COMMEMORATIONS : Les anciens combattants

Posté le vendredi 18 novembre 2022
COMMEMORATIONS : Les anciens combattants

Les anciens combattants

 

Transmettre la mémoire des anciens combattants c’est préserver l’histoire de ces hommes et de ces femmes qui se sont engagés au péril de leur vie. Mais qui sont-ils ? Des Poilus jusqu’aux combattants de la quatrième génération du feu parfois encore en service, les soldats de l’armée de Terre ont tous vécu des expériences extraordinaires, parfois dramatiques et douloureuses. D’hier à aujourd’hui, la conviction de celles et ceux œuvrant à la défense de la France reste la même. Dans les manuels scolaires, dans la tête des chefs, dans celle des camarades, on n’oublie pas. La nation a une dette envers les militaires : un devoir de reconnaissance des sacrifices physiques et psychologiques, un devoir d’accompagnement des soldats, de leurs familles et des victimes de guerre, ainsi qu’un devoir de réparation des dommages subis. Des aides sont mises en place pour les accompagner, y compris après leur départ de l’institution. Éclairage.

 

Les combattants et leurs droits

 

L’image des anciens combattants reste encore souvent associée à celle des soldats mobilisés durant les deux guerres mondiales, la guerre d’Indochine et la guerre d’Algérie. Pourtant ce profil est en perpétuel mouvement. À l’inverse de son aîné, l’ancien combattant d’aujourd’hui est encore en activité. Pour une meilleure prise en compte de leurs droits, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre va changer de nom au 1er janvier 2023. Explications.

Au premier janvier 2023, le terme d’ancien combattant disparaîtra juridiquement. L’Office national des anciens combattants, des veuves et des victimes de guerre (ONACVG) prendra le nom d’Office national des combattants, des veuves et des victimes de guerre.

Votée en octobre 2022, cette évolution s’explique par la difficulté des jeunes combattants, encore actifs, à se reconnaître dans le terme d’ʺancien combattantʺ : « Ils ne font pas forcément les démarches pour prétendre aux aides auxquelles ils ont légitimement droit en tant que militaire parti en opération », insiste Franck Leconte, chef du département Reconnaissance et Réparation de l’ONACVG. Ce changement de nom permet d’encourager l’accès au soutien proposé.

L’ONACVG a passé des conventions avec les différentes armées et services qui permettent aux militaires concernés de faire valoir plus vite leurs droits. « Il est important que les militaires expriment leurs besoins, souligne Franck. Nous les incitons à intégrer des associations pour faire remonter les problèmes rencontrés. Suite à quoi nous pouvons mettre en place de nouvelles conventions afin de les aider au maximum. »

 

Un critère élargi

 

Depuis 1993, la carte du combattant est attribuée aux militaires qui ont participé au sein d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions (Opex).

Depuis 2015, les militaires ayant participé à des Opex peuvent obtenir la carte du combattant s’ils ont été déployés 120 jours sur un théâtre d’opération extérieure.

Ce critère élargi a permis l’attribution de la carte du combattant à de jeunes engagés, Franck explique : « Bien que la France ne soit pas en guerre au sens juridique du terme, les soldats partis en Opex méritent, comme leurs aînés, la même prise en compte des sacrifices consentis, tant physiques que psychologiques. Ils risquent leur vie dans ces conflits et même si la nature de la guerre a changé, le titre de combattant vient consacrer la reconnaissance de la République à leur égard ».

En 1967, le titre de reconnaissance de la Nation a été créé pour les militaires ayant pris part pendant 90 jours aux opérations d’Afrique du Nord, lesquelles n’ouvraient pas droit à la carte du combattant.

En 1993, la loi a étendu son bénéfice aux militaires et aux personnes civiles de nationalité française ayant participé à la Première Guerre mondiale, aux théâtres d'opérations extérieures de l'entre-deux guerres, à la Seconde Guerre mondiale, à la guerre d'Indochine, et aux opérations extérieures. Il est accordé aux militaires qui, pendant au moins 90 jours, consécutifs ou non, ont participé à un conflit. Il ouvre droit à la qualité de ressortissant de l’ONACVG.

 

Reconnaître leur engagement

 

Des conflits mondiaux aux nouvelles générations du feu, le profil des combattants a considérablement évolué. Ceux de la Grande Guerre étaient des civils mobilisés qui, une fois l’armistice signé, sont retournés à leur métier d’avant-guerre. Aujourd’hui, le militaire s’est professionnalisé.

