HISTOIRE : Réhabilitation

Posté le dimanche 23 janvier 2022
HISTOIRE : Réhabilitation

Aujourd’hui, tout ce qui vient de la gauche, s’agissant de la France, est suspect. Ce ne fut pas toujours le cas, mais aujourd’hui, ça l’est. Le temps de la gauche patriote, qui a versé son sang pour sauver la patrie, est révolu, et, selon tout ce que l’on peut voir ou entendre, ce temps ne reviendra pas de sitôt. La preuve nous en a encore été donnée dimanche dernier lors du meeting du leader de la France Insoumise à Nantes : pas de drapeaux tricolores agités sur les bancs, et à la fin de la harangue, un « Vive la République » non suivi de « Vive la France ».

C’est d’ailleurs un membre de ce parti politique qui a fait voter en catimini une proposition de loi pour la réhabilitation des fusillés de la Grande Guerre. Les lois les plus scélérates sont votées de nuit, dans un hémicycle occupé par les seuls « Judas » que la déconstruction de la nation intéresse. Ils sont à gauche. Essayons de comprendre.

La guerre de 14 a projeté sur le front plusieurs millions d’hommes. Ils constituaient un ensemble parfaitement organisé en unités militaires cohérentes dont les actions ont été le plus souvent parfaitement ordonnées. Mais cet ensemble était un véritable foutoir social, où les plus honnêtes citoyens, les plus nombreux, se sont trouvés mêlés aux malfrats, les instituteurs aux analphabètes, les croyants aux libres penseurs, les riches aux pauvres, les paysans aux ouvriers et les anarchistes aux républicains convaincus.

Rien d’étonnant, alors, que dans les tranchées aient pu s’exercer, sous l’influence de personnalités fortes et décidées, une propagande dénonçant l’inutilité de cette guerre, son inhumanité et l’absurdité des sacrifices exigés d’une jeunesse qui n’aspirait qu’à vivre. Cette propagande a pu influencer les esprits les plus faibles et les conduire à l’irréparable. L’exemple de leurs officiers montant à l’assaut à la tête de leur unité n’a pas suffi à certaines consciences chancelantes d’affermir leurs convictions et leur sens du devoir. 

Aux yeux de beaucoup de Poilus, certaines manœuvres ou offensives sont apparues comme des fautes intolérables commises par des autorités politiques et militaires dépassées par cette puissante invasion. Dans un premier temps, ce fut en 14 la retraite peu glorieuse de nos armées face à l’avancée allemande jusqu’à leur rétablissement sur la Marne, ou cette « course à la mer » synonyme d’incapacité à percer ou contourner les lignes ennemies. Ils eurent le même sentiment plus tard après l’hécatombe du Chemin des Dames qui rendit plus concrète cette idée d’une boucherie inutile contre laquelle, pour les artistes, intellectuels, militants pacifistes ou syndicalistes, tous solidaires du Poilu sans espoir, il était juste de s’insurger. 

Ces erreurs sanglantes ont pu faire douter le plus courageux des soldats, tout en lui apportant la preuve que les promesses de victoire imminente du haut commandement dissimulaient des sommes incalculables d’incompétences. Elles expliquent ces révoltes, sans pour autant les justifier. Pendant toute la durée de cette guerre, par crainte de mourir ou mus par un irrépressible instinct de conservation, nombreux ont été ceux qui ont essayé d’échapper à l’enfer des tranchées en imaginant toute sorte de combines allant de la mutilation volontaire à la désertion. Ça n’est pas patriotique, mais c’est bassement humain.

L’horreur de la Grande Guerre n’est plus à démontrer, et que certains s’abandonnent à vouloir excuser les refus d’obéissance allant jusqu’à la mutinerie, la grève de la guerre et la désertion, pourrait, sinon se comprendre, du moins s’expliquer. C’est, d’ailleurs, toujours dans les mêmes rangs que se situent les apôtres de l’indulgence et du pardon. Un ancien Premier ministre, socialiste, aujourd’hui considéré comme un sage, a relancé à la fin des années 90 le débat sur ces cas en les faisant passer pour douloureux autant que vertueux, ce qui, d’une certaine manière, est odieux. À quoi pourrait bien servir aux drogués à la mansuétude nocturne, englués dans le déni du déshonneur, de jeter en pâture à l’opinion publique les noms de famille de ceux qui, face à l’ennemi, quelle qu’en puissent être les raisons, se sont mal comportés, tout en alléguant faussement que leur attitude était justifiée et mériterait réhabilitation ?

Combien, parmi ceux qui ont combattu jusqu’au bout, ont préféré une possible mais hypothétique balle allemande à la certitude de douze balles françaises accompagnées de l’opprobre voué aux lâches ou aux traîtres rejaillissant sur toute leur famille, et pour longtemps ? Au bout de ce choix fait dans le secret des consciences, ou avec l’aide ferme autant que bienveillante de chefs qui ont su parler à leurs hommes avant, souvent, de se faire tuer, il y a eu le devoir accompli, la gloire pour tous, la victoire et le salut de la patrie. Est-ce l’équivalent des forfaitures accomplies par ceux sur qui il a fallu que passe la justice ?

« Tandis que du destin subissant le décret, tout saignait, combattait, résistait ou mourait, on entendit ce cri monstrueux : JE VEUX VIVRE ! Le canon stupéfait se tut, la mêlée ivre s’interrompit… le mot de l’abîme était dit. Et l’aigle noir ouvrant ses griffes attendit. » (Victor Hugo, L’année terrible).

Voilà ce que les ignares insolents et vulgaires d’un hémicycle de bacchanales crépusculaires veulent réhabiliter.

 

Jean-Jacques NOIROT
Colonel (er)
Membre de l’ASAF


Source photo : Ministère des Armées
  

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Source : www.asafrance.fr