DECRYPTAGE. Pour l’ultragauche, l’objectif est de détruire l’État

Posté le mardi 02 novembre 2021
DECRYPTAGE. Pour l’ultragauche, l’objectif est de détruire l’État

Après les violences des antifas, samedi à Nantes, l’expert en sécurité intérieure décrypte les intentions de ces mouvements révolutionnaires.
Expert en sécurité intérieure, ancien directeur de la sûreté de Charlie Hebdo après l’attentat de 2015, Éric Delbecque est notamment l’auteur des Ingouvernables. De l’extrême gauche utopiste à l’ultragauche violente. Plongée dans une France méconnue (Grasset), et des Silencieux. Ne nous trompons pas, les salafistes menacent la République (Plon).

LE FIGARO. - Samedi, à Nantes, des centaines d’antifas s’en sont pris à la police en marge d’un meeting d’Éric Zemmour. Ce type d’actions violentes est devenu habituel, en particulier à Nantes…

Éric DELBECQUE. - Cette ville constitue le centre de gravité de ce que l’on peut appeler une «plateforme» d’ultragauche. Ça n’a donc rien d’étonnant. Il faut recontextualiser cet événement, mais dans une grille d’explication beaucoup plus distante du cas Zemmour et infiniment plus proche des causes de radicalisation idéologique dans notre pays. Les activistes que l’on vient une nouvelle fois de voir agir instrumentalisent le débat autour de l’écrivain-journaliste comme ils le feraient d’un autre prétexte, de la même manière qu’ils procédèrent durant l’épisode des «gilets jaunes».

Ils cherchent des occasions de se visibiliser, d’optimiser leur visibilité médiatique et de recruter. L’obsession du moment sur Éric Zemmour (et le niveau pathétique des réponses et des ripostes qu’il suscite) le désigne donc comme un très bel objectif pour parvenir à réaliser les finalités que je viens d’indiquer.

S’agit-il plus largement d’une haine de la police et de l’État ?


Oui, toutefois il faut aller au-delà: c’est carrément un programme politique et doctrinal que l’on peut facilement documenter. L’ultragauche se bâtit chaque jour sur la répétition d’un même message: il faut détruire l’État. Or, la police est perçue comme le premier «rempart» du gouvernement. Il s’agit toujours de fragiliser les autorités, d’espérer un dérapage avec les forces de l’ordre pour faire avancer l’objectif d’arriver au désarmement de la police, et de faire prospérer une authentique guerre de l’information démontrant la puissance de leur influence. L’ultragauche démontre périodiquement son potentiel de nuisance et poursuit une course de fond.

Peut-on parler d’une forme de complaisance médiatique et politique à l’égard de la gauche radicale ?

Sans aucun doute. Nous n’en finissons pas, en France, de trouver des allures romantiques à la violence révolutionnaire. Il faudrait réussir à bannir cette posture qui assimile «table rase», brutalité, destruction de tous les héritages et sensibilité romanesque. L’idée que seuls sont généreux, humains et altruistes ceux qui résument l’action et l’amélioration du sort de l’humanité à la révolution, à la terreur et à la haine des forces de l’ordre enfante des conséquences dramatiques pour la démocratie et le futur de l’Hexagone. Or, une frange substantielle des médias et des politiciens flatte cette culture de la négativité absolue.

C’est la réforme patiente et le dialogue qui nécessitent du courage et de l’abnégation, car on a souvent envie de renoncer… On ne se grandit jamais à régresser au stade de l’homme des cavernes qui ne connaît comme slogan que «tout le monde déteste la police»… C’est le niveau zéro de l’opinion politique. Ne pas être d’accord avec Éric Zemmour ... n’implique pas de l’insulter, de le ridiculiser ou d’exciter la fascination pour la violence des idiots et des brutes. Argumenter est le seul chemin acceptable pour un républicain et un démocrate.

Même si l’on désapprouve une ligne idéologique, un propos, un raisonnement, on doit se souvenir que la démocratie exige le respect de l’adversaire

Que pensez-vous des affiches où Éric Zemmour est représenté avec le mot «Wanted» et une mire d’arme à feu sur le front ?

.... Ces affiches constituent clairement une incitation à «passer à l’acte». C’est une forme de radicalisation dont on sait parfaitement où elle conduit.

Quant à savoir si la classe politique est à la hauteur, c’est une question à mon sens mal posée. Je crois plutôt que nous en arrivons là parce que l’ensemble du personnel politique n’écoute pas la population, caricature - dans son propre intérêt - les avis et propositions des autres, ou a contrario jette des idées provocatrices dans l’atmosphère médiatique afin de tenter de progresser de quelques points dans les sondages. Le climat général s’alourdit de ce fait très logiquement et favorise de style d’excès absolument inadmissible.

Pourquoi l’État ne parvient-il pas à venir à bout de cette violence d’extrême gauche ?

Il n’existe pas de raison unique. Plusieurs motifs y participent. D’abord une réticence à considérer les violences d’ultragauche à l’identique des autres manifestations de radicalisme. À commencer par celui de l’ultradroite ; dans le cas de cette dernière, personne n’est jamais en retard d’une condamnation, à commencer par les médias. Cela devient plus flou lorsque l’on se trouve confronté à l’ultragauche ou à l’islam politique. Pourtant, il faudra bien finir par admettre que toutes les radicalités sont dangereuses, pas seulement celles venues du spectre droit de l’échiquier politico-idéologique.

J’ai eu l’occasion de travailler et de combattre les trois principales (que je viens de citer), et je répète une fois encore qu’elles n’ont rien à envier les unes aux autres. Toutes se signalent par leur intolérance à la divergence d’opinions, aucune ne respecte les droits et la dignité de chaque être humain, quelles que soient ses convictions, sa psychologie, sa foi, sa culture, etc.

Ensuite, pour entraver un phénomène de cette nature, on doit le connaître intimement, cartographier très précisément les motivations, les stratégies, les tactiques, les réseaux de soutien (logistiques, intellectuels, etc.) actifs et passifs, les textes fondateurs et le maillage territorial de la nébuleuse radicale dont l’on souhaite entraver la violence. Contrairement à ce que l’on peut parfois entendre, ce travail n’a pas été réalisé aussi consciencieusement sur l’ultragauche que sur les autres radicalités. Si l’on ajoute à tout cela le réel savoir-faire de la galaxie d’ultragauche, la capacité très forte à se mobiliser rapidement et l’«expertise» dont ses membres disposent en matière d’agitation de rue, on comprend pourquoi la puissance publique éprouve des difficultés.

 

Propos d’Éric DELBECQUE
Recueillis par Alexandre DEVECCHIO 
Source : le Figaro
Date : 1/11/2021



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Source : www.asafrance.fr