La détention de cette carte permet d’accéder à diverses aides concrétisées par la qualité de ressortissant à vie de l’ONACVG : port de la croix du combattant, bénéfice de la retraite du combattant à partir de 65 ans ou de 60 ans sous certaines conditions, constitution d’une rente mutualiste majorée par l’État, bénéfice, le cas échéant, de l’action sociale de l’Office et privilège, lors du décès du combattant, de recouvrir son cercueil du drap tricolore.

Ces droits sont acquis au combattant de manière imprescriptible, qu’il soit en activité ou qu’il ait quitté l’institution.

 

Quelles sont les différences entre la carte du combattant et le titre de reconnaissance de la nation (TRN) ?

 

Les droits ouverts par la carte du combattant et le TRN sont identiques (retraite mutualiste, aides financières, drap tricolore etc…) sauf :

- la retraite du combattant n’est servie qu’aux seuls titulaires de la carte du combattant;

- La demi-part fiscale n’est accordée qu’aux titulaires de la carte ou à leur conjoint survivant ;

- la carte du combattant ouvre le droit au port de la croix du combattant et le TRN au port de la médaille de reconnaissance de la nation.

 

La revalorisation des pensions militaires

 

La pension militaire d’invalidité et la retraite du combattant seront revalorisées à compter du 1er janvier 2023, c'est-à-dire avec un an d’avance, pour prendre en compte la revalorisation de 3,5 % accordée aux fonctionnaires le 1er juillet dernier.

 

L’armée, et après ?

 

Les anciens combattants ont risqué leur vie pour protéger la nation. Bénéficiant d’aides fixes en réparation de cette prise de risque, ils reçoivent également une aide de solidarité, variable selon leur situation économique et sociale, pour les aider à se reconvertir. C’est le rôle de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre qui étudie chaque dossier au cas par cas pour les aider à réintégrer la société civile.

Environ 12 000 militaires quittent l’institution militaire chaque année. Pour ces soldats, cette phase est parfois difficile à appréhender. Elle marque un tournant dans la carrière mais aussi dans la vie d’un soldat.

Pour les épauler dans ce changement, l’armée met en place des aides à la reconversion. Défense Mobilité accompagne les anciens combattants avant leur départ : des subventions à la formation sont par exemple délivrées en fonction d’une grille financière.

Les militaires doivent s’acquitter du ʺreste à chargeʺ, mais pour ceux dont les moyens sont insuffisants, une convention avec l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), établissement public sous tutelle du ministère des Armées, permet de financer, en partie ou totalement, leur reconversion. La carte du combattant est indispensable pour y accéder.

 

Un examen au cas par cas

 

Ce financement est étudié individuellement. « Contrairement aux aides fixes fournies aux anciens combattants telles que la retraite du combattant, qui sont des dispositifs de réparation, cette assistance relève de la solidarité », explique Emmanuelle, chef du département de la solidarité de l’ONACVG.

Les ʺreste à chargeʺ sont amortis après un examen social de la situation du combattant : nombre d’enfants à charge, distance entre le logement et le lieu de formation, salaire, etc.

Pour cela, les justificatifs de ressources et de charges sont étudiés. « En cas de perte, le dossier est analysé par rapport aux relevés de compte, tient à rassurer Emmanuelle, il ne faut pas que l’administratif soit un frein, tous peuvent et doivent en bénéficier. »

Près de 500 ressortissants sont aidés chaque année par l’ONACVG. La moitié d’entre eux, arrivant de Défense Mobilité, ont déjà un projet professionnel bien préparé mais ont besoin d’un soutien financier. Pour l’autre moitié, il s’agit de combattants ayant déjà quitté l’institution militaire et dont l’ONACVG peut financer une partie de la reconversion professionnelle.

 

Aiguiller les anciens combattants

 

Pour aider certains soldats ayant quitté l’armée, l’ONACVG a passé il y a cinq ans un contrat avec l’Agence de formation professionnelle des adultes. « Les anciens combattants y réalisent des bilans de compétences, découvrent des formations et construisent leur projet professionnel qui sera à terme financé par l’ONAC », souligne Emmanuelle.

Près de 600 000 euros sont consacrés chaque année par l’Office à la reconversion professionnelle. En plus de ce budget, les recettes du ʺBleuet de Franceʺ permettent à l’ONACVG de participer au financement d’associations d’anciens combattants, d’installer des équipements de bien-être dans les EHPAD labellisés Bleuet de France ou simplement de soutenir ceux qui sont confrontés à des difficultés administratives et financières. Un juste retour pour ceux qui ont combattu.

 

Les pupilles de la Nation, héritage de la Grande Guerre

 

En 1917, pendant la Première Guerre mondiale, l’État décide de prendre en charge les nombreux orphelins recueillis par diverses associations, religieux ou familles afin de leur fournir un traitement équitable et juste. Le statut de pupille de la nation est créé : il concerne les enfants victimes de conflits, actes d’agression ou de terrorisme. L’Office des pupilles est créé, devenu l’ONACVG, et accompagne ces individus tout au long de leur vie : des étrennes sont versées aux mineurs, des aides sont fournies pour financer leurs études mais également un complément en cas de ressources financières insuffisantes. Ces financements sont issus des recettes du Bleuet de France.

 

En chiffre

 

L’aide aux veuves de soldats représente 40% du budget solidarité de l’ONACVG. 13% du budget total est consacré aux pupilles de la nation.

 

Comme à la maison

 

L’Institution des invalides de la Légion étrangère est un lieu de vie pour les anciens légionnaires, blessés, malades ou âgés, qui rencontrent des difficultés à se réinsérer dans la vie civile. Au combat, comme dans la vie, la Légion n’abandonne jamais les siens. TIM est allé à leur rencontre.

Puyloubier. Une terre d’inspiration pour les uns, la douceur de vivre pour les autres. Perchée à 400 mètres d’altitude, au pied de la montagne Sainte-Victoire dans les Bouches-du-Rhône, l’Institution des invalides de la Légion étrangère fait la renommée de la commune depuis 1954.

Ce havre de paix est un lieu de vie et de convalescence pour anciens légionnaires âgés, meurtris ou malades. Il a été créé à l’origine pour les blessés de la guerre d’Indochine. À cette époque, le bilan des combats est lourd. Aucune structure n’est dédiée aux combattants.

Le lieutenant-colonel Olivier, directeur du site, explique : « Si elle a légèrement évolué, la mission de l’Institution est restée la même : accueillir, héberger, soigner et réinsérer ».

Aujourd’hui, une soixantaine de pensionnaires vivent au domaine du capitaine Danjou. Acceptés sans condition de ressources minimales, les postulants doivent répondre à certains critères pour être admis : être un ancien légionnaire, détenteur du certificat de bonne conduite, accepter de vivre en célibataire. « La plupart n’ont pas ou plus de famille et viennent chercher ici un refuge », ajoute le directeur.

 

« La Légion m’a aidé »

 

Au milieu des vignes et des oliveraies, l’environnement est idéal pour le repos et le rétablissement. Pour conserver l’autonomie physique et favoriser la réinsertion professionnelle et sociale des résidents, le lieu propose des activités de production, telles que la viticulture ou l’oléiculture, ainsi que des ateliers dits “occupationnelsʺ, comme la céramique et la reliure. « Les résidents qui pratiquent une activité touchent une participation toutes les semaines. La somme varie en fonction de leur ancienneté », précise le lieutenant-colonel Olivier.

À l’atelier céramique, Jean fait figure de légende. À 85 ans, cet ancien sous-officier est « une publicité vivante », comme il aime le dire en plaisantant. Depuis quarante ans, l’Institution est sa maison. « La Légion m’a aidé quand j’en avais besoin », souligne-t-il. Fidèle au poste, il contribue à sa renommée, aux côtés des autres artisans. Maniant l’argile et le pinceau avec adresse, ces derniers répondent aux commandes toujours plus nombreuses de leurs camarades. Les œuvres sont vendues dans la boutique ou sur Internet.

Comme un paradoxe, un panneau à l’entrée du domaine indique “terrain militaire, défense d’entrer”. L’endroit est pourtant ouvert à la population. D’ailleurs, les relations sont excellentes. « Récemment nous avons accueilli des randonneurs. Ils sont repartis avec de nombreux souvenirs de la boutique », raconte le directeur.

 

« Appartenir à l’Institution »

 

Pour soutenir les pensionnaires au quotidien, une trentaine de salariés du secteur civil et une vingtaine de militaires sont présents. Le personnel médical joue un rôle essentiel dans le suivi de leur parcours de soin et leur réinsertion. Beaucoup de résidents sont en détresse sociale ou psychologique.

