GUERRE EN UKRAINE : L’Atlantique contre l’Oural

Posté le dimanche 13 mars 2022
GUERRE EN UKRAINE : L’Atlantique contre l’Oural

La fratricide guerre en Ukraine est une monstruosité géostratégique.
Des nostalgiques de la guerre froide du temps de l’Union Soviétique ont accumulé les provocations contre l’ours russe jusqu’à le rendre furieux. L’implantation de missiles en Pologne et Roumanie rappelle à contresens la pitoyable tentative de Khrouchtchev d’installer des ogives nucléaires à Cuba en 1962. Ressenti comme un défi, le projet d’intégration de l’Ukraine à l’OTAN apparaît comme une scorie d’un temps heureusement révolu.

Il faut une fois pour toutes se débarrasser des idéologies et s’en tenir aux réalités. Le conflit entre l’Ukraine et la Russie procède fondamentalement du tracé de la frontière entre les deux pays après l’effondrement de l’Union Soviétique en 1991 et la naissance de républiques indépendantes, dont l’Ukraine. La frontière naturelle entre les deux pays est le fleuve Dniestr, à l’est duquel vivent les populations russophiles et russophones du Donbass, riche bassin industriel. Lors du tracé de la frontière, a prévalu la généreuse intention de l’englober dans la nouvelle république d’Ukraine pour équilibrer son économie, mais avec la promesse formelle de ne point opprimer son particularisme.

Mais l’enfer étant pavé de bonnes intentions, cette promesse ne fut pas tenue, et en 2014 une guerre civile s’ensuivit dans le Donbass. Le président Hollande jeta de l’huile sur le feu en annulant un contrat de vente à la Russie de deux navires de guerre. Le Donbass revendiqua son indépendance et en appela à la Russie protectrice. Réunis à Minsk en 2014, les diplomates ukrainiens, russes, allemands et français, trouvèrent un accord de paix, sage et équilibré. Décevant ses protégés, Poutine, pour calmer le jeu, évita de défendre leur indépendance, à la condition expresse de la reconnaissance de la légitime autonomie du Donbass. Mais de troubles interférences, étrangères aux pays signataires, firent immédiatement capoter l’arrangement, remettant le feu aux poudres. Puis vinrent s’ajouter les provocations évoquées plus haut, relançant et envenimant la guerre civile dans le Donbass. Au bout de huit années d’affrontements meurtriers, les indépendantistes furent sur le point de succomber en février dernier. Des colonnes de réfugiés dont on n’a pas parlé commençaient à déferler en Russie. Poussé à bout, le tsar russe vit alors rouge. Poutine reconnut brutalement l’indépendance du Donbass et, à la demande officielle de ses dirigeants, ouvrit les hostilités que l’on sait. Au vu de la modicité relative des forces engagées, on peut penser que son but de guerre se limite au Donbass et à ses prolongements naturels, sauf dérapage toujours possible si la raison ne prévaut pas.

L’Ukraine se rend compte à présent qu’elle sert de chair à canons aux idéologues qui lui ont apporté la guerre et qui se dérobent à la défendre directement. Ses intérêts bien compris lui dictent de se passer de tous les intermédiaires douteux pour une négociation en tête à tête avec la Russie, sa cousine, en vue d’un retour aux sages accords de Minsk. On apprend le 10 mars que le processus est heureusement enclenché.

La grande leçon à tirer de l’affaire est que la géostratégie est incompatible avec l’idéologie. La folle guerre d’Ukraine est en fait une guerre civile occidentale. Ethniquement, culturellement et historiquement, la Russie est consubstantielle à l’Occident, face à l’autre grand bloc géopolitique
d’Asie. Aujourd’hui, l’OTAN ne doit plus se concevoir qu’à l’échelle de l’Occident. La faute la plus grave en géostratégie est de se tromper d’ennemi.

Alors, allons de l’ Atlantique à l’Oural et n’opposons plus l’Atlantique à l’Oural !

 

Général (2s) Michel FRANCESCHI
Membre de l’ASAF

Source photo : Google Maps


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Source : www.asafrance.fr