ARC DE TRIOMPHE : Quel drapeau sous l’Arc de Triomphe ?  

Posté le mercredi 05 janvier 2022
ARC DE TRIOMPHE : Quel drapeau sous l’Arc de Triomphe ?   

 

La polémique déclenchée par la présence du seul drapeau européen sous l’Arc de Triomphe était inévitable et sauf à imaginer que notre Président est un inconscient, on peut affirmer qu’elle était assumée.

La polémique était inévitable car installer cet emblème à cet endroit relève évidemment du défi opposé par une perspective radicale à un héritage historique fortement enraciné.

L’Arc de Triomphe et la tombe du Soldat inconnu symbolisent la gloire et les sacrifices militaires de la France et des Français. Or un soldat ne peut avoir deux loyautés. Il ne se fait pas tuer pour deux drapeaux, il lui en faut un et un seul. D’ailleurs, les unités militaires françaises n’arborent, jusqu’à présent, qu’un seul emblème : les trois couleurs de la République. Si cela devait changer, il faudrait le dire car :

 

« S’il est quelque chose amère désolante,

En rendant l’âme à Dieu, c’est bien de constater,

Qu'on a fait fausse route, qu’on s’est trompé d’idée. »

Et le poète de conclure : « Mourons pour des idées, d’accord, mais de mort lente »

Malheureusement ce n’est pas une mort lente qui attend le soldat et rien ne serait plus malhonnête que de faire tuer des hommes pour une réalité n’ayant plus cours après-demain.

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Maintenant, le fait même qu’il y ait polémique sous-entend que tout le monde ne partage pas à ce sujet le même point de vue. Il y en a au moins trois.

Le premier, assez peu aujourd’hui partagé, consiste à dire et à penser que l’Europe est un rêve, en politique on appelle cela une utopie, qui s’effondrera à la première sérieuse secousse. Dans ces conditions, il vaudrait mieux quitter le navire avant qu’il ne sombre corps et biens. Cette position conduit tout droit au frexit.

Le second, peut-être plus raisonnable, revient à prendre acte de 70 ans d’efforts en faveur de l’entente européenne. De constater quelques réussites indéniables portant essentiellement sur les libertés de circulation des biens des personnes et des idées, tandis qu’en d’autres domaines comme la stratégie et la finance les résultats prêtent davantage à discussion. Malgré tout, ce deuxième point de vue défend une organisation européenne côtoyant sans les évincer les réalités nationales. Dans un tel esprit, les souverainetés nationales restent intactes et sont seulement confortées par l’adossement à un ensemble européen solidaire pouvant procurer, dans quelques cas, un effet de masse bien venu. On peut imaginer le voir se renforcer autour d’une alliance militaire spécifiquement européenne, tandis que les cultures nationales seraient sauvegardées par des règles juridiques garantissant la conservation des identités. Dans une certaine mesure, le symbole des deux drapeaux côte à côte rend assez bien compte de cette position.

Le troisième point de vue qui, à l’évidence, a la faveur de notre Président, est celui de la marche vers un fédéralisme assumé. Dans cette perspective, l’unique emblème européen sous l’Arc de Triomphe est le symbole du transfert de la souveraineté nationale à l’entité européenne. D’ailleurs, si le mouvement n’est pas encore entamé au sein de l’institution militaire, il est déjà largement amorcé dans le domaine juridique où la supériorité du droit européen sur le droit national est désormais reconnu par le conseil d’Etat. Ne parlons même pas du pouvoir monétaire que nous avons totalement abandonné, ce qui n’est, hélas, pas plus mal, compte tenu de l’usage déplorable que nous en faisions.

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Alors se pose la question de l’utilité de la polémique ?

Dès lors qu’il y a polémique, il ne sert à rien de la dissimuler, surtout quand une position tranchée est soutenue par la plus haute autorité de l’Etat. De fait, la construction européenne est arrivée à la croisée des chemins et il lui faut maintenant clairement et donc simplement afficher ses objectifs. La réponse à cette question ne peut pas être confiée à une quelconque autorité intermédiaire, habile à dissimuler sous un échafaudage branlant son objectif final. Le destin de la France ne peut pas être le résultat d’une entourloupe institutionnelle du type de celle de 2007. Le peuple français ne doit pas être ravalé au rang du petit Mowgli envouté par le python Kaa.

Il faut choisir entre les trois options esquissées plus haut et seule la voie du référendum peut et doit trancher le nœud gordien. On pourrait imaginer une triple consultation étalée sur dix ans où l’on demanderait l’avis du peuple français dans des contextes inévitablement différents, permettant de modérer les passions d’un moment. Il s’agit tout de même du destin de la France dont on peut, à bon droit, considérer, comme celui de la Nouvelle Calédonie, qu’il mérite réflexion et itération.

 Général de brigade Guy HUBIN

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Source : asafrance.fr