ARMEMENT : L'Espagne intéressée par le F-35 américain... Un coup dur pour le SCAF et l'Europe de la Défense

Posté le mardi 09 novembre 2021
ARMEMENT : L'Espagne intéressée par le F-35 américain...  Un coup dur pour le SCAF et l'Europe de la Défense

La décision de Madrid d'acheter ou non des chasseurs américains pourrait peser lourd sur l'avenir du programme d'avion de combat européen mené avec Paris et Berlin alors que les trois pays venaient de trouver un accord sur son organisation industrielle et son financement.

L'Espagne prête à acheter des F-35 américains ? C'est ce que croit savoir le cabinet d'études Jane's spécialisé dans les questions militaires qui a diffusé une note le 3 novembre dernier sur son site internet . Selon la note, Madrid serait prête à acquérir une cinquantaine d'appareils américains, 25 avec la capacité de décollage vertical et 25 en version classique. Si la presse espagnole a largement repris l'information, aucune décision de négociation et encore moins d'achat n'a été ni confirmée ni démentie par les autorités espagnoles.
Toujours selon les confidences obtenues par Jane's, la sélection des appareils pourrait intervenir en 2025 et les premières livraisons dès 2027. L'avion de Lockheed Martin fait déjà un carton en Europe où il a séduit une grande majorité des pays: la Belgique, le Danemark, l' Italie , les Pays-Bas, la Norvège, la Pologne, le Royaume-Uni, la Suisse ... source

Cette commande, qui reste à confirmer, soulève de nombreuses questions au vu du rôle de l'Espagne au sein du programme SCAF de système de combat aérien du futur mené avec Paris et Berlin. Ce programme, financé par les trois pays, vise à remplacer leurs Rafale et leurs Eurofighter à horizon 2040 en développant également des technologies de cloud de combat, des drones ainsi que des systèmes de communications sécurisées.
L'Espagne serait-elle en train de tourner le dos à l'Europe de la Défense ? Cette acquisition remettrait-elle en cause sa participation au programme SCAF ? Par son montant estimé en dizaines de milliards d'euros et la capacité militaire concernée, il s'agit du programme le plus décisif pour l'Europe de la Défense. Et Madrid n'y joue pas les faire-valoir puisqu'elle finance le programme à la même hauteur que Paris et Berlin.

Le F35-B à décollage vertical, la seule alternative ?

A vrai dire, cette rumeur n'a rien d'une surprise. En aout dernier, l'amiral Santiago González Gómez, le directeur général de l'agence étatique "Armamento y Material", l'équivalent de la DGA en France (Direction générale de l'armement, ndlr) s'était rendu aux Etats-Unis pour rencontrer en personne l'un des responsables-clés du programme F-35 pour l'US Air Force. Les communicants de la défense américaine ne se sont pas privés de publier les photos de la rencontre , sûrement trop heureux de la marque d'intérêt d'un nouveau pays européen pour l'appareil de Lockheed Martin...
Les journaux espagnols qui avaient également relayé l'information ont même expliqué la logique de cette rencontre. Selon eux, l'Armada española, la marine nationale espagnole, doit renouveler d'ici 2030 sa flotte vieillissante avions de combats à décollage vertical. Soit 12 appareils AV-8 Harrier, modèle fabriqué à l'origine par McDonnell Douglas. Et parmi les avions de nouvelle génération, la version du F-35B serait la seule alternative possible. De fait, le SCAF n'est pas prévu avec cette capacité et ne sera pas prêt avant 2040.

Un revirement espagnol serait-il fatal pour le SCAF ?

Certainement pas. En juillet 2017, la France et l'Allemagne s'étaient lancés à deux uniquement dans le programme, l'Espagne ne les ayant rejoints qu'en 2019. Les industriels de l'aéronautique de part et d'autre du Rhin, avec Dassault Aviation et Airbus Defence & Space en tête, ont l'ensemble des capacités pour concevoir et bâtir un appareil de combat de cinquième génération.


Le SCAF en phase de décollage

Néanmoins une éventuelle défection de l'Espagne serait un coup dur. La France, l'Allemagne et l'Espagne, après d'âpres discussions, viennent enfin de trouver un accord sur le rôle dévolu à leurs industriels respectifs. Ils se sont engagés fin juillet à leur verser 8,6 milliards d'euros afin de faire voler un premier démonstrateur d'ici 2027. Si l'Espagne se retirait du projet, le calendrier pourrait être remis en cause. Et avec un client en moins, les commandes d'appareils risquent d'être également réduites et d'en augmenter le prix unitaire.
L'industrie espagnole aurait beaucoup à perdre dans l'opération. La contribution espagnole assure à ses industriels une montée en puissance technologique dans le domaine de l'aviation de combat contrairement à l'achat sur étagère d'appareils américains. Typiquement, l'équipementier aéronautique espagnol ITP Aero a été sélectionné aux côtés de Safran et l'allemand MTU Aero Engines pour développer la turbine basse pression et la tuyère du moteur du SCAF.


Un risque pour l'industrie espagnole

Le pays est par ailleurs clé dans le dispositif de la division des appareils militaires d'Airbus. Airbus a choisi l'Espagne comme son centre d'expertise mondial dans le domaine des avions militaires.... Le groupe européen assemble les avions de transport militaire A400M à l'usine de Séville mais également les avions de transport tactique
C295. A Getafe, il assure la militarisation des avions civils A330 pour en faire des avions ravitailleurs. Airbus pourrait-il remettre en cause cet ancrage si l'Espagne tournait le dos au SCAF ?
La « préférence américaine » des états européens pour les systèmes d'armes outre-Atlantique, la difficulté à bâtir une Europe de la défense ... Le F-35 et le SCAF ne sont que les nouveaux acteurs d'une pièce déjà bien connue.


Auteur : Hassan MEDDAH
Source : L’Usine nouvelle
Date : 8 novembre 2021

Source photo : Pixabay

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Source : www.asafrance.fr