ISLAM. Radicalisation islamiste : Faire face et lutter ensemble

Posté le samedi 18 juillet 2020
ISLAM. Radicalisation islamiste : Faire face et lutter ensemble

Sénat : Commission d’enquête (7 juillet 2020)

RADICALISATION ISLAMISTE :
FAIRE FACE ET LUTTER ENSEMBLE

 

Commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre Rapport n° 595 (2019-2020) de Mme Jacqueline Eustache-Brinio, déposé le 7 juillet 2020 Réunie le mardi 7 juillet 2020 sous la présidence de Mme Nathalie Delattre (Rassemblement Démocratique et Social Européen – Gironde), la commission d’enquête, a adopté à l’unanimité le rapport présenté par Mme Jacqueline Eustache-Brinio (Les Républicains – Vald’Oise).

 

 

 

Après 8 mois de travail, 58 heures de réunions, 67 personnes entendues, le constat partagé d’une réalité de la poussée de la radicalisation islamiste sur notre territoire contraste avec la prise de conscience encore inaboutie par les pouvoirs publics du phénomène.
Le rapport formule 44 propositions concrètes et opérationnelles pour informer et pour donner aux acteurs de terrain les moyens de lutter contre ce phénomène, en particulier pour protéger les plus jeunes.


La poussée de la radicalisation islamiste : une réalité dangereuse hélas niée

La nécessaire définition d’un concept qui ne se limite pas à l’action violente mais concerne le politique et la société dans son ensemble

Le radicalisme islamiste ne concerne pas uniquement la question du terrorisme ou du passage à l’action violente, mais implique aussi des comportements qui peuvent être pacifiques et qui ne mènent pas à la violence. Il peut être le fait de groupes qui prônent le repli identitaire ou l’entrisme dans le monde associatif et politique. Pour la commission d’enquête il s’agit de la volonté de faire prévaloir, dans certaines parties du territoire, une norme prétendue religieuse sur les lois de la République.
Le radicalisme islamiste est porté par un projet politique dont l’existence est établie au moins depuis les années 1970 connu sous le nom d’« islamisme ». Les groupes qui le portent historiquement, comme les Frères musulmans, sont actifs en France et cherchent à imposer leur vues par des réseaux d’associations, recherchent la reconnaissance des pouvoirs publics et, plus récemment, optent pour l’entrisme sur les listes électorales.
L’islamisme n’est aujourd’hui plus seulement le fait de ces groupes, mais aussi d’individus ou de groupuscules qui participent de l’essor d’une religiosité rigoriste qui touche les musulmans de par le monde depuis les années 2000. Ils cherchent à peser sur la vie quotidienne et le rapport aux autres des Français de confession musulmane et des musulmans étrangers résidant en France, pour leur imposer une orthopraxie, des pratiques vestimentaires, alimentaires, rituelles, mais surtout une norme de comportement et de rapports entre les hommes et les femmes, afin de les séparer du reste de la population française.

Mais dans un pays intégrateur, les islamistes sont une minorité qui se heurte à un vivre ensemble placé sous la protection des lois de la République. Ils cherchent donc à déstabiliser notre société et à se faire reconnaître le droit de régenter la vie des personnes de confession musulmane. En face, la réponse des pouvoirs publics ne doit surtout pas consister à peser sur l’organisation du culte musulman.

 

Éviter le double piège de l’aveuglement et de la stigmatisation vis-à-vis de l’islam

Il n’existe pas de communauté musulmane unifiée, pas plus qu’il n’existe un unique islam. Ce sont au contraire les tenants de l’islam politique qui voudraient imposer ces deux idées. De la même manière, croyance et origine géographique ou « ethnique » ne doivent pas être confondues car cela ne fait qu’alimenter une « folklorisation » de l’islam : mélange d’attitude condescendante de la part de ceux qui considèrent qu’une partie de la population ne serait pas en état de suivre les lois de la République et d’instrumentalisation par ceux qui voudraient faire de comportements religieux parfois très récemment créés des normes culturelles auxquelles il serait discriminatoire de s’opposer.

