ANTICIPATION : Avec la science-fiction (SF), l’armée regarde les menaces du futur

Posté le jeudi 08 juillet 2021
ANTICIPATION : Avec la science-fiction (SF), l’armée regarde les menaces du futur

Des auteurs de science-fiction ont livré deux scénarios de guerre que le ministère des Armées va étudier plus secrètement.

Un lieu à la mode, le Trianon à Paris, des faisceaux de lumière rouge et des images de synthèse pour l’ambiance, un concert et un tchat sur Twitch… Mercredi, la « Red Team », le groupe d’auteurs de science-fiction qui mettent leur imagination au service du ministère des Armées a présenté ses derniers scénarios. En se projetant dans les années 2040, la Red Team a pour ambition de bousculer les certitudes stratégiques et tactiques actuelles. Après avoir exploré les thèmes de la piraterie et des espaces amphibies l’année dernière, la Red Team s’est penchée cette année sur deux autres concepts : la « ruse » et « l’asymétrie massive », a expliqué l’auteur Nicolas Minvielle, qui coordonne les réflexions.

Les sujets ont été jugés plus « problématiques par rapport à de possibles surprises stratégiques », explique Emmanuel Chiva, le directeur de l’Agence innovation défense, qui supervise l’initiative. « C’est une fiction vraisemblable, ancrée dans le réel », insiste-t-il.

Les dix auteurs de la Red Team confrontent leurs approches et leurs scénarios à une « Blue Team » issue du ministère. Une « Purple Team » fournit une expertise technologique. « Les scénarios de la Red Team interrogent et parfois inquiètent », a commenté Martin Briens, le directeur de cabinet de la ministre Florence Parly, en assurant que certaines remarques avaient déjà débouché sur des inflexions concrètes dans le programme du futur porte-avions. Quoi ? le ministère garde le silence comme sur le projet « Myriade » issu, dit-on, des précédents scénarios. Le confidentiel-défense donne aussi une crédibilité au projet.

Des nouvelles façons de faire la guerre 

Dans le premier scénario imaginé par les auteurs de science-fiction, les armées sont confrontées dans le futur à un « brouillard informatif » toujours plus dense, le « fog of more ». Dans ce monde-là, les citoyens vivent dans des bulles informationnelles qui démultiplient les effets des réseaux sociaux. Plongée dans une crise sanitaire et environnementale, l’armée française est alors confrontée à deux défis : la saturation de l’information sur le terrain et la balkanisation du réel. « Il n’est plus possible de trier ou de certifier » les informations, explique Virginie Tournay, directrice de recherche au CNRS, l’une des auteurs. La perception des opérations militaires est alors elle aussi perturbée. « Nous avons imaginé un théâtre d’opérations où le rapport à la réalité n’est plus partagé », ajoute Laurent Genefort, un écrivain de SF. Conçu en pleine pandémie, le scénario s’inspire de la prolifération des fake news. Il fait aussi écho aux réflexions sur « la guerre cognitive » qui inquiètent dès à présent les états-majors.

Le deuxième scénario se penche sur les conséquences de la course technologique : face aux missiles hypervéloces ou aux drones toujours plus efficaces, les auteurs ont imaginé des « hyperforteresses ». Dans ce futur, les armées ne sont plus en mesure de mener des guerres de mouvement, qui risqueraient de les exposer. Lourds et coûteux, les systèmes de défense figent les conflits. Pour percer ces lignes impénétrables, les armées devront imaginer de nouvelles façons de faire la guerre.

La fiction est désormais mise au service de la réflexion militaire. Au sein de l’état-major, il s’agit alors de faire le tri entre l’écume de science-fiction irréaliste, les extrapolations de simples situations existantes et connues, et les questions nouvelles à explorer. L’état-major préfère ne pas trop en dire pour ne pas donner des idées aux puissances adverses.

Nicolas BAROTTE
 Le Figaro
8 juillet 2021


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Source : www.asafrance.fr