refonte totale des rapports de force stratégiques entre le bloc de "la grande Russie" et celui des puissances occidentales. L'article ci-dessous n'en souligne pas moins le long chemin qu'il reste à ces dernières pour retrouver un niveau dissuasif suffisant.

 

Ramenez les exercices Reforger en Europe

 

Lors d'un sommet à Bruxelles le mois dernier, le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a annoncé que l'alliance renforcerait son flanc oriental en y doublant le nombre de groupements tactiques de quatre à huit. Malheureusement, ce nombre ne sera toujours pas suffisant.

Le chef d'état-major interarmées, le général Mark Milley, était plus proche de ce qui était nécessaire lorsqu'il a suggéré lors d'un témoignage au Congrès le 5 avril que des installations permanentes devraient être construites pour les forces de rotation.

En fin de compte, les niveaux de troupes proposés devraient être bien supérieurs à huit groupements tactiques.

Doubler le nombre de groupements tactiques de quatre à huit montre une bonne intention - mais c'est à peu près tout. Un groupement tactique de l'OTAN est un bataillon renforcé, d'environ 1 250 hommes. Avec ces huit groupements tactiques - totalisant environ 10 000 soldats - l'OTAN propose maintenant de garder sa frontière de 2 700 milles de la Norvège et de l'Estonie à la Roumanie avec environ un soldat tous les 400 mètres. Ce n'est pas une force de dissuasion; c'est tout juste un ralentisseur.

Les États membres de l'OTAN ont un produit intérieur brut collectif de 43 000 milliards de dollars et une population totale de 946 millions d'habitants. La décision de n'ajouter qu'un renfort symbolique de 5 000 soldats n'a donc pas été prise faute de moyens. Le problème est une question de priorités : des armes contre du beurre. Onze ans après le célèbre discours du secrétaire à la Défense de l'époque, Robert Gates, à ses homologues de l'OTAN, seuls 10 des 30 États membres de l'Alliance consacrent le minimum de 2 % de leur produit intérieur brut à la défense, certains dépassant à peine ce chiffre.

En comparaison avec la force prévue de 10 000 soldats de l'OTAN, le président russe Vladimir Poutine a envahi l'Ukraine avec 200 000 soldats russes, tchétchènes et séparatistes, soit 20 fois plus que ce que l'OTAN prévoit actuellement de déployer. Une grande attention s'est portée sur la performance inepte de la poussée du nord de la Russie vers l'Ukraine. Mais bon nombre de ses unités du sud ont combattu efficacement dans la phase initiale de la guerre, échouant à cause de la trop grande élongation et de la ténacité ukrainienne.

 

La Russie reconstruira son armée. Cette force intégrera dans les années à venir les enseignements tirés des combats en Ukraine. Son élite politique et militaire abritera les mêmes peurs et animosités que Poutine. L'OTAN a donc le choix : capituler devant les exigences territoriales de la Russie ou bien protéger ses frontières.

Le témoignage du général Milley devant le House Armed Services Committee [Comité des forces armées de la chambre] déclarant que le flanc est de l'OTAN doit être renforcé est une contribution bienvenue à une discussion importante sur les niveaux de troupes. Son soutien indéfectible à une force adéquate - espérons-le l'équivalent d'au moins 12 unités de combat de brigade plus toutes les capacités de soutien nécessaires - est essentiel.

Même ainsi, l'absence de consensus sur la nécessité d'un budget de défense adéquat et la conviction de certains commentateurs que les États-Unis doivent se concentrer exclusivement sur la Chine forceront le compromis. Le résultat final de ce débat sera une force trop petite à la frontière de l'OTAN avec la Russie et la Biélorussie.

Il existe heureusement une solution. Le ministère de la Défense devrait rétablir les exercices de déploiement Reforger - RETURN OF FORces to GERmany -, menés pour la dernière fois en 1993.

Pendant des décennies, l'armée américaine déployait chaque année jusqu'à 125 000 hommes en Allemagne par voie aérienne, ferroviaire et maritime, démontrant l'engagement continu de l'OTAN en faveur de la défense de l'Europe. Ayant participé au Reforger final multi-divisions, je peux attester de sa valeur formatrice. Chaque membre de l'OTAN devrait mener chaque année de tels exercices collectifs, idéalement de concert les uns avec les autres, depuis leur base d'attache jusqu'à leurs secteurs le long du flanc est de l'OTAN.

 

Nos exercices Defender actuels n'atteignent pas cet objectif. Defender, bien qu'inestimable en tant qu'exercice d'entraînement, a une portée trop limitée. La Russie a envahi l'Ukraine avec l'équivalent d'environ 13 divisions. L'exercice annuel de l'OTAN devrait être deux à trois fois plus important qu'actuellement. L'intégralité du processus de déploiement, de la station d'attache aux positions de combat avancées, doit reproduire un déploiement en temps de guerre pour identifier les lacunes et les points d'étranglement.

Il faudra plusieurs années pour construire les installations permettant d'abriter, d'entraîner et de soutenir ces forces. C'est la partie facile. Il faudra également des années d'entraînement pour transformer ces unités disparates et leurs renforts en une force compétente, cohérente et rapidement déployable.

Si les politiciens qui dirigent collectivement l'OTAN sont sérieux quant au maintien de la paix le long de son flanc oriental, ils doivent démontrer cette détermination en engageant les ressources nécessaires, et non par des déploiements de troupes symboliques comme ceux annoncés à Bruxelles.

 

Lindsey Neas est un ancien officier de l’arme blindée de l'armée de terre américaine. Il a servi pendant 15 ans en tant qu'assistant militaire de plusieurs membres des comités des forces armées du Sénat et de la Chambre.

 

Lindsey NEAS
Army Times

19 avril 2022


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Source : asafrance.fr