Le retour du militaire. LIBRE OPINION de Christine KERDELLANT

Posté le samedi 04 mai 2019
Le retour du militaire. LIBRE OPINION de Christine KERDELLANT

Le Président, qui s’était brouillé avec les militaires deux mois après sa prise de fonction – la démission fracassante du général de Villiers avait ouvert la première brèche dans son état de grâce – vient de nommer un autre général, Jean-Louis Georgelin, à la tête de la mission de reconstruction de Notre-Dame de Paris. 

L’an passé, il a voulu confier à l’armée le soin d’organiser un nouveau service militaire – ce qu’elle a décliné, faute de moyens. ­
Aujourd’hui, il vante les mérites de l’École de guerre, et veut en faire le modèle d’une nouvelle ENA. Pendant ce temps, Pierre de Villiers a vendu son livre, "Servir", à près de 150 000 exemplaires et s’est empressé d’en sortir un second, "Qu’est-ce qu’un chef ?".

Pourquoi ce retour en grâce des ­militaires ? Et s’ils étaient en train de reprendre, en France, la place perdue depuis le fameux "putsch des généraux" d’avril 1961 ?

Pourquoi Macron a choisi Georgelin.
L’ancien chef d’état-major des Armées de Nicolas Sarkozy est d’abord un homme d’autorité qui a exercé de hautes responsabilités. Dédaigneux des clientèles, il a la capacité de diriger un tel chantier. Ensuite, c’est un croyant. Coordonner la reconstruction de Notre-Dame constitue donc un challenge assez motivant pour le sortir de sa retraite, qu’il a prise il y a deux ans. En bon militaire, le général Georgelin est désintéressé et sera entièrement dévoué à sa mission. Il a été responsable de 200 000 soldats et comptable de chaque goutte de sang versé. Il sait jauger la valeur des hommes. Enfin, il connaît bien les arcanes de l’administration française et la manière de faire converger les efforts de services disparates.

Pourquoi l’École de guerre est un modèle.
On n’entre pas à l’École de guerre comme à l’ENA, à 22 ou 23 ans, en sachant que, bien vierge de toute expérience professionnelle, ce concours place désormais sa vie sur des rails – et quels rails ! Le concours de l’école qui forme les futurs généraux n’est ouvert qu’à des bac +5 qui ont fait leurs preuves sur le terrain. On ne peut le passer qu’après dix ou douze années d’expérience,  sanctionnées de notes correctes. En clair, il faut avoir démontré son efficacité opérationnelle. Ceux qui n’ont connu que l’état-major devront au préalable passer six mois ou un an "en opérations". Le concours, très sélectif, exige au moins deux ans de préparation par correspondance, laquelle ne peut se faire que pendant le temps libre, le soir et le week-end. Ce qui demande une motivation supplémentaire de la part de gens qui sont pour la plupart, à 30 ou 35 ans, déjà père ou mère de famille.

Pourquoi les valeurs militaires reviennent en force.
Si les livres de Pierre de Villiers se vendent bien, c’est qu’ils incarnent un "retour de l’humain". Lui-même, après sa démission, est entré au Boston Consulting Group pour porter ce souffle dans les plus grandes entreprises. Les Français mettent l’armée en première position des institutions auxquelles ils font le plus confiance. Et certains d’entre eux verraient bien un militaire au pouvoir – c’est-à-dire, dans leur esprit, un homme courageux, désintéressé, au service de la France. Une espèce disparue depuis de Gaulle…


Christine KERDELLANT
Directrice de la rédaction
L’Usine nouvelle

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr


Source : www.asafrance.fr