Le médecin en chef de réserve, le colonel Jean-Jacques, explique : « Une personne âgée aussi a des projets de vie. Nos légionnaires ressentent le besoin d’appartenir encore à l’Institution et à la collectivité militaire. En occupant une fonction, ils stabilisent leur humeur. À la différence d’un EHPAD1, leur prise en charge s’arrête lorsqu’ils ne peuvent plus suivre le mouvement », ajoute-t-il.

L’adjudant Jean est infirmier en chef au domaine depuis l’été dernier. Suite à un accident de saut, son inaptitude pour les troupes aéroportées l’oblige à se réorienter. « J’apprends ici une autre facette du métier. C’est enrichissant. » À sa manière, lui aussi se reconstruit dans cet environnement.

 

Le saviez-vous ?

 

L’Institution accueille une quinzaine de légionnaires, blessés physiques et/ou psychiques de l’opération Barkhane. Âgés de 25 à 35 ans, ils sont associés aux activités, aux côtés des Anciens.

 

L’Institution des invalides de la Légion étrangère

 

Le domaine a été acquis par le ministère des Armées et mis à disposition de la Légion étrangère, le 2 mai 1954, sous la présidence de René Coty. Il comprend 220 hectares, dont 40 dédiés à la vigne. L’Institution dépend du foyer d’entraide de la Légion étrangère, un établissement public.

 

"Se souvenir pour mieux agir"

 

Depuis dix ans, les lieutenants du CENTAC-1er bataillon de chasseurs à pied travaillent chaque année pendant une semaine au profit du mémorial du Linge dans les Vosges Alsaciennes. Ils restaurent ce lieu d’affrontement entre Français et Allemands lors des sanglants combats de 1915. Pascal, tout juste capitaine, a travaillé à sa réhabilitation, il nous conte cette expérience.

 

Dans cette restauration, qu’est-ce qui a été marquant pour vous ?

 

Cette année nous étions quatre lieutenants à avoir restauré les tranchées, les postes d’observation et les abris, sous l’égide du directeur du mémorial. C’est à la fois une activité de cohésion et un devoir de mémoire. Ce qui m’a le plus marqué, ce sont ces instants où je déterre des objets du quotidien tels que des débris de vaisselle, des canettes, des ceintures ou des cartouches. Je réalise qu’ils appartiennent à quelqu’un, qu’ici même, ils ont servi il y a plus de soixante-dix ans. Ces objets réincarnent presque les soldats et sont les témoins de tous ces drames.

 

En quoi la réhabilitation de ce mémorial participe-t-elle à l’aguerrissement moral du soldat ?

 

Pendant que j’œuvrais, je me glissais dans la peau d’un soldat du passé pour me mettre à sa place. Cela nous renvoie à nos propres dangers. On connaît les risques du métier militaire, mais ce devoir de mémoire nous le rappelle. Pour nous préparer, nous avons recherché en amont des techniques de restauration utiles et découvert comment étaient réalisées les tranchées. Ces compétences sont précieuses pour quiconque ira sur le terrain : emplacement et organisation d’un poste d’observation, construction d’abris rustiques ou plus élaborés, et analyse du terrain.

 

Comment se sent-on concerné en tant que chef ?

 

On prend conscience des responsabilités qui nous incombent. Demain, sur un théâtre d’opération, nous aurons à prendre des décisions difficiles pour la vie de nos hommes. Commander aujourd’hui est différent d’hier. Autrefois, les combattants montaient à l’assaut en ligne, aujourd’hui nous utilisons tous les moyens techniques et technologiques à notre disposition pour exposer le moins possible la vie de nos soldats. Une fois le chantier fini, nous avons rejoué la bataille de Linge avec tous les officiers du régiment, l’occasion de repenser les stratégies de l’époque et, au-delà de l’aspect mémoriel, de travailler à la sécurité des militaires d’aujourd’hui. Notre priorité : se souvenir pour mieux protéger.

 

Le saviez-vous ?

Sur ce site, près de 17 000 Français et Allemands ont péri en 1915. Ils avaient en moyenne vingt ans.

 

Sauver de l’oubli

 

Dans sa jeunesse, l’actuel directeur du mémorial de Linge a rencontré un ancien combattant dévasté par l’oubli des Poilus : le site était utilisé comme déchetterie par la région. Adolescent, il s’est engagé à restaurer cet endroit. Une promesse tenue.

 



Clémentine HOTTEKIET-BEAUCOURT,

CNE Eugénie LALLEMENT,
Ministère des Armées, Terre Information Magazine


 
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Source : www.asafrance.fr