REFLEXION : Le drame des Harkis et le syndrome de Machiavel

Posté le dimanche 27 septembre 2020
REFLEXION : Le drame des Harkis et le syndrome de Machiavel

A l'origine, on appelait « Harkis » les soldats musulmans qui s'étaient engagés dans les harkas, ces unités composées de combattants arabes et berbères, mais commandées et encadrées par des militaires français pour lutter contre la rébellion algérienne. Aujourd'hui on considère comme « Harkis » tous les supplétifs musulmans qui ont combattu dans l'armée française pendant la guerre d'Algérie : moghaznis qui assistaient les officiers des SAS (sections administratives spécialisées) dans la gestion des douars, goumiers des groupes mobiles de sécurité (GMS), gardes dans les groupes d'autodéfense (GAD). A cela s'ajoutent les musulmans servant dans les brigades de gendarmerie et les régiments de réserves générales. Par la suite, ces formations seront renforcées de ralliés qui combattront leurs coreligionnaires dans le djebel.

Leur connaissance du terrain et des habitudes de l'adversaire en ont fait des atouts précieux pour le commandement français et une source irremplaçable de renseignements, en particulier au sein des sections spécialisées où leur bilan est élogieux (commandos « Georges » de Bigeard, commandos « Cobra »). L'engagement de ces Nord-Africains aux côtés de la France constitue un fait indéniable qui va à l'encontre du mythe mensonger ressassé par la propagande du FLN et selon lequel le peuple algérien tout entier était uni dans la lutte contre le colonisateur ! Dans les premières années du conflit algérien, il y avait plus de soldats maghrébins dans l'armée française que dans les maquis de l'ALN. Ces supplétifs avaient rejoint le camp de la France qu'ils estimaient être le camp de l'ordre  pour protéger leurs familles et leurs villages menacés par les exactions de l'insurrection. En particulier, ils récusaient les actions sanguinaires du FLN comme les massacres à grande échelle.

Les Harkis ont cru en la parole de la France, aux promesses réitérées par les plus hautes autorités de l’État et commentées sur le terrain par des officiers français aux musulmans du bled : « La France ne vous abandonnera jamais. » La suite est connue. Après les accords d'Evian et surtout dans les mois qui ont suivi l'indépendance, nombre de ces supplétifs, qualifiés de traîtres par les nouveaux maîtres d'Alger, ont été torturés et sauvagement exécutés par les enragés du FLN. Dans cet épisode de vengeance sanguinaire plus de 100 000 ont été massacrés. Seulement environ 20 000 trouveront refuge en métropole alors que les demandes étaient cinq fois supérieures. Ils seront hébergés dans des conditions indignes dans des camps du sud de la France. Des officiers français et des personnalités civiles (le banquier André Wormser) enfreindront cependant les directives de Paris et rapatrieront clandestinement des Harkis en métropole puis les intégreront dans des structures d'accueil et de reclassement.

Sous la pression des associations de rapatriés, les Harkis ont obtenu une journée nationale de reconnaissance le 25 septembre. Mais les supplétifs réclament plus : ils veulent que cette date d'hommage soit remplacée par celle du 12 mai. La journée du 12 mai 1962 est considérée comme un moment de honte et de déchirement pour tous ces combattants nord-africains et leurs descendants : c'est la journée funeste où des milliers de Harkis ont été désarmés par l'armée française sur ordre de Paris. Pour ces Arabes et Berbères, majoritairement issus des zones montagneuses, le fusil a une valeur sacrée. Le désarmement des Harkis a été ressenti comme un véritable déni d'existence par cette communauté musulmane pro-française. Certes certains supplétifs, dépités et déboussolés, ont déserté avec armes pour donner un gage au FLN, espérer avoir la vie sauve et protéger leurs familles.

Au vu de ce véritable parjure de la République, comment ne pas avoir à l'esprit la réflexion développée il y a plus de quatre siècles dans Le Prince de Machiavel : « Rien n'est plus vrai qu'il est glorieux à un Prince de garder sa parole, de vivre dans l'intégrité et non dans l'astuce. […]. On ne verra nulle part qu'un Prince nouveau ait désarmé ses sujets. Mais si vous désarmez vos sujets, vous les offensez en leur marquant de la défiance à l'égard de leur fidélité ou de leur courage. »

Dans cette lamentable affaire, le Prince a promis, puis le Prince a trahi au nom de la raison d’État. Comme les Pieds-noirs, les Harkis demeurent hantés par un mal d'identité particulièrement pesant. Leur pays, c'est l'Algérie. Un pays qu'ils ont renié et qui les a répudiés. Leur nation c'était l'Algérie française, un concept que les autorités françaises leur avait promis et que le vent impitoyable de l'histoire a transformé en un douloureux mirage. Ceux qui ont réussi à s'établir en métropole pensaient trouver une mère patrie. En fait ils ont trouvé une patrie amère. Ils espéraient une terre promise, mais ils ont été installés sur une terre tout juste permise. Cruelle désillusion !

Michel KLEN,
auteur de La tragédie de l'Algérie française
Dualpha

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

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Source : www.asafrance.fr