HISTOIRE : Sous le signe de la repentance

Posté le mardi 06 octobre 2020
HISTOIRE : Sous le signe de la repentance

Le documentaire de David Korn-Brzoza, présenté  dans le cadre d’une soirée spéciale, porte un jugement sans concession, et à charge, sur l’ancien Empire français.

Le seul regret que j’ai là-bas, c’est d’avoir perdu (…) mon meilleur ami, qui était un Français. Je l’ai perdu en Indochine, ça m’a fait beaucoup de mal. » Ce témoignage de l’Ivoirien Yoro Diao, ancien combattant en Extrême-Orient dans l’armée française, après avoir pris les armes dans les rangs de la France libre, montre la complexité des liens tissés au fil des décennies entre colonisés et colonisateurs.

Ce témoignage apparaît dans le documentaire inédit Décolonisations : du sang et des larmes diffusé ce soir sur France 2 dans le cadre d’une soirée spéciale qui s’achèvera par un débat mené par Julian Bugier. Mais si ce film fleuve ambitieux (près de trois heures) de David Korn-Brzoza a le mérite de revenir en détail sur cette période douloureuse, il en propose une vision essentiellement à charge, placée sous le ­signe de la repentance.

Bien sûr, la colonisation et la décolonisation furent accompagnées d’injustices aussi terribles qu’inadmissibles et de drames sanglants. La guerre d’Algérie, largement évoquée ici, le montre bien, avec l’enchaînement des horreurs perpétrées par la France mais aussi par le Front de libération national (FLN). D’anciens soldats français évoquent la torture pratiquée au sein de l’armée. Plusieurs anciens militants du FLN témoignent aussi. À l’image de ­Zohra Drif. Le 1er octobre 1956, elle posa une bombe au Milk Bar à Alger. Danielle Michel-Chich, pied-noir alors âgée de 7 ans, raconte qu’elle perdit sa jambe dans cet attentat. On regrette que seul un fils de harki témoigne du sort de ces musulmans qui avaient choisi la France et furent massacrés par le FLN après avoir été abandonnés par la métropole.

Reste que l’histoire de l’Empire français et de sa disparition après la Seconde Guerre mondiale ne fut pas simplement une aventure haineuse menée par la République française. Or c’est trop souvent la lecture qui est présentée dans ce film.

Blessures et crimes du passé 

La complexité de la période n’est pas assez expliquée. Par exemple, le fait que la décolonisation eut lieu en pleine guerre froide. Et les jugements définitifs, en voix off, s’enchaînent. À propos de l’exposition coloniale qui s’ouvre à Paris en mai 1931, le commentaire lance : « On sert aux Français l’histoire qu’ils ont envie d’entendre, celle d’une nation civilisatrice qui apporte génie et progrès partout où elle règne. » C’est oublier que la présence française eut aussi des aspects positifs : en termes d’infrastructures, de santé ou encore d’éducation.

C’est aussi l’empire qui permit au général de Gaulle de lutter contre le nazisme. Le ralliement à la France libre du premier gouverneur noir du Tchad, Félix Éboué, est évoqué. Mais sans préciser que cette personnalité montre la capacité de la France de faire émerger des élites locales. Une réalité illustrée aussi par Léopold ­Sédar Senghor, qui deviendra le premier président du Sénégal ou Aimé Césaire, qui sera le ­maire de Fort-de-France. Deux intellectuels qui seront élus à l’Académie française. S’il est important de ne pas cacher les blessures et les crimes du passé, encore faut-il, en même temps, mettre en lumière toutes les nuances de l’histoire.

Blaise de Chabalier
Le Figaro
mardi 6 octobre 2020

Rediffusé sur le site de l'ASAF :www.asafrance.fr

Retour à la page actualité

Source : www.asafrance.fr