ARMEMENT : Quatre réponses de monsieur Joël BARRE délégué général pour l’Armement.

Posté le lundi 17 décembre 2018
ARMEMENT : Quatre réponses de monsieur Joël BARRE délégué général pour l’Armement.

[…] l’Europe

L’« arrivée de Bruxelles » est en effet à mettre au nombre des nouveautés de l’année 2018, grâce à la naissance d’une coopération structurée permanente. Le fonds européen Défense concerne directement nos programmes. Sa phase préparatoire est actuellement en cours, tant au niveau recherche – puisque l’action préparatoire de recherche a été lancée – qu’au niveau de développement capacitaire, grâce à l’European Defence Industrial Development Programme (EDIDP). La Commission a annoncé qu’elle pourrait mettre sur la table 500 millions d’euros en 2019 et en 2020 pour commencer à contribuer au financement de nos programmes d’armement européens. […] Les Espagnols, Italiens et Allemands sont nos trois partenaires majeurs désormais, du fait du Brexit.


Question de M. Jean-Charles Larsonneur (député): durée de vie des matériels et évolution technologique

Vous avez parlé du renforcement de la démarche capacitaire, faite d’une approche plus collaborative entre la DGA et les états-majors et s’appuyant sur la refonte de la conduite des programmes. Ce sont effectivement des aspects essentiels. Mais comment envisagez-vous de concilier le temps court et le temps long sur des programmes qui nous engagent souvent à quarante ou cinquante ans ?

Joël Barre (DGA)
Vous avez raison concernant le temps long et le temps court. Si nous sommes bousculés, c’est que les techniques qui se développent dans le civil – le numérique, la robotique, l’intelligence artificielle, etc. – vont beaucoup plus vite que le développement et l’exploitation de nos systèmes d’armes. Je ne crois pas qu’on puisse raccourcir la durée de vie d’un système d’armes tel qu’un avion de combat, un porte-avions ou un char, pour la faire passer de cinquante à cinq ans. Le seul moyen de vivre avec ces systèmes, qui ont par définition une durée de vie de plusieurs décennies, tout en étant au goût du jour en matière d’évolutions technologiques, est d’adopter une démarche incrémentale. C’est la démarche que nous avons commencé à suivre de manière générale et que nous suivions déjà pour les avions de combat. Nous l’utilisons pour Scorpion et devons la généraliser. Nous devons faire en sorte de prévoir régulièrement des mises à jour de la définition de nos programmes pour y intégrer au fur et à mesure l’évolution technologique, permise en particulier par les techniques du civil, et l’évolution des besoins.

 

Question de M. Bastien Lachaud (député) : cyberdéfense
La Cour des comptes américaine vient de publier un rapport estimant que 80 % des systèmes d’armes américains pouvaient être piratés facilement, voire pour certains en moins d’une heure par seulement deux personnes dans un bureau. Quelles sont les mesures que vous avez prises, et que prend la DGA, dans l’homologation des armements que vous allez acheter pour vous assurer que ce qui arrive aux armes américaines n’arrivera pas demain aux armes françaises ? Comment pouvez-vous aujourd’hui nous assurer que l’interopérabilité du programme Scorpion, par exemple, mais aussi du SCAF demain ou des bâtiments de la Marine, ne risque pas d’être mis en péril dans un futur très proche, et qu’elle ne représente pas une forme de vulnérabilité supplémentaire pour nos armes ?

Joël Barre (DGA)

Nous sommes tout à fait conscients que les cyberattaques constituent un risque majeur et nous considérons que la résilience « cyber » des systèmes d’armes est désormais une performance à prendre en considération comme toutes les autres, que ce soit la portée d’un missile, le rayon d’action d’un avion, etc. Il faut effectivement que nous spécifiions dans nos systèmes les exigences de protection face aux potentielles cyberattaques, et c’est ce que nous faisons. Nous menons aussi des études amont dans le domaine de la cybersécurité pour développer les technologies nécessaires.

 

Question de M Patrice Verchère (député): industrie d’armement petit calibre Depuis ces dernières années, il semblerait que tout soit mis en œuvre pour écarter notre industrie nationale de l’armement dit de petit calibre. Cela a commencé par l’achat sur étagère à l’Allemagne du fusil d’assaut HK416F en remplacement du Famas et malheureusement, cela continue avec l’appel d’offres que vous venez de lancer concernant le remplacement de notre fusil de précision – avec une clause un peu surréaliste exigeant 50 millions d’euros de chiffre d’affaires minimum pour les entreprises souhaitant concourir.[…]

Joël Barre (DGA)

[…] Quand nous passons un appel d’offres comme celui que nous avons passé pour cette arme, nous devons, d’une part, respecter la réglementation qui s’impose à nous – qu’elle soit européenne ou qu’elle relève du code des marchés publics – et, d’autre part, nous assurer que les titulaires qui nous feront des offres ont une capacité suffisante pour répondre à nos besoins dans la durée. L’appel d’offres porte certes sur un fusil, mais aussi et surtout sur des optiques, dont des visées nocturnes permettant à nos forces d’utiliser ce fusil dans des conditions particulières. En termes d’assiette du chiffre d’affaires correspondant à cet appel d’offres, l’optique représente plus de 50 % du marché correspondant. Le fusil lui-même en représente à peu près un quart et les munitions, de l’ordre de 10 %. Telle ou telle société française qui voulait répondre à cet appel d’offres, si elle n’avait pas l’ensemble des capacités fusil et optique de précision, devait se présenter avec un partenaire. C’est, selon la presse, ce que la société dont vous n’avez pas voulu citer le nom, mais qui fait la une de la presse spécialisée tous les jours, a fait.

Je peux vous assurer que dès qu’une entreprise française est susceptible de postuler à un appel d’offres, nous faisons le maximum pour que les conditions le lui permettent, dans le respect des règles que nous devons respecter – sinon nous serions en contentieux permanent.

Joël BARRE
délégué général pour l’Armement,
Extraits de l’audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées
(Projet de loi de finances pour 2019 le 10 octobre 2018)

Nota
Emmanuel Chiva a été nommé au poste de directeur de l’Agence de l’innovation de défense à compterdu1erseptembre2018.Il est docteur en biomathématiques avec une spécialisation en intelligence artificielle et dans le domaine des systèmes complexes et du biomimétisme.


 Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr