BUDGET : Covid 19 et loi de programmation militaire

Posté le samedi 25 avril 2020
BUDGET : Covid 19 et loi de programmation militaire

Après le coronavirus, les armées s’inquiètent de payer le prix de la crise

La loi de programmation militaire prévoit une augmentation du budget de la défense jusqu’en 2025. Mais la crise économique pourrait obliger à reconsidérer les arbitrages.

Les armées savent tout faire, y compris des économies. Mobilisées dans la lutte contre l’épidémie du coronavirus, dans le cadre de l’opération « Résilience », les militaires craignent ensuite de faire les frais de la crise qui s’annonce. L’État devra bien économiser quelque part… « La loi de programmation militaire (LPM) est en l’air », pronostique avec pessimisme un connaisseur du sujet. « Je ne vois pas comment on pourra maintenir un budget en augmentation avec une récession massive », ajoute cet expert. « Il y a forcément une raison de s’inquiéter », souligne le sénateur du Territoire de Belfort, Cédric Perrin (LR). « Demain, il faudra prendre des décisions. Est-ce que l’opinion sera favorable au maintien du budget des armées ? », interroge-t-il en plaidant pour que ses moyens soient garantis.

Auditionnée par les commissions de la défense du Sénat puis de ­l’Assemblée nationale, la ministre Florence Parly s’est montrée prudente. « Je ne me prononce pas sur les conséquences budgétaires de cette crise », a-t-elle déclaré. « Le premier projet de loi de finances rectificative adopté il y a quelques jours n’a aucun impact sur le budget de mon ministère », a-t-elle souligné. Au ministère, on refuse pour l’heure de s’inquiéter. « Notre objectif a toujours été le respect de la LPM : ça l’a été hier, ce le sera demain dans un monde encore plus dangereux et ­incertain. C’est notre cap », dit-on. De leur côté, les industriels du ­secteur ont réclamé le soutien de l’État. « Le premier plan de relance, c’est le respect de la LPM », dit-on au ministère.

Ancienne ministre du Budget, Florence Parly sait néanmoins que le bras de fer avec Bercy pourra être rude. « Je compte sur elle pour être tenace », espère la sénatrice (PS) Hélène Conway-Mouret. « La LPM a été votée et elle nous empêche d’être court-termistes », plaide-t-elle en rappelant les discours du chef de l’État sur le besoin de souveraineté. « Les enjeux internationaux et les tensions à venir nous obligent à être à la hauteur », abonde le député (LREM) Jean-Michel Jacques. La présidente de la commission de la défense à l’Assemblée, Françoise Dumas (LREM), est encore plus claire dans son avertissement : «Notre rôle demain sera d’appuyer les armées et de s’assurer que les moyens disponibles leur permettent de continuer à réaliser leurs missions », a-t-elle déclaré.

Détermination politique 

Ambitieuse, la LPM 2019-2025 avait fixé comme objectif de consacrer 2 % du PIB national à la défense en 2025. Concrètement, les moyens du ministère des Armées devaient passer de 32,4 milliards d’euros en 2017 à 44 milliards d’euros en 2023. Chaque année, il était prévu une augmentation de 1,7 milliard et à partir de 2023 de 3 milliards d’euros, notamment pour maintenir les capacités de dissuasion. L’effort était considérable en soi et suscitait des doutes sur sa faisabilité. En période de crise accrue, il nécessitera une détermination politique. Auditionné par la commission de la défense à l’Assemblée, le chef d’état-major des armées, le général Lecointre, a insisté explicitement : pour lui, l’effort devra être maintenu en terme nominal et non en pourcentage du PIB. Avec un recul de l’économie, l’État pourrait consacrer 2 % de son PIB à ses armées tout en dépensant moins.

« Les armées doivent être taillées non pas pour assurer leurs missions quotidiennes, mais pour être en mesure d’intervenir dans des circonstances exceptionnelles », a-t-il plaidé. Pour cet homme au langage clair, les armées sont déjà à la limite de leurs capacités et toute réduction budgétaire serait lourde de conséquences, alors que le monde de demain s’annonce encore plus conflictuel. Il a aussi reconnu que l’épidémie conduirait à une réflexion en profondeur sur la préparation des armées.

Une « clause de revoyure » était prévue par la LPM en 2021. C’est à ce moment-là que se jouera son avenir. « Cette étape est cruciale, même si le projet de loi de finances cet automne donnera une première indication », explique le député du Finistère (LREM) Jean-Charles Larsonneur. La crise du Covid-19 pourrait-elle amener la loi de programmation à être repensée ? Certains programmes pourraient-ils être étalés dans le temps ? « L’état-major souhaite un modèle d’armée complet, capable de tout faire. Mais certains dans la majorité se demandent s’il ne faut pas se concentrer sur certains points stratégiques seulement, comme le cyber ou les missiles hypersoniques », raconte un élu. Une priorité pourrait aussi être redonnée au service de santé des armées, qui avait fait les frais d’économies budgétaires la décennie précédente. D’une manière ou d’une autre, il faudra faire des choix.

Nicolas BAROTTE 

Le Figaro
25 avril 2020

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafarnce.fr