ENTRAINEMENT MILITAIRE : Préparer l’armée aux conflits hybrides

Posté le mardi 05 octobre 2021
ENTRAINEMENT MILITAIRE : Préparer l’armée aux conflits hybrides

Pour le chef d’état-major des armées, le général d’armée Thierry Burkhard, la France doit être capable de « gagner la guerre avant la guerre ».

Il ne s’agit plus seulement de se préparer au pire, la guerre de haute intensité, mais au plus probable, la compétition permanente. Moins de trois mois après avoir pris ses fonctions de chef d’état-major des Armées, le général Thierry Burkhard s’apprête à dévoiler sa « vision stratégique ». Après l’avoir fait valider au sommet de l’État, le plus haut gradé de l’armée est auditionné mercredi matin par la commission de la défense de l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances 2022. Après que son prédécesseur, le général Lecointre, avait alerté contre « l’ensauvagement » du monde et le retour de la « haute intensité », le général Burkhard entend préparer l’armée, et toute la société, à un changement de paradigme, celui de devoir « gagner la guerre avant la guerre ».

Le cycle « paix-crise-guerre » n’est plus opérant, expliquait le général la semaine dernière en recevant quelques journalistes. « Il n’y a plus de phases de paix, mais des phases de compétition », auxquelles succèdent des moments « de contestation », caractérisés par la politique du fait accompli. Il s’agit de « la guerre juste avant la guerre », comme l’annexion de la Crimée par la Russie. Parfois, la contestation peut dériver en « affrontement » militaire qui peut aussi opposer des puissances majeures, complétait Thierry Burkhard.

Mais la plupart du temps, tout se jouera avant. « De grands compétiteurs cherchent à imposer leur volonté durant les phases de compétition », poursuivait-il, en pensant au minimum à la Russie ou à la Chine. Celles-ci se déroulent sur tous les terrains possibles : militaire, diplomatique, informationnel, spatial, économique, juridique… Les domaines de lutte semblent voués à s’étendre indéfiniment. La France, tout en cherchant à éviter l’affrontement, doit être capable d’agir dès la phase de compétition, ajoutait-il. La volonté de vaincre sans engager la force demeure conditionnée à la force, relativisait le chef d’état-major : pour pouvoir mener des actions « sous le seuil du conflit », mieux vaut être prêt aussi à l’épreuve du feu.

Maintenir l’effort financier 

Pour espérer tenir encore son rang, la France devra rehausser sa « crédibilité ». Il est question de capacités militaires, d’entraînement, d’alliance mais aussi d’actions « sur le champ des perceptions », soulignait le général Burkhard. Une nouvelle doctrine en matière de lutte
informationnelle doit être rendue publique fin octobre et combler une lacune. Dans ce domaine comme dans d’autres, l’enjeu « dépasse le cadre strictement militaire », admettait-il.

Face aux responsables politiques mais aussi dans le débat public, le chef d’état-major compte plaider la nécessité de maintenir l’effort financier mais aussi de renforcer le soutien de la nation : « Comment fait-on pour que, dans vingt ans, des jeunes acceptent encore de s’engager ? », interrogeait-il, en insistant sur la nécessité pour l’armée d’améliorer la prise en compte de la vie de famille des militaires tout en préservant la spécificité de la condition militaire. « Certains pays européens, comme la Suède, connaissent déjà des problèmes de recrutement », observait le CEMA. La mise en cause du temps de travail des soldats par la Cour de justice de l’Union européenne préoccupe aussi le chef d’état-major.
« La première victoire de nos compétiteurs est de saper l’esprit de défense », notait-il.

À écouter le général Burkhard, on comprend que la France doit être en mesure elle aussi de conduire des guerres « hybrides », comme ses adversaires. « Le terme hybride a une connotation négative, mais c’est ce que nous faisons déjà en combinant des actions de nature différente », expliquait le général Burkhard. L’enjeu de l’hybridité est « de freiner voire d’empêcher l’autre de décider en faisant planer sur lui une incertitude », résumait-il avant d’ajouter : « La guerre hybride obéit par ailleurs aussi à des lois. » Mais les limites que s’impose une démocratie ne sont pas celles d’un régime autoritaire.

Aucun théâtre d’opérations n’échappe aujourd’hui au changement de logique géopolitique décrit par le général Burkhard. « Il faut appréhender les crises de façon stratégique », ajoutait-il. « Même au Mali, nous ne sommes plus dans un face-à-face (avec les groupes djihadistes), nous sommes confrontés aussi à un autre compétiteur stratégique, la Russie, qui redistribue les cartes », citait-il en exemple, alors que Bamako semble envisager un partenariat avec les mercenaires russes du groupe Wagner. Une compétition s’y mène dans la guerre, brouillant encore un peu plus les pistes d’une sortie de crise.

Auteur : Nicolas BAROTTE
Source : Le Figaro
Date : 5 octobre 2021

Source :
Minsitère des Armées

 
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Source : www.asafrance.fr