PÉTAIN : Billet d'humeur de Jean-Jacques NOIROT

Posté le lundi 12 novembre 2018
PÉTAIN :  Billet d'humeur de Jean-Jacques NOIROT

En 1966 à Verdun, en 1968 aux Invalides, le général de Gaulle fait la part des choses sur les mérites du maréchal Pétain. Aucune ambiguïté entre le vainqueur de Verdun et l'homme de Vichy. L'un et l'autre reçoit sa part d'éloge et d'opprobre, sur un ton mesuré qui ménage l'encensoir et le glaive. 

En 2018, pour connaitre la place qui revient au maréchal Pétain dans la commémoration du centenaire de l'armistice de 1918, il faut consulter la clique des pacifistes à tout crin relayant une bande d'historiens circonvenus, suffisants et très contents d'eux.

« Lily, pourquoi viens-tu si tard, quand il fait déjà noir, pour éclairer les ténèbres de nos âmes? Nos consciences en détresse attendaient leur sauveur. C'est toi qui est venue, diva de notre Histoire, pour nous dire le bien, séparer le bon grain de l'ivraie, remettre à l'endroit nos pensées détraquées. Il n'y a qu'un Pétain, nous dis-tu, traitre à la patrie, complice de l'holocauste, déserteur des combats. Ah, chère Lily, que ne le savions-nous! Avoir vécu si longtemps éloignés de tes soins révèle l'ampleur de notre frustration. Idiots que nous sommes! La casuistique nous a rongé les sangs pendant trop d'années. Tes farouches certitudes nous sont une délivrance. 

Eh! Ne te sauve pas! Casuistique n'est pas une injure raciste! Pour faire court, c'est une morale reposant sur les cas de conscience. Tiens, je te donne un exemple. Chimène, dans le Cid, peut-elle aimer encore l'assassin de son père? Ah bon, tu n'as jamais entendu parler du Cid? Excuse-moi. Il est vrai que j'évoque une époque d'avant 1789. Désormais je m'en tiendrai à la novlangue. 

Pour nous, les communs de la France, Pétain est un dilemme. Il hante nos mémoires. Il nous est impossible de trancher. Je t'assure que ça n'est pas facile. Notre esprit n'est pas aussi carré que le tien. Nos grands-pères, nos grands-oncles sont morts pour la France à Verdun. Ils ne sont pas les seuls, malheureusement. Imagines-tu les déchirements qui ont agité toutes les familles dont un ou plusieurs des leurs avaient péris dans cette effroyable bataille quand le vainqueur de Verdun leur a déclaré en 40 de sa voix chevrotante: "Je fais don de ma personne à la France". Où allions-nous? Que faire? Vers qui tourner nos regards, nous qui n'avions rien entendu venant de Londres, et qui étions effondrés par la défaite? Nous les humbles, les égarés de province, nous avons eu cet abandon de l'esprit de nous reconnaître vaincus, en attendant mieux.

Aujourd'hui encore, nous avons mal. Mais nous l'assumons. Ainsi en va-t-il de l'élégance des âmes simples, qui se reconnaissent pécheresses et acceptent les fers. L'Histoire dont tu régales, par tes saillies vengeresses, ceux qui t'écoutent, n'était pas encore écrite quand l'immense détresse de l'occupation nous accablait. Quelle chance tu as aujourd'hui de pouvoir la lire, par dessus la multitude des tombes blanches alignées, pour meubler tes discours! Et je vais oser ce trait, au risque d'être incompris: cette Histoire qui provoque chez toi cette déferlante de dignité outragée, t'appartient. Tu en es l'héritière. Comme nous tous, tu es dépositaire de ses effets. Les drames de la nation n'en altèrent la grandeur que s'ils sont niés. Que fais-tu, sinon cela?

Qu'as-tu, à ce jour, assumé au péril de ta vie, en y risquant ton âme? Quand, sans discernement, tu crucifies Pétain sur l'unique autel de la traîtrise, tu te crucifies aussi, et nous tous prenons en même temps la place des larrons. Lily, quelle est ta gloire? 

La France mérite mieux, pour être dirigée, ou gérée, que les pleurnicheries de contorsionnistes de la vérité. À quoi cela sert-il de renier la victoire de celui qui vainquit? L'honorer un temps, c'est pouvoir le condamner à d'autres moments. Comme, hélas pour nous tous, il le mérite.
Es-tu bien sûre de pouvoir juger ce soldat? Qu'est-ce qui t'autorise à ne le couvrir que d'opprobre? As-tu fait la guerre? As-tu vécu l'occupation? As-tu, quand la Wehrmacht défilait dans Paris, été de celles qui l'ont défiée? 

Les combats que tu mènes aujourd'hui sont de la fine dentelle. Les palabres devant micros et caméras te vont bien. Tu ne risques rien. Fais la belle. Mêle ton arrogance à la vindicte des puissants. Enivre-toi des sarcasmes de celles que la fonction protège. Mais sache que dans les bas-fonds de tes délires, sept étoiles te regardent. Et sur chacune d'elles, ne scintille qu'un seul mot: Verdun. 

Prends garde. Pour toi aussi, un jour, un coq chantera trois fois ».


Jean-Jacques NOIROT

 

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