COLLOQUE : "Les Forces morales de la Nation" présentées par l'ACADEM.
Les forces morales, « l’énergie qui met en mouvement les individus, le ciment qui soude le collectif »
À l’invitation de l’ACADEM et l’état-major des armées, un colloque a rassemblé le 28 novembre à l’École militaire un millier de personnes autour de chercheurs et de spécialistes, réunis pour explorer ce concept que la guerre en Ukraine a remis en lumière.
À l’occasion du colloque sur les forces morales de la nation, organisé mardi 28 novembre par l’Académie de défense de l’École militaire et l’état-major des armées, des militaires, chercheurs et spécialistes ont tour à tour apporté leur analyse de ce que représente cette notion. L'expression « forces morales » a émergé depuis le début du conflit en Ukraine, ainsi que lors du défilé du 14-Juillet, dont elle était le thème en 2023.
En introduction, le chef d’état-major des armées, le général d’armée Thierry Burkhard, a rappelé l’importance et la nécessité de disposer de forces morales : « Pour la nation, la vivacité des forces morales s’exprime dans la solidité de la cohésion nationale qui est notre centre de gravité, c’est-à-dire une source de puissance ».
Discours d'ouverture par le général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées © ACADEM
Une première table ronde a porté sur une analyse comparative de l'engagement de la société civile en faveur des forces armées dans deux pays : l'Ukraine et la Finlande.
Chercheuse à l'IRSEM (Institut de Recherche Stratégique de l’École militaire), Céline Marangé a souligné que l’enjeu, pour la nation, était de « rester unie et de faire front commun face à l’épreuve ». En Ukraine, l'engagement citoyen envers l’institution militaire a pris naissance en mars 2014 et s'est intensifié de manière significative depuis l'invasion russe de février 2022. Cette mobilisation se manifeste, comme le souligne la chercheuse à l’université de Paris-Nanterre Ioulia Sukhan, à travers des « actions bénévoles, des levées de fonds par des fondations ainsi que par l'implication de la société civile dans l'approvisionnement en armement et des réformes visant à reconnaître les droits des handicaps de guerre ».
Première table ronde sur l'engagement de la société civile en faveur des forces armées © ACADEM
En Finlande, pour le lieutenant-colonel Claire Bertaux, attaché de défense à l’ambassade de France à Helsinki, les habitants ont une mentalité à part, désignée sous le nom de « Sisu » qui ne trouve pas d'équivalent dans d'autres langues. Il est souvent défini comme une force intérieure ainsi qu’une forme de persévérance positive. De même, Arnaud Serrats, ancien négociateur du GIGN, a mentionné l’importance de la force mentale au sein d’une guerre, car même aujourd’hui, le combat est avant tout une lutte morale.
Tandis que la force morale se mesure à l’aune de la menace et de son intensité, les autres intervenants Louis-Frédéric Doyez, directeur délégué de la Fédération française handisport et le colonel Pierre Le Bastart de Villeneuve, adjoint au commandant du Centre national des sports de la défense, ont rappelé le besoin et l'importance du sport, à la fois dans la reconstruction des blessés de guerre, et aussi dans l’instruction civique de défense.
La seconde table ronde était consacrée aux nouveaux modes d’engagement citoyen.
Selon l’inspecteur général d’histoire-géographie Tristan Lecoq, « la force morale est ce qui tient debout le soldat ». Les armées doivent également contribuer au renforcement de la cohésion nationale, et c’est pourquoi la loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit 105 000 réservistes en 2035.
Pour le général de division Louis-Mathieu Gaspari, secrétaire général de la Garde nationale, chaque jour, « ce sont quelques milliers de réservistes qui servent pour contribuer à la sécurité du pays ». En ce qui concerne la France, les classes de défense et la réserve citoyenne incarnent la participation à l’effort de la population.
2e table ronde sur les nouveaux modes d'engagement citoyen © ACADEM
Pour Corinne Orzechowski, déléguée générale au Service national universel (SNU), la force morale dans le SNU repose sur trois idées : « S’adresser à la jeunesse, la cohésion nationale globale et la pédagogie active ».
Quant à Marc Vannesson, directeur de l’éducation, de la prévention et des liens familiaux à la Croix-Rouge française, il a évoqué “ L’option Croix-Rouge” qui accompagne les classes pour monter des projets solidaires dans les établissements scolaires.
Ensuite, un journaliste spécialiste de la défense (et ancien otage) et un professeur d’histoire-géographie ont croisé leurs regards sur la notion de forces morales.
Regards croisés entre Didier François et François Da Rocha-Carneiro © ACADEM
Didier François, journaliste de défense, a souligné la nécessité impérative de préparer les forces morales, en tenant compte du niveau de violence dans certains pays. Il a rappelé que chaque personne avait sa pierre a apporter à l’édifice en soulignant : « On participe à la vie de la nation en donnant une partie de soi. Être citoyen, c’est des droits et des devoirs. »
François Da Rocha-Carneiro, lui, estime que ce concept est difficile d’accès et affirme : « Les forces morales sont bien comprises dans l’armée et dans le champ géopolitique, mais elles deviennent abstraites lorsque l’on en sort. »
Un jeune lycéen présent est allé dans ce sens en questionnant les intervenants sur le sens de l’expression « forces morales ». Didier François lui a répondu en détaillant l’enjeu autour de l’organisation et de la méthode à acquérir pour tenir face à une lourde menace car pour lui, la victoire est possible grâce au soutien d’une nation unie.
Le général de corps d’armée Benoît Durieux, président de l’ACADEM, a ensuite clôturé le colloque, notamment en énumérant dans son discours tout ce qui pourrait nourrir les forces morales françaises : « En France, si on prend un peu de recul, nous avons toutes les raisons d’avoir le moral. »
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ACADEM
01/12/2023