GUERRE BIOLOGIQUE : Les dragons montent au front

Posté le samedi 30 mai 2020
GUERRE BIOLOGIQUE : Les dragons montent au front

La secrétaire d’État Geneviève Darrieussecq a remercié, jeudi, le 2e régiment de dragons, mobilisé contre le coronavirus.

Les « dragons » ne sont pas habitués à la lumière. Leur régiment est aussi prestigieux que discret. L’anonymat de ces hommes et femmes, rompus à la manipulation et l’identification des substances les plus dangereuses, est toujours requis. Leur savoir-faire contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) est confidentiel. Le 2e régiment de dragons est le seul régiment d’appui en France spécialisé dans la lutte contre ces menaces.

De toute façon, derrière leurs masques et sous leurs combinaisons étanches Tyvek, TLD, ou T3P qui les couvrent intégralement, on ne pourrait pas les reconnaître. Les plus légères, blanches, protègent des particules volatiles ou des virus ; les plus épaisses, d’un lisse vert kaki, isolent des substances chimiques agressives. Les troisièmes peuvent se porter en mission de reconnaissance, lorsque par exemple le groupe d’appui aux opérations spéciales doit intervenir dans un laboratoire terroriste clandestin, pour y prélever et analyser des échantillons en quelques minutes. Il faut alors être protégé mais mobile.

Mobilisé durant la crise du coronavirus pour une mission « inhabituelle », le 2e régiment de dragons s’est adapté. Pour économiser des masques classiques utiles ailleurs, les soldats du 2e RD ont parfois sorti leurs tenues les plus impressionnantes, quitte à effrayer un peu. « C’était comme écraser une mouche avec un pilon », sourit le chef de corps, le colonel Gaëtan Boireau.

L’officier a présenté jeudi à Fontevraud les capacités de son régiment à la secrétaire d’État aux Armées Geneviève Darrieussecq, venue remercier les troupes pour leur engagement. Désinfection de pièces grâce à des moyens de nébulisation de produits virucides, tentes de décontamination des troupes en cas de contamination, tentes de décontamination légères, logiciel modélisant les zones de danger, y compris après une frappe, robots permettant des prélèvements à distance, nanodrones « butineurs »… Dans les « laboratoires roulants » des véhicules de l’avant blindé (VAB) du 2e RD où l’on pénètre au travers d’un sas, ces militaires experts disposent d’une base de données confidentielle de 2 000 composés toxiques, qu’ils peuvent comparer à leur prélèvement. Le 2e RD est aussi habilité à intervenir sur des sites industriels dangereux.

Face au coronavirus, la menace était à la fois moins létale et davantage disséminée. « Nous avons mené 450 interventions », raconte le colonel Boireau : il a fallu désinfecter les hélicoptères Caïman après le transport de patients sur le porte-avions Charles-de-Gaulle, contaminé par le virus, protéger des unités stratégiques, comme le 44e régiment de transmissions, appuyer les bases au Sahel, ou conseiller pour la remise en condition de l’Assemblée nationale. Jusqu’à 23 équipes ont été déployées sur le territoire national, 8 en outre-mer et 6 en opérations extérieures. « Au sein de l’opération “Résilience”, votre régiment a montré son excellence opérationnelle », a lancé Geneviève Darrieussecq. Depuis le 21 mai, le 2e RD a commencé à se désengager.

Alors que la mission « Résilience » de soutien dans la crise sanitaire réduit la voilure, la ministre des Armées, Florence Parly, et Geneviève Darrieussecq font le tour des unités qui ont été sollicitées. « Nous ne saurons jamais le nombre de malades que vous avez évité », a poursuivi la secrétaire d’État. « Ce sont des unités précieuses », ajoute-t-elle en aparté, au moment où le ministère des Armées se prépare à défendre bec et ongles les moyens budgétaires des armées. « Il y a six mois, certains auraient peut-être jugé le 2e régiment de dragons, qui aligne 800 à 900 hommes, un peu trop coûteux », avait relevé début mai le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Burkhard.

Le 2e RD est rarement projeté sur le terrain. La menace NRBC de­meure ponctuelle. Mais il a tout de même été engagé au Levant contre Daech. Les djihadistes avaient cherché à exploiter des sources radioactives, retrouvées par exemple dans les hôpitaux, pour confectionner des bombes sales.

Le 2e RD se prépare à être davantage mobilisé. « Depuis une décennie, nous avons vu progresser la menace NRBC. Elle va aller crescendo dans les prochaines années », prévient le colonel Boireau. Dans son plan horizon 2025, qu’il vient de préparer, le régiment envisage le déploiement de laboratoires d’analyse projetables pour être « au plus près de la ligne de contact ». L’objectif est aussi de pouvoir recueillir des preuves opposables en cas de crime de guerre. C’est aussi le triste retour d’expérience syrien.


Nicolas Barotte
Le Figaro

Rediffusé sur le site ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr