LIBRE OPINION du général d'armée (2S) Jean-Marie Faugère : Le Soutien des armées

Posté le mercredi 01 avril 2015
LIBRE OPINION du général d'armée (2S) Jean-Marie Faugère : Le Soutien des armées

Editorial du Général d’armée (2S) Jean Marie Faugère

Ancien inspecteur général des armées, Président du G2S*

Le soutien des armées est un sujet complexe, dont il est difficile de donner une définition précise car, il recouvre de multiples domaines d’intervention. Soutien de la vie courante en garnison, soutien en opérations extérieures, soutien de l’homme, soutien des matériels, soutien administratif, soutien logistique, soutien pétrolier, soutien santé, soutien immobilier, etc., sont autant d’aspects d’une même réalité qui consiste à apporter aux forces déployées en opérations, à celles stationnées sur le territoire national ou encore aux personnels à titre individuel, tout un ensemble de concours matériels et de prestations diverses qui permet, in fine, aux armées de fonctionner au quotidien, de s’entrainer, de se projeter, de conduire des opérations, puis de se régénérer à l’issue.

Depuis la révision générale des politiques publiques (RGPP de 2008), et même depuis l’installation de la LOLF en 2006, ces différentes fonctions ont été au centre du tourbillon de restructurations du ministère, car certains les jugent, à tort ou à raison, plus ou moins extérieures ou marginales au « cœur du métier de soldat ». De ce fait, elles ont été particulièrement exposées aux exigences technocratiques de mutualisation, d’interarmisation, d’optimisation, de rationalisation, voire d’externalisation, conduisant à des réorganisations de grande ampleur achevées par l’installation de la nouvelle gouvernance du ministère depuis 2013. Désormais, chaque fonction du soutien général ou spécifique est mise en œuvre de « bout en bout » par sa chaîne d’appartenance, après avoir quitté la tutelle d’un commandement traditionnel « organique »(1) pour répondre à des logiques propres censées mieux satisfaire, et au moindre coût, les besoins des forces. Ont échappé à cette apparente autonomie, les soutiens dont l’exercice contribue directement aux capacités opérationnelles : le maintien en condition des matériels (structures intégrées de MCO (2), le soutien du service de santé, du service des essences, du service du commissariat des armées et le soutien par les bases de défense, qui sont restés sous l’autorité du chef d’état-major des armées dans sa nouvelle posture « organique ».

Force est de constater que ces réorganisations multiples, loin d’avoir simplifié et fluidifié le fonctionnement des services de soutien, ont créé une nouvelle bureaucratie avec ses procédures et ses exigences ; la phase d’adaptation en cours oblige à une lutte quotidienne de la part du commandement et de tous les responsables du ministère pour en asseoir des règles de mise en œuvre tournées vers l’efficacité opérationnelle et l’efficience nécessitée par un cadre budgétaire particulièrement sévère. La priorité a été donnée jusqu’ici au soutien en opérations avec un réel rendement, notamment pour le MCO des matériels. Il reste à restaurer dans les garnisons des modes de fonctionnement plus souples, sous réserve d’y consacrer les crédits suffisants dans la mesure où leur niveau souhaitable a pu être estimé en fonction des nécessités opérationnelles fluctuantes.

Il est certain que la réduction supplémentaire des effectifs, recommandée de manière arbitraire par le dernier Livre blanc et traduite dans la loi de programmation militaire, en s’ajoutant aux précédentes, a contribué à désorganiser davantage le cours des restructurations et les fonctions du soutien. D’autant que l’état-major des armées a connu de grandes difficultés à identifier les postes à supprimer, quelques 7 000 d’entre eux restant irréductibles à la déflation d’ici 2019, seuil atteint avant que soit prise la décision du Président de la République de la freiner, voire de l’infléchir.

Il n’en demeure pas moins que l’avenir dira si ces évolutions et ces nouveaux modes de fonctionnement, inspirés du monde des entreprises civiles, se révèlent pertinents pour améliorer la « productivité » des soutiens. En particulier, il conviendra de bien regarder si la disponibilité et la réactivité des forces sont au rendez-vous, si le dimensionnement des soutiens permet d’honorer les contrats opérationnels dans les hypothèses les plus extrêmes, celles où les armées seraient le dernier recours quand plus rien ne fonctionne dans le pays, ou dans le cas d’un cumul, vraisemblablement peu étudié au moment de la rédaction du Livre blanc, de tous les contrats opérationnels à l’extérieur et à l’intérieur du territoire national. En effet, il parait impensable qu’un chef militaire puisse opposer un refus à une sollicitation du chef des armées en raison de soutiens défaillants. La preuve d’une éventuelle inadéquation reste toutefois à produire. Mais, celle de l’insuffisance des contrats opérationnels du dernier Livre blanc, ne vient-elle pas d’être établie par la décision du Président de la République prise en conseil de défense ?

Le dossier ci-dessous se focalise sur quelques fonctions du soutien, exemplaires dans leur transformation, comme le soutien administratif, la maintenance des matériels terrestres et le service de santé des armées, service injustement décrié dans des rapports administratifs. Injustement, car la logique d’un service attaché aux armées ne répond pas exclusivement aux normes de rationalité économique d’organismes civils comme peuvent l’être les structures hospitalières civiles. Mais, ce dernier argument demande que l’on ait une conscience vive des contraintes et des impératifs du service des armes de la Nation et de ses exigences.

Auteur: général d'armée (2S) Jean-Marie FAUGERE
Président du G2S
Source: www.asafrance.fr

1/ Incarné autrefois par chaque chef d’état-major d’armée (terre, mer et air).

2/ Maintien en condition opérationnelle.

 

 

* Le G2S est un groupe constitué d’officiers généraux de l’armée de terre qui ont récemment quitté le service actif. Ils se proposent de mettre en commun leur expérience et leur expertise des problématiques de défense, incluant leurs aspects stratégiques et économiques, pour donner leur vision des perspectives d’évolution souhaitable de la défense. 

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Source : G2S