ASSEMBLÉE NATIONALE : Compte rendu intégral Deuxième séance du mardi 10 février 2015

Posté le dimanche 15 février 2015
 ASSEMBLÉE NATIONALE : Compte rendu intégral Deuxième séance du mardi 10 février 2015

Assemblée nationale

XIVe législature

Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu intégral

Deuxième séance du mardi 10 février 2015

Débat sur le rapport relatif à l’activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l’année 2014

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous faut saluer cette première concernant l’activité de nos services. Aussi, je tiens tout d’abord, avec solennité, à rendre hommage, au nom de l’ensemble des députés UMP, à tous les agents des services qui, dans l’ombre, avec courage, avec une totale abnégation et, parfois, jusqu’au sacrifice suprême, servent la France afin d’assurer notre sécurité externe et interne. Nous leur devons, vous le savez, un soutien total, qui ne s’explique pas seulement par les événements tragiques que nous venons de vivre, mais qui s’inscrit aussi, comme l’a souligné à juste titre Jean-Jacques Urvoas, dans la durée d’une grande politique publique.

Oui, les agents des services agissent dans le cadre d’une politique publique consubstantielle à l’action d’un État démocratique, soucieux de la sécurité des Français et déterminé à œuvrer pour la sécurité internationale. Il ne s’agit donc pas seulement d’une pétition de principe ; il s’agit aussi de tordre le cou aux billevesées et autres balivernes de quelques idiots utiles qui accusent, avec moult cris d’orfraie de vierges effarouchées, les services de la République de violer nos libertés publiques.

La première de nos libertés publiques, c’est la sécurité de chacun d’entre nous, c’est pouvoir aller et venir sans se faire assassiner à chaque coin de rue.

Depuis sa création par la loi du 9 octobre 2007, j’appartiens à la délégation parlementaire au renseignement (DPR), voulue par le président Sarkozy et soutenue par le gouvernement de François Fillon. Le gouvernement auquel vous participez, monsieur le ministre, a décidé, par la loi du 18 décembre 2013, de renforcer les missions de la DPR, qui, après avoir été mandatée par le législateur pour suivre l’activité générale et les moyens des services spéciaux, a désormais pour objectif d’exercer le contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement en matière de renseignement.

La France, la République reconnaissent enfin, hélas tardivement, la nécessité d’un contrôle parlementaire sur le renseignement, mais aussi son rôle primordial, en tant que politique publique, dans un monde toujours chaotique, dangereux et imprévisible. L’imprévisibilité est justement ce qu’un gouvernement ne saurait trouver admissible, son rôle premier étant d’anticiper, d’être en capacité de faire face. Le Gouvernement doit savoir ce qui se passe, être renseigné sur toutes les menaces, qui sont autant de risques pour notre sécurité.

Nous ne vivons pas dans un monde de Bisounours ! Le général de Gaulle nous le rappelait avec force : « Les États n’ont pas d’amis » ! Ce n’est pas une chose nouvelle, mais elle est trop souvent oubliée par les naïfs et les gogos. L’affaire Snowden, sur les capacités américaines, devait leur ouvrir les yeux. C’est, semble-t-il, peine perdue.Au siècle dernier, le comte de Rémusat, ministre des affaires étrangères, eut ces mots pleins de sagesse : « Parce que leur mode de vie ou la forme de leur esprit plaisent volontiers aux étrangers, les Français en tirent la conclusion que la France est aimée. Voilà qui est faux. Aucune nation n'est aimée, et la France, pas plus que les autres. » Regardons la réalité en face et cessons d'être naïfs : ouvrons les yeux sur les menaces.

Elles sont nombreuses et multiformes, comme le montre le rapport auquel a conclu la délégation parlementaire au renseignement, sous l’autorité avisée du président Urvoas – transcourants. (Sourires.)

La plus évidente d’entre elles est bien sûr la menace terroriste, prégnante, diffuse, aveugle. Elle durera, car il existe un ennemi intérieur qui avance masqué et se régénère sur la scène internationale. Il n’est en rien empêché par des frontières qui se révèlent inexistantes, qu’elles soient physiques ou, a fortiori, numériques.

