EXPOSITION : Il transforme les éclats d'obus en femmes

Posté le lundi 12 novembre 2018
EXPOSITION  :  Il transforme les éclats d'obus en femmes

 

Antoine Bachoud est dermatologue, mais sa passion, c’est de sculpter les éclats d’ogives qui ont perforé sa terre, dans l’Aisne. Son travail est exposé jusqu’au 17 novembre.

 

Il est des cadeaux particuliers à l’origine de passions tout aussi improbables. Lors d’un repas, en 2014, organisé à l’occasion du centenaire du début de la Grande Guerre, Antoine Bachoud s’est vu offrir un éclat d’obus. « Une révélation, raconte le sculpteur. Je suis parti travailler la pièce sans attendre la fin du repas »...

Depuis, ce dermatologue établi à Soissons (Aisne) n’a cessé de collecter, tailler, poncer puis exposer les ogives. Plusieurs créations sont présentées au pavillon des arts et du patrimoine de Châtenay-Malabry, jusqu’au 17 novembre, pour les cent ans de la fin du conflit.

 

« Le baiser », « La déhanchée », « Danseuse » : la plupart des pièces montrées dans la petite salle d’exposition évoquent féminité et sensualité. « Les mecs fantasmaient aussi dans les tranchées, sourit Antoine Bachoud. J’ai préféré travailler la douceur que réinventer l’horreur avec ce qui avait déjà tué nos grands-parents. »


oeuvres antoine bachoud

Antoine Bachoud préfère « travailler la douceur que réinventer l’horreur
avec ce qui avait déjà tué nos grands-parents ».LP/C.L.

 

 

« Amener le front jusqu’à Châtenay-Malabry »

Dans sa région, le sculpteur n’a qu’à se baisser pour récolter son matériau fétiche, dont regorge le sol d’une région parmi les plus touchées par la guerre. Ses amis le savent : pas question de jeter à la benne le métal qui remonte à la surface après les fortes pluies ou au terme de la campagne des pommes de terre et des betteraves.

Les éclats récupérés sont souvent guère plus grands qu’un avant-bras. Pas le plus évident pour celui qui travaille directement la pièce et refuse les « recollages » articifiels : « C’était justement l’objectif de ces obus : exploser et faire le plus de morceaux et de victimes. »

Seule exception, la série « Orages d’acier » juxtapose plusieurs éclats pour former un nuage inquiétant. Antoine Bachoud s’explique : « Dans un de ses livres, Ernst Jünger décrit son bonheur de la charge, de l’assaut. Ca m’a empêché de dormir. J’ai dû créér pour retrouver le sommeil. »


orages acier oeuvre sculpture

 « Orages d'acier » a été inspiré par l’ouvrage d'Ernst Jünger du même nom, 
où l'Allemand décrit son « bonheur de la charge et de l'assaut ». LP/C.L.

A la mairie, on se félicite d’avoir « amené le front jusqu’à Châtenay-Malabry ». Un siècle avant, d’autres ont fait le voyage inverse pour ne jamais en revenir. Une immense carte recouvre le mur du Pavillon, localisant les lieux de décès des 85 Poilus originaires de la commune et tombés à la guerre. Une dizaine ont péri dans le Soissonnais. Où la terre exhume chaque année son lot de vestiges, qui donneront un baiser ou un couple enlacé.

Exposition La Grande Guerre, jusqu’au 17 novembre au Pavillon des arts et du patrimoine, 98, rue Jean-Longuet. Plus d’informations sur le site www.chatenay-malabry.fr

 

Corentin LESUEUR
Le Parisien

 

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr