Engagement (N°138) - Serge de KLEBNIKOFF, Président de l’ASAF : "RÉSILIENCE : Nous ne sommes pas des Ukrainiens "


Le déclenchement des opérations spéciales russes en Crimée, en février 2022, a donné un écho inhabituel à la notion de résilience dans les propos de nos diriigeants politiques et militaires.

Engagement (N°138) - Serge de KLEBNIKOFF, Président de l’ASAF : "RÉSILIENCE : Nous ne sommes pas des Ukrainiens  "

Le déclenchement des opérations spéciales russes en Crimée, en février 2022, a donné un écho inhabituel à la notion de résilience dans les propos de nos diriigeants politiques et militaires.

Surmédiatisé au point d’être devenu un cliché, ce nouveau slogan se veut rassembleur, mobilisateur, porteur d’une véritable révolution comportementale dont la France deviendrait, au moins en Europe, le guide suprême. En consultant rapidement un dictionnaire, notre regard s’arrête sur une définition qui rappelle que ce mot vient de l’anglais resilience, du verbe latin resilio, ire, littéralement « sauter en arrière », d’où « rebondir, résister » (au choc, à la déformation). Nous retiendrons « résister » qui sonne mieux dans nos esprits formés à l’art de la guerre.

Suit une liste impressionnante de domaines dans lesquels la résilience trouve un terreau fertile pour se valoriser : la petite enfance, le climat, les entreprises, la gestion de crise, l’organisation des voyages… et désormais les armées. Nombreux sont les ouvrages qui vantent aujourd’hui les bienfaits de la résilience. En France, nous sommes régulièrement invités à suivre l’exemple ukrainien qui, il faut le reconnaître, a surpris la communauté internationale et ses experts les plus avertis. Or, rien ne nous permet de nous prendre pour des Ukrainiens !

En effet, en premier lieu, la France n’est pas l’Ukraine, ni dans son environnement géostratégique, ni dans les moyens dont elle dispose. C’est une évidence qu’il faut rappeler. Construire l’avenir uniquement à partir de ce conflit n’aurait pas de sens.

La France n’est pas l’Ukraine par son environnement géostratégique. Elle s’intègre dans l’Union européenne et est membres de l’OTAN. Elle n’est plus menacée par ses voisins européens. Les problématiques de l’espace post-soviétique sont nécessairement différentes des nôtres. La France n’est pas l’Ukraine non plus du point de vue des moyens dont elle dispose. Avec la dissuasion nucléaire, abandonnée par les Ukrainiens après la chute de l’URSS, nous disposons d’une garantie ultime de nos intérêts vitaux

En second lieu, la guerre d’Ukraine ne concentre pas tous les enjeux qui s’imposent à la politique étrangère et de défense de la France. Cette guerre ne doit pas devenir l’alpha et l’oméga de la réflexion stratégique. La guerre qu’il nous faut préparer, c’est la prochaine, qui ne ressemblera probablement à aucune des précédentes. Préparer les guerres du passé est une stratégie perdante. Décidemment, la France n’est pas l’Ukraine !

 

Serge de KLEBNIKOFF
Président de l’ASAF