RELATIONS INTERNATIONALES. La France dans l'Indo-Pacifique : Une puissance médiatrice ?

Posté le vendredi 19 mars 2021
RELATIONS INTERNATIONALES. La France dans l'Indo-Pacifique : Une puissance médiatrice ?

La France a accéléré son activité dans la région conformément à sa stratégie indo-pacifique 2019.

Alors que les États-Unis cherchent à contrebalancer la Chine, ils feraient bien de se tourner vers le plus ancien allié des États-Unis, la France, qui renforce sa propre présence dans le Pacifique.

Depuis ses premières actions et déclarations, l’administration Biden a cherché à rassurer ses alliés en Asie sur l’engagement continu de Washington en faveur d’un Indo-Pacifique «sûr et prospère». Alors que le langage plus diplomatique a été interprété dans certains milieux comme un recul par rapport à «Indo-Pacifique libre et ouvert» de l’administration Trump, il existe un consensus bipartisan en Amérique sur la nécessité d'empêcher Pékin de «combler le vide» économiquement et militairement dans ce qui est devenu le cœur de l'économie mondiale.

Un tel consensus est non seulement partagé par les alliés de Washington dans la région, mais aussi de plus en plus en Europe. Le président Biden, dont le ton conciliant et l'approche inclusive sont les bienvenus dans les cercles diplomatiques européens, devrait pouvoir compter sur le soutien et la participation de ses homologues européens.

La France pourrait être en ce sens d'une aide unique - à la fois en tant que nation indo-pacifique elle-même depuis plus de deux siècles et en tant que première nation européenne à avoir établi une stratégie formelle dans l'Indo-Pacifique, en 2019.

 carte monde

 

Depuis, la France se positionne comme une «puissance stabilisatrice» dans une zone qui «s'étend de Djibouti à la Polynésie», comme le soulignait la «Stratégie française de défense dans l'Indo-Pacifique» 2019, et elle a progressivement intensifié son activité dans cette partie du monde. Avec certains de ses homologues européens, comme l’Allemagne, la France a également été un porte-parole fort en Europe pour convaincre cette dernière de l’importance d ’« être là » dans la défense des biens communs mondiaux.

« [Bien que] initié et adopté par plusieurs nations ces dernières années, le concept de théâtre indo-pacifique ne veut pas dire la même chose pour chacun d'eux», explique un officier sous-marinier français familier de cette région.

« Pour la France, qui est le tout premier pays européen à avoir adopté une stratégie indo-pacifique, la clé est l'inclusion de nos différents partenaires régionaux dans l'équation - ainsi que de nos territoires dans l'océan Indien. Pour rappel, la France a des intérêts importants à travers le Pacifique, avec la Polynésie française (qui comprend Tahiti), la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna.

Ayant nommé le premier ambassadeur de France pour l'Indo-Pacifique en octobre 2020, la France possède des intérêts acquis clairs à commencer par la protection de quelque 1,6 million de Français. Ces territoires représentent 93% de la zone économique exclusive (ZEE) de la France, ce qui en fait la deuxième au monde après les États-Unis.

L’objectif du gouvernement Macron est « d’agir en tant que puissance de médiation inclusive et stabilisatrice (…). Cela signifie renforcer notre coopération avec tous les pays au niveau local, sans [engagements] exclusifs; une forte implication dans le règlement des crises régionales; un soutien accru au multilatéralisme régional; et un engagement pour la promotion des biens publics communs (protection du climat et de la biodiversité, santé, éducation). C'est dans ce cadre que nous entendons protéger notre souveraineté et nos intérêts », affirme la stratégie officielle française dans l'Indo-Pacifique.

Pour la France, comme pour l'Union européenne en général, la Chine est considérée comme une entité paradoxale: « un partenaire de coopération, un concurrent économique et un rival systémique: un partenaire à traiter sur certains grands enjeux mondiaux, comme le changement climatique où nous avons déjà développé notre dialogue avec Pékin; un concurrent pour les questions commerciales, technologiques et industrielles; et un rival systémique, compte tenu notamment de ses positions sur les droits de l'homme », comme le décrit un responsable du gouvernement français. 

Forger des alliances entre des États partageant les mêmes idées :

En septembre dernier, la première rencontre trilatérale entre la France, l'Inde et l'Australie s'est tenue à un haut niveau avec la participation du secrétaire général du ministre français des Affaires étrangères. La France a également approfondi ses échanges avec le Japon sur les questions indo-pacifiques.

Protéger la souveraineté de ses territoires et le nombre croissant de Français qui y quittent a toujours exigé une force militaire adéquate composée de moyens avancés et de troupes. Ces forces «pré positionnées» sont appelées «forces de présence» et comprennent 7 à 8 000 soldats permanents, ainsi que 700 membres temporaires déployés.

En plus des exercices réguliers traditionnellement organisés dans l'océan Indien, comme «Varuna» avec la marine indienne depuis 1993, ainsi que dans le Pacifique, comme l'exercice biannuel humanitaire et de secours «Croix du Sud» organisé depuis la Nouvelle-Calédonie , il est intéressant de souligner la capacité récente des forces armées françaises à projeter plus vite et plus loin en mer et dans les airs depuis le continent. La profondeur stratégique est devenue le nom du jeu pour les planificateurs militaires français et la technologie le rend aujourd'hui possible de manière inédite.

Du 20 janvier au 5 février 2021, les forces aériennes et spatiales françaises ont mené une mission à longue portée appelée Skyros qui a débuté à Djibouti pour se rendre en Inde, aux Émirats arabes unis, en Égypte et en Grèce. Skyros impliquait quatre Rafale, un MRTT, un A400M et quelque 170 aviateurs.

En juin, une autre mission de projection de puissance appelée «Heiphara» est prévue dans l'Indo-Pacifique directement à Tahiti et retour via Norfolk pour célébrer le 240e anniversaire de la bataille de Yorktown à l'automne.

Comme le soulignait un officier des forces aériennes et spatiales françaises, `` ce type d'exercices permet d'améliorer notre interopérabilité: avec un pays comme l'Inde qui achète traditionnellement un tiers de ses équipements militaires à la Russie, un tiers à Israël et un tiers aux pays de l'OTAN, il est intéressant pour Rafale et Sukoi 30 de s'entraîner en tant qu'aviateurs ... ''

Il en va de même sur le théâtre maritime où la marine française mène en permanence des opérations, comme le déploiement actuel de la frégate « Prairial » depuis Tahiti pour surveiller l’embargo contre la Corée du Nord en coopération avec le Japon. La «mission Marianne» a déployé pendant huit mois et pour la première fois dans le Pacifique occidental un sous-marin d’attaque nucléaire, le SSN «Emeraude» ».

L’observation du gouvernement français selon laquelle, à mesure que le monde devient plus étroitement interconnecté, une dangereuse «contraction de l’espace géopolitique» - par exemple, l’objectif chinois de relier la mer Baltique à l’Arctique.

Beaucoup plus que l'œil ne peut voir est donc en jeu et c'est pourquoi, avec ses partenaires européens comme l'Allemagne, Paris promeut un agenda indo-pacifique au niveau européen et espère qu'une stratégie européenne pour l'Indo-Pacifique pourra être approuvée plus tard cette année.

 


Murielle DELAPORTE

Source: https://breakingdefense.com
Traduction general Joël GRANSON

 

 

Source : www.asafrance.fr