Des erreurs ont été commises par les gouvernements successifs, en regroupant des populations économiques fragiles et de même origine géographique dans certains quartiers. Cette absence de mixité tient en échec notre politique de la ville. Le sentiment d’exclusion, voire d’abandon, d’une partie de la population française est incontestable ; il peut nourrir ce que le président de la République a appelé le « séparatisme ». Mais quelles que soient les origines de l’islam radical, sa réalité est établie. Il ne s’agit pas d’un fantasme créé par l’État pour se désigner un ennemi et mener une politique de répression. Il se trouve aujourd’hui dans l’adhésion croissante à une nouvelle orthopraxie musulmane rigoriste d’une partie de la population. Adhésion qui remet en cause les valeurs de la République et va, pour un peu plus d’un quart des croyants, jusqu’à l’idée que la charia doit s’imposer par rapport aux lois de la République.

La commission d’enquête réfute l’idée selon laquelle le radicalisme islamiste ne serait qu’une réaction, ou que ce serait « l’islamophobie » qui le susciterait. Ce relativisme empêche de voir la réalité en face. Des secteurs de vigilance particulière identifiés par la commission d’enquête L’offensive de l’islam radical, qu’elle soit coordonnée ou non, vise, sur le terrain, des pans entiers de notre société. La jeunesse est évidemment une cible prioritaire, visée par des méthodes de recrutement et d’endoctrinement. Cette machine de prédication tend ensuite à produire, sur certaines parties du territoire, de véritables écosystèmes islamistes clos accréditant la dynamique du séparatisme. Quatre secteurs de vigilance particulière ont été identifiés par la commission d’enquête.
1. L’enseignement dont l’enseignement hors contrat, dans lequel certains établissements échappent en réalité au contrôle des rectorats en mettant en place, devant les inspecteurs, une véritable mise en scène, ainsi que l’enseignement à domicile qui augmente chaque année.
2. Le monde économique, au travers de librairies et de commerces halal qui diffusent une littérature radicale et promeuvent un mode de consommation et une manière d’être tendant à se distinguer le plus possible du reste de la population.
3. Le monde associatif, au travers d’associations tendant pour certaines à diffuser l’islam radical sous couvert d’action sociale ou éducative et à empêcher toute critique des comportements séparatistes, et au travers d’une stratégie de victimisation constante.
4. Le sport, où l’attrait des jeunes pour la pratique sportive et la compétition se trouve détourné pour imposer un cadre et des pratiques religieuses.

La réponse des pouvoirs publics est encore largement perfectible

Une réponse des pouvoirs publics trop orientée sur la menace terroriste et l’entrave à l’action violente.

Face à la montée de l’islamisme, les pouvoirs publics se sont concentrés, depuis 1995, sur la menace terroriste et l’entrave à l’action violente. Cette préoccupation a abouti à la mise en place d’un arsenal juridique complet et à la structuration des services de sécurité intérieure de manière à répondre à la menace. Mais le problème qui se pose désormais à la société française a changé de nature : c’est un islamiste polymorphe s’insinuant dans tous les aspects de la vie sociale et tendant à imposer une nouvelle norme sociale en se prévalant de la liberté individuelle. Il a hélas pu sembler être négligé, alimentant l’idée selon laquelle il serait négligeable ou inexistant. Pourtant, deux mois après le lancement de la commission d’enquête, le président de la République a annoncé qu’il entendait faire de la lutte contre le séparatisme une priorité. Cette reconnaissance, nécessaire et bienvenue au plus haut sommet de l’État, a pourtant été tardive et demeure incomplète. Cette impulsion doit aujourd’hui être relayée par des mesures concrètes et volontaristes destinées à appuyer l’ensemble des acteurs locaux. L’engagement de toutes les administrations est donc indispensable. Ministère de l’intérieur, ministère de l’éducation nationale, secrétariat d’État chargé de la jeunesse et de la vie associative, ministère des sports, sont évidemment en première ligne dans ce combat.

