LIBERATION D’OTAGE. Le mirage des otages : Sophie, Marcel, Jean-Paul, …et tous les autres

Posté le lundi 12 octobre 2020
LIBERATION D’OTAGE. Le mirage des otages : Sophie, Marcel, Jean-Paul, …et tous les autres

Otage depuis quatre ans aux mains de groupes islamistes du Sahel, Sophie Pétronin est arrivée vendredi 9 octobre en France où elle a été accueillie par le président de la République. En compagnie de trois autres otages, elle était détenue par le Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), la principale alliance djihadiste au Sahel liée à Al-Qaida. Une rançon de dix millions aurait été versée par le Vatican, et deux cents  djihadistes pourraient avoir été libérés. Ces derniers vont reprendre les armes immédiatement. Mais surtout les terroristes ont gagné de la crédibilité auprès des populations du Nord-Mali. C’est une carte majeure pour s'imposer comme une force politique à Bamako, notamment après le récent coup d’état du 18 août dernier. Par une troublante coïncidence se tenait ce samedi 10 octobre 2020 le palmarès de la 27e édition du Prix Bayeux-Calvados-Normandie des correspondants de guerre. Il vient de distinguer le reporter Allan Kaval, du journal Le Monde, pour son œuvre intitulée « Dans le nord-est de la Syrie, la mort lente des prisonniers djihadistes ». Ce grand reporter a pu accéder à l’un des sites de détention géré par les forces armées kurdes. Là, s’y entassent des centaines de détenus terroristes, les derniers irréductibles du « califat » du Groupe Etat Islamique, souvent blessés ou mourants. « La mort a une odeur, le désespoir aussi !».

Avant d’être ces hommes ou ces femmes dont le visage s’affiche dans les médias, alors même que leur vie ne tient qu’à un fil, les otages furent, depuis l’antiquité, des rouages indispensables aux relations entre les puissants. Jusqu’au XVIIIe siècle, ces otages étaient associés à chaque alliance ou traité pour garantir la souveraineté du prince. Si l’avènement du droit international mit progressivement un terme à cet abus, celui-ci fut réinvesti par la guerre moderne puis par le terrorisme. A partir du XIXème siècle, les armées utilisent des otages non sans en contester l’usage chez l’adversaire. La prise d’otages est désormais le fait du terrorisme. (G. Ferragu, Otages-une histoire, Gallimard).
Mais il faut dénoncer aujourd’hui l’idéalisme coupable et détruire l’image romantique que ces terroristes tentent de répandre eux-mêmes parmi les populations locales et sur les réseaux sociaux internationaux comme dans certains médias complices. Ces terroristes ne sont pas des héros idéalistes qui combattent pour un monde meilleur ou une juste cause, mais des groupes armés hors la loi et des conventions du droit international. La prise d’otage est un crime défini par la convention des Nations Unies du 17 décembre 1979. L’article 3, commun aux Conventions de Genève, interdit les prises d’otages civils et condamne quiconque « commet l’infraction de prise d’otages s’il s’empare d’une personne, la détient, menace de la tuer afin de contraindre une tierce partie, à savoir un état, une organisation internationale ou intergouvernementale à accomplir un acte quelconque ou à négocier pour obtenir la libération d’un otage qui reste un impératif humanitaire ». Pour autant, le meurtre d’un otage est plus qu’un crime de guerre. Les cas de prise d’otages, dans des conflits armés ont donné lieu à des condamnations par les états. C’est ainsi également que des organisations internationales, dont l’ONU, ont condamné ces agissements dans le contexte de la guerre du Golfe et des conflits au Cambodge, Salvador, Kosovo, Proche-Orient, Sierra Leone, Tadjikistan, Tchétchénie et en ex-Yougoslavie.

Mais condamnation ne vaut pas amnésie car il y a aussi Pierre, Arnaud, Tojohasina… et tous les autres. Ils sont quarante-cinq militaires morts pour la France au Sahel depuis 2013 dans la lutte contre les djihadistes terroristes et preneurs d’otages. Ils ont perdu la vie au cours de combats contre ces groupes armés. Et il ne faut pas manquer de faire une référence particulière aux deux soldats du commando Hubert, Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, qui s'étaient sacrifiés, en mai 2019, pour sauver deux otages français au Burkina Faso. L’hommage national aux Invalides est une cérémonie autant nécessaire que d’une répétitivité effroyable. « Au Sahel, la France est et reste engagée aux côtés du Mali, du Burkina Faso, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad dans ce combat sans relâche contre les groupes armés terroristes », « La lutte contre le terrorisme et la protection de nos concitoyens ont toujours été, sont et resteront la boussole de nos armées et de nos militaires », déclare la ministre des Armées. Chez les cinq-mille cents  militaires de la force Barkhane, mais aussi, sans doute, dans l’armée malienne, cette libération des otages du 9 octobre 2020 pourrait avoir un effet déstabilisant. « Aujourd'hui, pour les forces armées, cette question humanitaire autour des otages est devenue une composante centrale de l'équation sahélienne, qui vient percuter les problématiques militaires, voire tactiques », (J. Pigné, Réseau de réflexion stratégique sur la sécurité au Sahel).

En 1935, Théodore Monot, un saharien d’expérience, anticipait déjà que « dans le progrès de nos connaissances, la belle part, la part utile et solide, reviendra moins peut-être aux véhicules perfectionnés, transportant à vive allure, d’un bout à l’autre du désert, sur des pistes connues, des missions-éclairs et des explorations-bolides, qu’au lent cheminement de quatre grosses pattes étalées en disque et de deux savates en peau d’antilope. »

Aujourd’hui, il faut souhaiter pourtant que la géostratégie de la France dans cette contrée ne soit ni illusion, ni mirage !      


Dominique BAUDRY
Membre de l’ASAF


Rediffusé sur le site de l'ASAF : 
www.asafrance.fr

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