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ARMEMENT :  En pleine crise des sous-marins, l'Allemagne pose les bases d'un partenariat spatial militaire avec l'Australie

Posté le vendredi 24 septembre 2021
ARMEMENT :  En pleine crise des sous-marins, l'Allemagne pose les bases d'un partenariat spatial militaire avec l'Australie

Alors que la France est aux prises depuis une semaine avec l'Australie sur le dossier de la crise des sous-marins, le général Eberhard Zorn, chef d'état-major de l'armée allemande, a posté sur Twitter des photos qui n'ont pas manqué de faire réagir. Accompagné de l'amiral David L. Johnston, vice-chef des Forces de défense australiennes, le militaire s'y félicite de la signature d'une lettre d'intention pour un «Military Space Partnership» entre les deux pays. «L'Australie et l'Allemagne veulent approfondir le dialogue sur la sécurité et la situation spatiale», écrit le haut gradé.


Une «coopération en matière de surveillance de l'espace»

Dans le domaine spatial, une «lettre d'intention» indique la volonté de plusieurs gouvernements de coopérer sur des programmes communs, des échanges de données et des procédures mises en place dans le but d'enrichir mutuellement leurs bases de données. « Ça aboutit généralement à des accords inter-gouvernementaux qui permettent aux communautés militaires de se parler», précise Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), qui y coordonne les recherches concernant l'espace, les hautes technologies et la sécurité. Ici, «cela concerne une coopération en matière de surveillance de l'espace», commente le spécialiste. Pour nos voisins d'outre-Rhin, cet accord est un atout non négligeable, car ils possèdent peu de territoires ultra-marins : «L'Australie est une base intéressante, car l'Allemagne aura accès aux capteurs de surveillance de l'hémisphère sud, qui amplifieront les capacités de suivi des objets spatiaux, par exemple pour éviter une collision ou mieux gérer une rentrée atmosphérique difficile», analyse Xavier Pasco.

Depuis 2019, l'Allemagne possède déjà un partenariat spatial civil avec l'Australie, «comme la France en a également», rappelle le chercheur. D'ailleurs, «tous les pays signent des dizaines d'accords bilatéraux avec différents pays dans le domaine spatial civil», complète-t-il. Ces partenariats «facilitent l'échange de données, de personnel», ainsi que les «recherches communes sur des satellites et les travaux communs pour penser à un futur projet». En revanche, l'annonce d'une coopération militaire traduit une volonté de nouer une relation plus étroite. Surtout, dans le contexte actuel, «l'Australie est vraiment une plateforme importante pour le système militaire américain», explique Xavier Pasco. «En signant avec l'Australie, l'Allemagne signe avec un pays qui a un rapport privilégié avec les États-Unis. Il y a donc une symbolique particulière», en pleine crise des sous-marins, assure le directeur de la FRS.


Un timing malheureux, mais deux événements bien distincts

Pour autant, «il faut savoir raison garder et ne pas tomber dans un climat de paranoïa», prévient Éric-André Martin, secrétaire général du Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l'Institut français des relations internationales (Ifri). «Il s'agit d'un accord technique de coopération. Ça n'a rien à voir, par son impact politique et diplomatique, avec la question du contrat des sous-marins. Que deux généraux aient des contacts et signent un accord, c'est normal», tranche-t-il. Le spécialiste regrette d'ailleurs que cette affaire ait été montée en épingle sur les réseaux sociaux : «Il y a une conjonction malheureuse dans le temps, mais il ne faut absolument pas lier les deux». Si Xavier Pasco s'interroge également «sur le timing», cette annonce aurait-elle pu être reportée, une fois la crise passée ? «Ce sont des accords qui consacrent des relations nouées pendant des mois, voire des années», fait valoir le directeur de la FRS. «On n'est pas dans une situation de guerre, mais dans une crise politico-diplomatique. Les horloges du monde ne s'arrêtent pas de tourner avec la crise des sous-marins. La visite d'un général est prévue largement en amont», abonde Éric-André Martin.

Mais ce dernier aurait-il dû faire preuve de plus de discrétion dans les conditions actuelles ? «La manière dont est faite cette annonce, avec le général qui s'en prévaut au moment où il se passe tout ça, et où l'Europe et même l'Allemagne ont une position très réservée sur les États-Unis et l'Australie, c'est un peu délicat», estime Xavier Pasco. D'autant plus que dans un autre tweet, publié le lendemain, le haut gradé s'est également vanté, photo à l'appui, d'un «bon échange» avec son homonyme, le général américain Mark A. Milley, à propos d'éventuelles «opérations conjointes et de projets de formation».

Mais pour Éric-André Martin, «le général a dû mettre beaucoup de temps pour négocier cet accord, on ne peut donc pas lui reprocher de s'en féliciter publiquement». Plus largement, le spécialiste appelle à resserrer les rangs à l'échelle de l'Union européenne. «Il ne faudrait pas que cet échec spécifique vienne contaminer l'Europe», prévient-il. «Il faut faire attention de ne pas se tromper d'ennemi. La France a acquis une sorte de capital sympathie avec cette affaire. Il faut en profiter pour montrer que c'est un problème pour l'Europe, et pas seulement pour la France».


Hugues MAILLOT

Lefigaro.fr
23 septembre 2021

 

 

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