EQUIPEMENT : Relocalisation d’une filière de munitions de petits calibres à la DGA

Posté le mercredi 13 décembre 2023
EQUIPEMENT : Relocalisation d’une filière de munitions de petits calibres à la DGA

M. Lecornu a demandé une étude sur la relocalisation d’une filière de munitions de petits calibres à la DGA

 

Depuis la fermeture de l’établissement que Giat Industries possédait au Mans, la France n’a plus la capacité de produire les munitions de petits calibres [5,56 mm, 7,62 mm et 9 mm], ce qui en fait le seul membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies à se trouver dans une telle situation.

Situation qui, dit-on, ne serait pas préjudiciable dans la mesure où il n’y aurait aucune difficulté d’approvisionnement… Seulement, cette approche causa quelques déconvenues, par le passé. Comme quand des cartouches livrées par le groupe ADCOM aux forces françaises s’avérèrent être de piètre qualité, avec pas moins d’une trentaine d’incidents de tir signalés. D’autres marchés causèrent des problèmes, avec notamment des munitions pas adaptées au pas de rayures du canon des fusils FAMAS.

Cela étant, en 2015, un rapport publié par les députés Nicolas Bays et Nicolas Dhuicq mit les pieds dans le plat. « La France serait-elle visionnaire en la matière alors que ses voisins ont pour la plupart conservé une industrie nationale de munitions de petit calibre qui alimente nos armées? », avaient-ils demandé. Et d’estimer que relancer une filière française exigerait un investissement initial de 100 millions d’euros et que sa rentabilité serait assurée « à partir d’une production annuelle de 60 millions de cartouches sous réserve qu’un niveau de commandes constant soit assuré durant les cinq premières années ».

Les arguments avancés par les deux parlementaires firent mouche… Alors ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian prit l’initiative de relancer une telle filière, en s’appuyant sur Thales, Manurhin [pour les machines outils] et NobelSport pour la poudre. « C’est une question de souveraineté nationale. […] On fait du made in France en action, et pas en paroles », avait-il lancé, lors de la visite de la poudrerie de Pont-de-Buis [Finistère], en mars 2017.

 

Seulement, après les élections présidentielle et législatives, ce projet fut annulé, la revue stratégique publiée cette année-là ayant repris les arguments classiques de la rentabilité économique et de l’offre suffisante au niveau mondial pour assurer l’approvisionnement des forces françaises. Et tant pis si la France était alors le principal producteur de munitions pour la.. chasse [c’est ce qui avait convaincu, du moins en partie, M. Le Drian…].

Depuis, le sujet revient régulièrement dans les débats, à coup de questions écrites au gouvernement, de rapports parlementaires et d’amendements aux projets de loi de finances. Pour autant, la pandémie de covid-19 et la guerre en Ukraine apportèrent des réponses aux questions soulevées par MM. Bays et Dhuicq en 2015…

Ainsi, dans un rapport publié en février 2023, à l’issue d’une « mission flash » sur les stocks de munitions, les députés Vincent Bru et Julien Rancoule firent état de « difficultés rencontrées par le ministère de l’Intérieur à s’approvisionner en munitions de petit calibre au profit des forces de l’ordre au début du conflit ukrainien ». Ainsi, ils expliquèrent qu’il avait été impossible pour ce dernier de « se fournir sur le marché international, y compris européen » alors qu’il ne disposait plus que deux mois de stock.

D’où le projet du ministère de l’Intérieur de relancer, « à partir de la réhabilitation d’anciennes usines », une filière nationale pour la production de munitions de 9 mm, lesquelles seraient destinées aux « forces de sécurité intérieure [gendarmerie et police nationales] ainsi qu’à d’autres acteurs de la sécurité [administration pénitentiaire, douanes, police municipale, sécurité privée]. » Selon MM. Rancoule et Bru, Beauvau estimait alors que, « au vu de la hausse des prix et des conséquences du conflit ukrainien, un tel projet national permettrait d’acquérir des munitions pour 6 centimes d’euro moins cher que les prix du marché ».

Quant au ministère des Armées, la question de relocaliser une filière de munitions de petits calibres se posa à nouveau, avec la guerre en Ukraine en toile de fond. Mais les débats sur la LPM 2024-30 ne permirent pas d’avancer sur ce sujet… Pour le moment, du moins.

En effet, le 11 décembre, lors de l’examen des crédits de la mission « Défense » pour 2024, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a dit avoir confié à Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement [DGA], une « mission pour documenter les coûts de la recréation d’une filière » de munitions de petit calibre, « notamment en travaillant de concert avec l’ensemble des environnements concernés », à savoir « le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, les douanes et la Fédération française de tir parce que cela pose aussi la question des débouchés civils ».

En outre, a poursuivi M. Lecornu, cette étude doit s’intéresser aux modèles économiques relatifs à chaque calibre, car « celui du 9 mm n’étant pas celui d’un autre ». Ses résultats devraient être connus dans quelques semaines.

« Je reviendrai devant le Parlement d’ici la mi-2024 pour donner une orientation définitive sur ce sujet bien connu, intéressant, mais sur lequel je ne veux pas qu’on y aille à l’aveugle parce que si on recrée une filière sans modèle économique et sans débouché avéré, [alors] le risque sera d’y mettre de l’argent public et de la voir disparaître à terme. Et ça, évidemment, personne ne le souhaite », a dit le ministre. Cela étant, a-t-il aussi précisé, « on voit bien qu’il y a quelque chose à faire sur le calibre 9 mm ».

Pour rappel, la LPM 2024-30 prévoit d’investir 16 milliards d’euros dans les munitions. Sans doute qu’il sera possible d’y trouver une centaine de millions d’euros pour relancer une filière française de munitions de petit(s) calibre(s).

 

Laurent LAGNEAU
Zone militaire - Opex360
12/12/2023

Source photo : Zone militaire - Opex360

Source : www.asafrance.fr