Il est urgent de mettre en place le dispositif  PNR (passenger name record), monsieur le ministre, et de passer outre les réticences proprement criminelles, je le dis avec force d’un Parlement européen décalé par rapport aux réalités du monde. Il est vrai qu’il n’y a pas que dans ce domaine que le Parlement européen est décalé ; il fait malheureusement preuve de cécité. Nous avons perdu trop de temps : s’il y a refus ou blocage, agissons comme nous le faisons maintenant sur le plan national, et créons un réseau multi-bilatéral, totalement informatisé, qui permette aux utilisateurs d’être connectés en temps réel, sans passer par une requête administrative.De plus, ne nous trompons pas d’ennemis. C’est là où, en matière de renseignement, la politique étrangère est importante. Je le dis comme je le pense : la Russie est un allié incontournable et précieux dans la lutte contre les djihadistes.

Au-delà du terrorisme, il existe d’autres menaces bien réelles. Les attaques cyber peuvent être redoutables et désorganiser, voire bloquer le fonctionnement de services publics, d’entreprises publiques ou d’hôpitaux en quelques instants. Nous devons en être conscients : nos sociétés sont devenues hyperfragiles.

Les menaces économiques sont tout aussi réelles. L’espionnage économique est une constante, dont les acteurs sont parfois nos chers alliés, voire nos partenaires européens. Face à ces réalités, ouvrons les yeux et donnons-nous les moyens de relever ces défis.

Il faut bien sûr renforcer les services en moyens humains. Le gouvernement Fillon avait déjà fortement augmenté les effectifs de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) – et procédé à la fusion de la direction de la surveillance du territoire (DST) et d’une partie des renseignements généraux dans la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Votre gouvernement, monsieur le ministre, a élevé à juste titre la DCRI au rang de direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et renforcé le service central du renseignement territorial (SCRT) qui était trop faible, comme l’a montré l’affaire Merah.Au-

delà des moyens, nous avons aussi l’obligation de protéger nos agents et de leur garantir les moyens juridiques de leur action, sans pour autant négliger le contrôle.

Nous examinerons attentivement votre projet de loi, avec la volonté forte de doter nos services du cadre juridique nécessaire pour assurer à leurs missions l’efficacité maximale, dans le respect des libertés et du contrôle nécessaire.

À ce titre, je ne peux que marquer mon étonnement, monsieur le ministre, devant la reculade du Gouvernement sur le secret des affaires alors que nombre de nos entreprises sont littéralement pillées par les services étrangers et les multinationales. C’est d’autant moins acceptable que cette décision semble avoir été prise sous la pression de prétendus défenseurs de la liberté d’expression, véritables idiots utiles des services étrangers, qui lisent à livre ouvert dans les comptes de nos entreprises pour piller leurs secrets, et parfois même les racheter à vil prix !

Je souhaite savoir si votre gouvernement compte abandonner définitivement ce projet sur le secret des affaires, monsieur le ministre.

Au-delà des nécessaires mesures gouvernementales et législatives, je désire insister sur la vigilance de chacun d’entre nous. Les Anglais disent que tout sujet britannique est un agent de Sa Majesté en puissance. Il est regrettable que des cadres de nos entreprises négligent de prendre des précautions minimales, laissant des informations sensibles sur leur entreprise dans leur ordinateur au passage des frontières, ou dans leur chambre d’hôtel, qu’ils pensent sécurisée.

Je ne saurais oublier l’amateurisme de certaines administrations, dont la naïveté et le laxisme frisent l’inconscience.

À ce titre, je ne peux que vous recommander la lecture du rapport de la délégation, rédigé sous la présidence avisée de Jean-Jacques Urvoas, qui met le doigt là où cela fait mal, certes, mais dans l’intérêt de la nation. Je suis en plein accord avec cette mise en garde.

Cette vigilance vaut aussi pour tous les citoyens, qui doivent rapporter les signaux faibles de radicalisation aux autorités de police et de gendarmerie. Une fois de plus, notre destin est entre nos mains. Nous avons certes des alliés pour lutter contre le terrorisme djihadiste, mais parfois ne soyons pas naïfs ce sont ces mêmes alliés qui ne font aucune concession en matière commerciale et économique.

C’est grâce à la crédibilité de nos services que nous pourrons relever l’ensemble de ces défis. Au nom de l’intérêt général, au nom de l’indépendance nationale, au nom de notre liberté, de notre sécurité, soutenons leur action et donnons-leur les moyens d’assurer leurs missions !

Vous pouvez voir la vidéo de l'intervention de Jacques Myard sur le lien suivant :

2ème séance : Questions au Gouvernement ; Fixation de l'ordre du jour ; Rapport relatif à l'activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2014 (Débat) - Mardi 10 février 2015 -

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : AN