La lutte contre l’islam radical nécessite de doter les pouvoirs publics de moyens d’action nouveaux, dans le strict respect des libertés individuelles

 Pour répondre de façon adaptée à la réalité contemporaine de la radicalisation islamiste, l’action des pouvoirs publics doit en priorité s’orienter vers le renforcement de la connaissance et du suivi par les services de renseignement, ainsi que de la coordination de l’action de l’État au niveau national et territorial. Sur ce point, il est essentiel de mieux associer et accompagner les élus locaux. Les pouvoirs publics doivent ensuite faire appliquer les lois existantes, en privilégiant la judiciarisation pour appliquer les principes du code civil, l’égalité homme-femmes et lutter contre les discriminations. L’action des pouvoirs publics doit aussi s’orienter vers une actualisation de la police des cultes pour réprimer les réunions publiques au sein des lieux de culte, l’exercice contraint du culte et les atteintes à la liberté de conscience, ou encore la provocation directe, par un ministre du culte, à résister à l’exécution des lois. Les pouvoirs publics doivent engager des actions politiques et sociales, notamment en matière d’éducation et de sport, car les enfants et la jeunesse nécessitent une protection contre les discours islamistes. Les propositions de la commission d’enquête qui touchent au monde associatif, à l’enseignement et au sport s’inscrivent dans cet objectif afin de proposer une socialisation protégée des immixtions du radicalisme à prétention religieuse.

La commission d’enquête formule 44 propositions pour donner aux acteurs de terrain les moyens de lutter contre le radicalisme islamiste.

Parmi les principales propositions : Connaître, suivre, empêcher l’action de l’islam radical

  • Poursuivre le renforcement des moyens humains affectés au renseignement territorial, compte tenu de la multiplicité des missions qui lui sont allouées et de l’étendue géographique de son champ d’action.
  • Assurer, autant que faire se peut, une spécialisation des agents sur le suivi des mouvances de l’islam radical.
  • Faire effectuer, de manière urgente, par le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) un état des lieux précis de la mise en place des cellules départementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire (CLIR) et une évaluation de leur activité.
  • Renforcer l’association des maires aux CLIR et leur garantir une meilleure information sur les acteurs et les lieux liés à l’islam radical nécessitant une vigilance de leur part, en élargissant le cadre de l’instruction du ministre de l’intérieur du 13 novembre 2018.
  • Renforcer la formation des élus locaux sur la laïcité, l’islam radical, la gestion du fait religieux et l’appréhension des pratiques communautaires.
  • Élargir le champ de la mesure de fermeture administrative des lieux de culte aux lieux ouverts au public qui y sont étroitement rattachés, car gérés, exploités ou financés par la même personne physique ou morale.
  • Procéder à une actualisation de la police des cultes et mieux faire connaître les infractions qu’elle vise. Renforcer, en particulier, l’infraction d’atteinte à la liberté de conscience, en prévoyant des circonstances aggravantes lorsqu’elle est commise à l’encontre du conjoint ou d’une personne mineure.
  • Aligner les statuts légaux et fiscaux découlant de la loi de 1901 et ceux de la loi 1905 et mettre en place un régime de déclaration des apports de ressources étrangères pour l’ensemble des associations ayant une activité au moins partiellement cultuelle.
  • Protéger les droits de l’enfant à l’éducation, dans le sport et dans la vie associative
  • Étendre le champ des enquêtes administratives aux décisions de recrutement et d’affectation concernant des emplois sensibles aux secteurs ayant un lien direct et régulier avec des mineurs – enseignants, animateurs, éducateurs.
  • Permettre le contrôle de l’identité de toutes les personnes qui travaillent dans un établissement hors contrat accueillant des mineurs ou qui participent aux activités éducatives dudit établissement.
  • Créer une base de données des élèves scolarisés à domicile et dans des établissements hors contrat.
  • Mettre en place des contrôles inopinés des associations suspectées de séparatisme.
  • Mettre en place à une procédure de suspension des activités d’une association séparatiste, inspirée de la procédure existant pour sanctionner les associations de supporters auteurs d’actes de hooliganisme.
  • ntroduire dans les statuts de chaque fédération l’interdiction de toute démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale, telle que prévue par l’article 50 de la charte olympique.

 


Nathalie Delattre, présidente Sénatrice de la Gironde (RDSE)
jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure Sénatrice du Val-d’Oise (LR) Consulter le rapport : http://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-595-1-notice.html
Commissions d’enquête du Sénat http://www.senat.fr/commission/enquete/index.html
Téléphone : 01 42 34 23 37

 

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