AFFAIRE BENALLA : L’esprit de corps. LIBRE OPINION du général (2s) Gilbert ROBINET

Posté le mercredi 01 août 2018
AFFAIRE BENALLA : L’esprit de corps. LIBRE OPINION du général (2s) Gilbert ROBINET

Pour ce qui me concerne, et peut-être cela est-ce dû à mon tropisme d’ancien militaire, ce qui, dans l’affaire dite Benalla, m’a le plus effrayé, ce n’est pas le constat d’une kyrielle de dysfonctionnements au sein de services prestigieux de l’Etat ou encore le manque de coordination et d’échanges d’informations entre ces services, mais l’absence totale d’esprit de corps qui y règne.

 

Les ministres sont les chefs de leur administration. Pour ma part, je n’ai jamais été séduit par l’appel, pour tenir cette éminente fonction, d’hommes ou de femmes issus de la société civile car réputés experts des sujets qu’ils auront à traiter. Plutôt que d’exiger d’un ministre qu’il sache d’emblée tout sur tout, je pense qu’il est préférable de s’appuyer sur des personnalités de caractère ayant, de surcroît, un profond sens de la Politique. Pour l’expertise, les ministres ont autour d’eux, au sein de leur cabinet, des spécialistes rompus aux questions traitées. Ce que l’on est en droit d’exiger d’un ministre c’est, qu’après avoir recueilli les avis de ses conseillers, il  décide et, corollaire absolument obligatoire et primordial, il assume la responsabilité de la décision prise et cela quoi qu’il advienne.

 

Dans l’affaire qui nous occupe ici, j’ai vu un ministre fuir ses responsabilités en se défaussant alternativement sur d’autres autorités administratives ou politiques de haut rang et sur ses subordonnés. Dans ses propos, rien n’exprimait une solidarité de groupe pas plus qu’une quelconque empathie pour les membres de son ministère. Il en fut de même pour d’autres autorités de haut niveau. J’ai ressenti là que,  dans les administrations concernées, les relations humaines étaient inexistantes et le style de commandement exécrable. En un mot, je n’ai pas trouvé la moindre trace de ce ciment qui unit étroitement les militaires et que l’on nomme l’esprit de corps.

 

L’esprit de corps recouvre ces liens de solidarité et de fraternité qui soudent en cercles concentriques les membres d’une même unité, d’un même régiment, d’une même arme, d’une même armée. Il est le fruit d’une expérience commune et au cœur de la cohésion. L’esprit de corps recouvre aussi des notions d’honneur, de respect, de courage et d’abnégation au service de la Patrie.

 

L’esprit de corps est en fait une sorte de code moral non écrit qui, dans une communauté,  imprègne les esprits et évite ainsi des dérives ou des aventures individuelles déviantes en rappelant implicitement que l’intérêt général prime sur tous les intérêts particuliers fussent-ils de carrière.

 

Aucune de ces notions ne m’étant clairement apparue dans la bouche de ceux qui, à l’occasion de l’affaire, furent auditionnés par les commissions d’enquête de l’Assemblée nationale et du Sénat, je ne suis donc pas surpris que leur aient été substitués d’autres processus comme le copinage, l’usurpation de fonction, la recherche à tout crin d’opportunités destinées à se faire plaisir ou encore l’échange de services ou d’avantages  divers.

 

Dans l’institution militaire il arrive aussi, comme ailleurs, que des fautes soient commises. Elles donnent rarement prise à des déballages sans fin où chacun essaie de « refiler à l’autre la patate chaude ». Au contraire, elles sont l’occasion d’enquêtes approfondies afin d’analyser si la faute n’est pas le résultat d’un contexte particulier auquel il convient de remédier. Les chefs assument leurs responsabilités et les responsables, quels que soient leur grade ou leur rang sont sanctionnés. Ensuite, l’esprit de corps sert d’onguent s’il y a nécessité de cicatriser des plaies.

 

Marc Liévremont qui fut sélectionneur du XV de France de 2007 à 2011 voyait dans l’esprit de corps un ensemble de valeurs communes au rugby et à l’armée. En effet, face aux difficultés, c’est le bloc de la mêlée solidaire qui doit prédominer plutôt que la débandade.

Général (2S) Gilbert ROBINET

Diffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr 

Source : www.asafrance.fr